main n. f.
I. 〈Nord (Roubaix), Seine-Maritime, Loire-Atlantique, Centre-Ouest, Loir-et-Cher, Indre,
Cher, Allier, Rhône (Lyon), Creuse (nord-est)〉 vieillissant "petite poche en tissu éponge dans laquelle on enfile la main, pour faire sa toilette". Stand. gant de toilette. Synon. région. lavette*.
1. – Et y a pas de main ? demande Sissi [dans une salle de bain, au Québec]
– Dans tout le continent nord-américain, il n’y a pas de gant de toilette, de « main » comme dit Sigo. C’est un carré de tissu éponge, de la taille d’un mouchoir normal qui en fait office, la « débarbouillette ». (A. Aucouturier, La Tourte aux bleuets, 1997, 150.) 2. « Pour ne pas avoir de lentilles [= taches de rousseur] sur la figure on mettait le
gant de toilette dehors / une main / on le dit oco [= encore] / une main / et ma mère le faisait / elle se débarbouillait à la rosée de mai / pendant tout
le mois de mai pour avoir bon teint » (SchortzSenneville 1998, 186.)
□ En emploi métalinguistique.
3. Grand-mère dit « main » pour gant de toilette. (M. Chaillou, La Croyance des voleurs, 1990 [1989], 194.)
II. 〈Bretagne, Sarthe, Saône-et-Loire (Bresse louhannaise), Jura, Haute-Savoie, Isère,
Alpes-de-Haute-Provence, Var, Bouches-du-Rhône, Gard, Hérault, Aude, Ariège, Haute-Garonne,
Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot, Aveyron, Lozère, Haute-Loire (Velay), Cantal, Puy-de-Dôme,
Corrèze, Haute-Vienne, Dordogne, Pyrénées-Atlantiques (Béarn).〉
1. donner (moins usuel prêter) la main à qqn loc. verb. usuel "apporter son aide à qqn". Stand. fam. donner un coup de main. – Je t’attendais hier pour que tu me donnes la main, je suis resté tout seul (QuesnelPuy 1994).
4. P’tit Louis, Fonchet et Helleux donnaient la main à l’équipe du Marais. Goulec père regardait. C’était son droit de patron, mais c’était
en même temps sa force de ne se trouver jamais gêné par la vue des autres au travail.
(R. Vercel, La Caravane de Pâques, 1988 [1948], 364.)
5. Elle lui servit un verre de vin, puis s’installa en face de lui pour égrener ses haricots.
– Je vais vous donner la main, proposa l’homme. (B. Clavel, Celui qui voulait voir la mer, 1988 [1963], 56.) 6. En outre, les nouveaux embarqués […] n’étaient plus en état de boire leur quart de
vin ; par souci de solidarité, les gabiers leur donnaient la main en cette circonstance, pour éviter de voir se perdre un si précieux breuvage. (P. Sizaire,
Le Parler matelot, 1976, 163.)
7. Le comité de la société de pêche établissait ensuite le classement. Les surveillants
« donnaient la main » à la pesée […]. (A. Nicoulin, Le Dessus du Mont, 1979, 141.)
8. Tandis que les draps s’égouttaient à leur tour sur le bâton, il fallait descendre
la lessiveuse. Pour « donner la main » à la Toupine [une femme de ménage], le premier venu (mon père ou un voisin) ferait
l’affaire. (Marie-Paule Grégoire, « La Toupine », Revue du Rouergue 34, 1980, 152.)
9. […] le curé, au temps des grands travaux, donnait régulièrement la main à ses paroissiens : car avant que la France ne connût les prêtres-ouvriers, la Lozère
avait eu ses prêtres-paysans. (F. Buffière, « Introduction » à F. Remise, Contes du Gévaudan, t. 3, 1981, 24.)
10. Dans la région des étangs, l’usage resta jusqu’à ces dernières années (Saint-Bresson)
pour ceux qui avaient les premiers terminé la fenaison ou l’arrachage des pommes de
terre, de donner la main aux retardataires. (J.-Chr. Demard, Traditions et Mystères d’un terroir comtois au xixe siècle. Les Vosges méridionales, 1981, 246).
11. […] ça te permettra de faire ton « pansage » tranquillement et de « donner la main » à ta femme pour tous les petits travaux. (Th. Duret, Albertine au bord des chemins, 1988, 7.)
12. Il m’arrive de lui donner la main pour empaqueter les œufs. (Cl. Courchay, Chronique d’un été, 1990, 141.)
13. Certes, et l’accident de Jacques en avait apporté la preuve, les voisins savaient
encore donner la main à celui qui en avait besoin. Mais c’étaient des démarches individuelles qui demandaient
presque des circonstances exceptionnelles pour se révéler. (Cl. Michelet, L’Appel des engoulevents, 1990, 417.)
14. « J’attendrai qu’il soit revenu des champs, s’est-il dit[,] et j’irai lui donner la main aux étables […]. » (Panazô, Le Traînard, 1994, 97.)
15. […] il disait à mon père : « Le petit viendra me donner la main ?
– Oui, oui ! » (L. Merlo, J.-N. Pelen, Jours de Provence, 1995, 34.) 16. […] je descendais presque deux fois par semaine pour voir Georges et lui donner la main. (J.-Cl. Libourel, Le Secret d’Adélaïde, 1999 [1997], 141.)
17. Fernand, cinquante-trois ans, Toulon : « Voilà cinq ans que je suis dans le chômage […]. Chaque jour, je descends une marche.
Je vous prie de me donner la main avant que j’arrive au fond. » (Le Monde, 19 janvier 1998, 10.)
— Sans compl. d’attribution. Donner la main pour la fenaison des regains (A. Sylvère, Toinou. Le cri d’un enfant auvergnat, 1980 [av. 1963], 161). Cyprien donnait la main pour charger les dernières gerbes (J. Mallouet, Les Jours chiffrés, 1999, 263).
18. En plus de la petite culture, nos gens étaient employés au château : Gaspard donnait la main aux écuries pour bouchonner, étriller, aboirer [= abreuver] les chevaux […]. (L.-A. Gauthier,
Les Fidarchaux de Cabrefontaine, 1978, 238.)
19. […] la manade [v. manade1] Grand-Guillerme s’est trouvée sans gardian*. Alors, Fonfonne Guillerme et son frère Charles sont venus à la maison. Ils voulaient
que je vienne donner la main. (J. Durand, André Bouix, gardian de Camargue, 1980, 109.)
20. […] Rose et Baptiste, assistés par Marthe venue « donner la main », commencèrent à confectionner les pâtés, les saucisses, les rôtis et les boudins
en écoutant les conseils attentifs de Julia. (Chr. Signol, Les Chemins d’étoiles, 1988 [1987], 154.)
21. Quelquefois la discussion se prolongeait assez tard. Il arrivait que l’on « prêtât » la main pour la corvée de l’ail ou le triage des noix. (Cl. Fourneyron, Quel temps faisait-il en Auvergne ?, 1991, 129-130.)
22. – Ils font partie des comité des Gras*, ils vont donner la main pour accrocher le Den Paolig [= Bonhomme Carnaval]. (J. Failler, Boucaille sur Douarnenez, 1996, 97.)
23. Aujourd’hui, on y [un orphelinat] trouve encore une trentaine de mômes […]. Les plus
grands vivent plus ou moins à l’extérieur, dans des familles du bled. Ils donnent la main pour les travaux des champs. (Cl. Courchay, Quelqu’un, dans la vallée…, 1998 [1997], 30-31.)
24. – Elle est où, ta femme ?
– Elle est partie donner la main. (Garagiste, env. 50 ans, Marnay [Haute-Saône], le jour d’une fête organisée par les commerçants, 3 juillet 1999.) — Emploi pron. réciproque. Stand. s’entraider. – On se prêtait la main pour de menues besognes (Bl.-M. Depincé, Au Carillon de l’Ouest, 1975, 129.)
25. […] ce besoin qu’avaient les familles de se prêter la main pour les durs travaux. (Ch. Forot, M. Carlat, Le Feu sous la cendre, 1979, t. 1, 155.)
26. Plus tard, on « se donnait la main » en permanence. Tu allais voir l’un pour qu’il te prête sa charrue. L’autre venait
t’emprunter tes comportes [= récipients pour transporter la vendange]. (J. Durand,
André Bouix, gardian de Camargue, 1980, 70.)
27. Quand l’homme disparaît, il faut bien faire face et survivre mais on sait « se donner la main » ; et quand tous ceux qui sont dans la force de l’âge sont partis à la guerre, les
femmes empoignent les outils défendus : la hache, la charrue, la faux […]. (A. Mante,
Le Temps s’élève, 195, 83.)
2. donner la main à qqc. loc. verb. moins usuel "apporter son aide pour (un travail)".
28. […] à Groix, pas de travail rémunéré possible. Le seul salaire était le repas, quand
on avait « donné la main » à une tâche comme la moisson, le battage, l’arrachage de pommes de terre […]. (A. Pollier,
Femmes de Groix ou la laisse de mer, 1983, 198.)
III. 〈Jura (Haut Jura), Haute-Savoie, Savoie, Provence, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales,
Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Aveyron, Puy-de-Dôme, Corrèze, Pyrénées-Atlantiques
(Béarn)〉 toucher la main à qqn loc. verb. usuel "donner une poignée de main à". Stand. serrer la main. – Le député m’a touché la main (GuichSavoy 1986).
29. Les frictions entre transhumants de Provence et éleveurs locaux ne sont pas chose
nouvelle. Cela n’empêche pas les amitiés de se nouer, souvent. Louis Lemercier [75
ans, berger dans les Bouches-du-Rhône], en montant vers les hauts plateaux, fait de
nombreuses haltes, trinquant chez l’un ou l’autre – ancien berger ou bistrotier qu’il
a connu du temps de sa jeunesse. « Il y a même des fois, à la Fête de la transhumance, des gens que je ne connais pas,
qui viennent me toucher la main [glosé : dire bonjour] », s’étonne-t-il, content. (C. Simon, « La Transhumance, rituel modernisé », Le Monde, 4-5 octobre 1998, 10.)
— Var. 〈Lot-et-Garonne〉 toucher main à qqn. Mon voisin est fâché, il ne m’a pas touché main (A. Paraillous, Le Chemin des cablacères, 1998, 284) ; 〈Ardèche (Mariac), Haute-Loire (Velay)〉 toucher qqn de la main. Il m’a pas touché de la main, il me craint depuis notre prise de bec ! (MazaMariac 1992) ; 〈Dordogne〉 vx toucher de main à qqn ; 〈Isère (Meyrieu)〉 vieilli ou vx toucher qqn sur la main. On s’est pas parlé, y avait trop de monde, mais il m’a touché sur la main (MartinPellMeyrieu 1987).
30. À la sortie [du cimetière], nous nous sommes pressées pour toucher de main aux membres de la famille […]. (G. de Lanauve, Les Mémoires d’Anaïs Monribot, 1969, 143.)
◆◆ commentaire.
I. Ce sens par métonymie de fr. main a été pris en compte tardivement par la lexicographie générale, qui le donne, probablement
à tort, sans marque d’usage (Rob 1959-1985 ; GLLF). Probablement récent (gant de toilette est attesté dep. 1926, Larousse ménager, v. Frantext), très peu représenté dans les relevés régionaux, il semble particulièrement en usage
dans le français du Nord (comm. de F. Carton), du Centre-Ouest et du Centre ; main-éponge est le « terme normal » dans l’usage de B. Moreux (Morbihan-Paris ; Dole) ; signalé pour Lyon par G.B.
II. Attesté en français dep.1573 (« Il me souvient, Garnier, que je prestay la main Quand ta Muse accoucha » Ronsard, dans R. Garnier, Marc Antoine, Hippolyte, 102)a ; 1640 (« prester ou donner la Main » Oudin, v. FEW), cette locution fait toujours partie du français de référence (Ø GLLF ;
Rob 1985 ; TLF ; NPR 1993-2000 ; Lar 2000), sans marque d’usage mais toutefois sans
exemples récents ; assez bien représentée dans le cédérom Le Monde 1987-1998, elle semble plus fréquente dans le français de certaines régions : partie méridionale
de la France (où elle forme une aire compacte) et Bretagne, ainsi qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon
(v. aussi Lengert 1994 pour la Suisse romande).
III. Attestée sous cette forme dep. 1560 et antérieurement, au plurielb, la locution est enregistrée par Cotgr 1611 ; mais il est difficile de déterminer
de quel geste précis il s’agit dans les exemples anciens (poignée de main n’est attesté que dep. 1824, Balzac, Annette et le criminel, dans Frantext). Elle est marquée diatopiquement dans Lar 1876 (« usitée dans le midi »), mais accueillie sans marque diatopique dans les dictionnaires généraux contemporains
(GLLF ; Rob 1985 ; TLF s.v. main « vieilli » et s.v. toucher1sans cette indication, dans les deux cas avec des ex. du 19e siècle). Même si son emploi ne s’y limite pas (comme semblent l’indiquer plusieurs
exemples du cédérom Le Monde 1987-1998 ; v. aussi RobezMorez 1995), elle est particulièrement en usage dans le sud de la
France (d’où elle est passée dans le français d’Algérie, v. DuclosAlgérie 1992) et
en Suisse romande (LengertAmiel) ; comme l’indique MoreuxRToulouse, toucher la main est utilisé dans la correspondance des poilus du Sud-Ouest (G. Bacconnier et al., La Plume au fusil, 1985, 73).
a Comm. de P. Enckell.
b « La royne envers eulz retourna et sans mot dire, a nous toucha les mains » (A. de La Sale, Jehan de Saintré, base MF) et « “Touchez nous donq la main, dit Breton, car nous sommes freres de vostre mary Jambon,
et vos beaux freres.” Dame Felicette, qui se souvenoit encore des paroles de son mary Jambon et des coups
qu’il luy avoit autrefois donné, ne leur vouloit pas toucher la main ; si est-ce qu’ilz
sceurent si bien caqueter qu’elle leur toucha la main » (J. Louveau, trad. Straparole, Les Facétieuses nuits, Librairie des bibliophiles, t. 2, 221). Comm. de P. Enckell.
◇◇ bibliographie. (I) Hanse 1994 s.v. gant de toilette « on dit aussi main ou main de toilette » ; SchortzSenneville 1998 ; aj. à FEW 6/1, 285b-286a, manus, où ce sens manque. – (II) GabrielliProv 1836 ; BonnaudAuv 1976 ; TuaillonRézRégion 1983 (Haute-Savoie) ; BrassChauvSPM
1990 ; CampsLanguedOr 1991 ; BoisgontierMidiPyr 1992 « dans tout le Sud-Ouest » ; GagnySavoie 1993 ; PotteAuvThiers 1993 ; QuesnelPuy 1994 et 1998 ; MazodierAlès
1996 ; MoreuxRToulouse 2000 « ce régionalisme (si c’en est bien un) est inconscient » ; FEW 6/1, 286a, manus. – (III) JBLGironde 1823, 146 toucher de main ; ReynierMars 1829 ; SéguyToulouse 1950 « très courant » ; GuichSavoy 1986 ; CampsLanguedOr 1991 ; BoisgontierMidiPyr 1992 ; FréchetMartVelay
1993 ; ValThônes 1993 ; RobezMorez 1995 ; RoubaudMars 1998, 43 ; MoreuxRToulouse 2000 ;
FEW 13/2, 5b, tokk-.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I) Allier, 100 % ; Cher, 80 % ; Indre, 65 % ; Loir-et-Cher (sud), 30 %. (II) Gard, Hérault, 100 % ; Finistère, 90 % ; Lozère, Morbihan, 85 % ; Aude, 75 % ; Côtes-d’Armor,
65 %. (III) Haute-Garonne, 75 % ; Aveyron, 50 % ; Hérault, Tarn, 35 % ; Tarn-et-Garonne, 30 % ;
Aude, 10 % ; Ariège, Gard, Lot, Lozère, 0 %.
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