pardon n. m.
〈Basse Bretagne〉 parfois avec une majuscule à l’initiale usuel "fête patronale annuelle, à laquelle on vient souvent en pèlerinage". Bannière de pardon (A. de Tourville, Jabadao, 1951, 178).
1. Il était toujours seul, même dans les grandes occasions, comme celle du Pardon annuel. Mais il assistait au spectacle jusqu’à la fin, surtout au bal. (L. Guilloux,
Le Jeu de patience, 1949, 578.)
2. Dès qu’il s’embarque l’homme est en danger. Maître à bord sans doute, il n’est plus
le maître du jeu. Tous les éléments l’accompagnent et rarement le rassurent. Pour
essayer de les vaincre, les prières ne sont pas inutiles et les pardons de l’été – les rogations de la mer, comme dit Xavier Grall – s’accompagnent le plus
souvent de la bénédiction des bateaux. (Ch. Le Quintrec, Bretagne est univers, 1988, 20.)
3. Le pardon de Guingamp avait lieu fin juin, avec une fête foraine sur le Vally et une imposante
procession de nuit, aux flambeaux. (É. Chevance, Bribes de mon enfance, 1991, 176.)
4. Le travail emplissait nos journées. Et la messe du dimanche, les vêpres, le bavardage
entre femmes nous tenaient lieu de loisirs. C’était notre cinéma. Il y avait aussi
les pardons, où nous attendaient de nombreux jeunes gens. Ces jours-là, nous jouissions d’une
assez grande indépendance. Nos parents ne faisaient aucune difficulté pour nous envoyer
aux pardons de Milizac. Quand les pardons étaient plus éloignés, les parents hésitaient à accorder leur permission. Mais ils
auraient conçu un certain étonnement de nous voir nous désintéresser de ces fêtes.
/ Aux pardons, on se sentait heureux et libres. Enfin presque. Car il fallait compter avec quelques
vieilles personnes qui nous épiaient avec insistance. (J. Ropars, Au Pays d’Yvonne, 1993 [1991], 175-176.)
5. Dimanche, le pardon de Saint-Bleuzy, saint patron de la paroisse de Saint-Bihy, a réuni deux cents fidèles
dans la petite église paroissiale. (Ouest-France, éd. Saint-Brieuc, 10 août 1999, SBR13.)
6. Plus de 20 000 fidèles se sont rassemblés ce week-end à Plovénez-Porzay devant la
chapelle dédiée à Sainte-Anne, la Mamm-Goz ar Bretonned. Le Cardinal [sic !] Feidt, archevêque d’Aix-en-Provence, présidait ce 1512e pardon sur les dunes de Sainte-Anne-la-Palud. […] Le pardon, l’un des plus anciens de Bretagne, a débuté samedi par une grande veillée à la lumière
des flambeaux. Et dimanche […] après les vêpres, la procession s’est ébranlée au rythme
de centaines de bannières venues des paroisses voisines, portées par des fidèles en
costumes de la région. (Ouest-France, éd. Saint-Brieuc, 30 août 1999, BRR02.)
— Dans les syntagmes grand pardon et petit pardon.
7. Les pardons bretons sont, avant tout, une manifestation de ferveur religieuse. Ils
ont lieu dans des églises ou chapelles consacrées par une tradition parfois millénaire
[…]. Les grands pardons sont fort impressionnants – les petits, moins spectaculaires, sont souvent plus fervents […]. Après la procession, la fête
profane se donne libre cours. (Guide Vert. Bretagne, éd. 1970, 22.)
8. Et le lendemain dès les premières heures du jour, les messes ininterrompues célébrées
par des prêtres de partout, eux-mêmes pèlerins. Et après, le grand pardon, la procession géante à travers la campagne jusqu’à la « grande église » [= cathédrale] de Tréguier, les bannières comme des voiles dans le vent – toujours le vent de la mer –, les régates de la terre et du ciel. (H. Pollès, Sophie de Tréguier, 1983, 225.)
V. encore ici ex. 9.
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
9. […] de tous les « jours de foi », ceux que nous affectionnons le plus ce sont les pardons. Le pardon est la fête annuelle du saint éponyme d’une église ou d’une chapelle. Certaines,
particulièrement vénérées à cause des indulgences et des guérisons qu’on y trouve,
voient même deux pardons par an, le grand et le petit. Le petit est pratiquement réservé
à la population des alentours. C’est sans doute celui de la dévotion la plus vraie.
Le grand rassemble les fidèles d’un ou plusieurs cantons, sans compter les pèlerins
qui viennent de très loin en raison de la réputation particulière de la Vierge, de
la sainte Anne ou du saint qui règne en tel ou tel endroit. (P.-J. Hélias, Le Cheval d’orgueil, 1975, 172.)
10. Autour de la chapelle de Saint-Mathurin, il y avait chaque année, pour la Pentecôte[,]
un pardon. Vous savez qu’un pardon, en Bretagne, c’est une fête mi-religieuse, mi-civile, qui attire en général beaucoup
de monde. / J’avais eu l’idée de célébrer les offices en plein air, parce que l’assemblée
débordait la chapelle, surtout l’après-midi. Mais je me rendis compte que les rires
des buveurs, sous les tentes toutes proches, se mêlaient aux chants de l’assemblée
et dérangeaient surtout l’exhortation du prédicateur. / C’est pourquoi, la troisième
année, je suppliai les commerçants de s’éloigner de l’assemblée. (J. Doré, Recteur breton, 1979, 70-71.)
— Dans les syntagmes vieillis boule de pardon, épingle de pardon, part de pardon.
11. Il est d’usage que les pardonneurs* rapportent à ceux qui n’ont pas pu venir ce qu’on appelle leur « part de pardon ». Cela peut être un objet de piété à l’image de Notre-Dame de Penhors […]. Ou quelque
jouet étranger qu’on ne peut pas fabriquer tout seul […]. Ou une grosse boule brillante,
rouge, jaune, bleue ou verte, à pendre aux solives, mais elle coûte cher. La fameuse
« boule de pardon ». (P.-J. Hélias, Le Cheval d’orgueil, 1975, 183.)
12. Son front d’armoires est sa fierté. Quand elle [la mère] a fini de lui donner son
brillant, elle vérifie son travail dans la boule de pardon jaune qui est suspendue au plafond et doit refléter dans ses flancs tous les clous
sans exception. La boule elle-même, bien entendu, brille comme de l’or. (P.-J. Hélias,
Le Cheval d’orgueil, 1975, 415-416.)
■ encyclopédie. « Autrefois, un moyen sûr de savoir si une jeune fille avait les faveurs des jeunes
gens était de vérifier si on lui offrait aux pardons des boules de verre de couleur
bleue, verte, ou jaune. Ces boules, dont la taille variait selon la générosité du
donateur, étaient pendues au plafond de la salle d’apparat. Ces témoins de l’admiration
ou de la sympathie masculine étaient montrés à qui voulait les voir » (L. Jégou, Le Bénitier du diable, 1982, 207).
■ remarques. 〈Basse Bretagne〉 peu usuel pardonneur, ‑euse n. surtout au m. pl. "participant à un pardon". « […] on prend la route au milieu d’une foule de pardonneurs fervents » (P.-J. Hélias, Le Cheval d’orgueil, 1975, 173) ; « Les faiseurs de slogans, les lanceurs de brûlots, les inconditionnels des festou-noz
et les bonimenteurs, et les pardonneurs impénitents et tous ces gens qui se veulent coiffés de genêts et d’hermines ne savent
pas, ne savent plus que nous avons émergé du silence et de la nuit, de la brume et
du feu primordial, du feu originel, entretenu par les fées entre trois tertres et
autant de cailloux » (Ch. Le Quintrec, Bretagne est univers, 1988, 88) ; v. encore ici ex. 11. – Attesté dep. 1894 (pardonneuse et pardonneur dans A. Le Braz, Au pays des pardons, éd. Lacassin, t. 1, 1029 et 1059), calque de bret. pardoner m. "celui qui va au pardon ; prêtre qui préside au pardon ; pèlerin" (Hémon 1985), celui-ci dérivé de bret. pardonañ v. "aller au pardon ; aller en pèlerinage" (ibid.), lui-même de bret. pardon "pardon (fête)" (ibid.), qui est emprunté au français de Bretagne.
◆◆ commentaire. Afr. frm. pardon m. "absolution religieuse et/ou indulgence accordée aux fidèles dans l’Église catholique" (dep. 1160-74, Wace ; v. TLF) a pris le sens, par métonymie, de "fête (pèlerinage) où se gagnent les indulgences" (parduns pl. ca 1240, La Deuxième Collection des Miracles de la Sainte Vierge ; v. TLF). Ce sens s’est particulièrement conservé dans le français de la Basse Bretagne,
où il est attesté à Quimper dep. 1621 (« Est faictes deffances à tous presbtres de ce diocèze d’assister […] sur telles quelles
bannyes que l’on a de coutume abusivement de faire pour les pardons et assemblées,
à peine de prison », dans A. Croix, Moi, Pierre Martin recteur de Plouvellec, 1993, 87-88). Il est enregistré dans les dictionnaires généraux des 19e (assez vaguement dans Littré 1868 qui parle de "certains pèlerinages", mais donne comme illustration Le pardon de Sainte-Anne d’Auray, repris par DG) et 20e siècles (GLLF "fête populaire qui, en Bretagne, a lieu au moment du pèlerinage" ; Rob 1985 "fête religieuse (bretonne), pèlerinage (breton)" ; TLF « surtout en Bretagne » ; NPR 1993-2000 "fête religieuse bretonne" ; Lar 2000 « en Bretagne »).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Finistère, Morbihan, 100 % ; Côtes-d’Armor, 65 %.
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