péguer v.
〈Drôme, Hautes-Alpes, Provence, Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales, Ariège, Haute-Garonne,
Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot, Aveyron, Lozère, Ardèche〉 fam.
1. Emploi tr. "faire adhérer avec de la colle". Stand. coller. – On a pégué une affiche sur la porte du magasin (LangloisSète 1991).
— Le plus souvent à valeur factitive "rendre collant, poisseux". Ce fruit, il me pègue les doigts (BouvierMars 1986).
1. – Ah ! c’est bon les dattes ! Ça pègue un peu les doigts, mais c’est bon […]. (J. Ferrandez, Nouvelles du pays, 1986, 23.)
2. Emploi intr. "être collant, gluant comme la poix". Lorsque les raisins sont mûrs, ils pèguent (CampsRoussillon 1991). La confiture pègue (FréchetMartVelay 1993). Essuie cette bouteille, qu’[v. que] elle pègue (LangloisSète 1991). Qu’est-ce que tu as mis dans tes cheveux pour qu’ils pèguent comme ça ? (MazodierAlès 1996).
2. L’autre […] s’essuya les mains au tablier comme s’il ne pouvait pas parler […] avec
les mains qui pèguent. (Fr. Fernandel, L’Escarboucle, ma Provence, 1992, 80.)
3. Schram tirait de sa bouche charnue les hameçons qui déchiraient la peau argentée […].
Ses doigts poissaient, péguaient, sentaient le sel et les entrailles, et il les essuyait au revers de son tee-shirt
blanc. (Fr. Thomazeau, Qui a noyé l’homme-grenouille ?, 1999, 13.)
— En constr. impers. Ça pègue, il a mis du miel partout (GermiChampsaur 1996).
4. Il m’avait conduit chez le coiffeur en lui faisant mille recommandations : « Coiffe-le bien, qu’[v. que] après-midi il fait la ferrade*. » Et l’autre m’avait inondé avec un tombereau de gomina. La mode obligeait : mais alors
ça « pêguait » [sic] ! (J. Durand, André Bouix, gardian de Camargue, 1980, 149.)
□ En emploi métalinguistique.
5. […] tout le monde comprend ça pègue comme « c’est poisseux », on sort de table ou du bistrot empégué*, il y a des gens dont on n’arrive pas à se dépéguer, mais on ne pègue plus au bac : on colle… (Y. Rouquette, « Histoires de parler », dans Toulouse, 1991, 142.)
— [Par méton. du sujet]
6. « Tu pègues ! va te laver les mains, tu vas mettre de la confiture sur la corde. » (M. Rouanet, Nous les filles, 1990, 180.)
— Emploi pron. se péguer + compl. prép.
7. […] ces sumacs qu’en novembre, y flambent comme du feu et que les feuilles se pèguent après tes doigts. (Th. Monnier, Madame Roman, 1998 [1957], 147.)
■ remarques. fam. pègue n. f.
1) "colle". « Ta purée, elle est immangeable, on dirait de la pègue » (NouvelAveyr 1978).
2) Au fig. "importun". Stand. fam. pot de colle. « Chaque jour, j’ai cette pègue au téléphone » (LangloisSète 1991) ; « – Figurez-vous que je suis tombé sur une de ces pègues ! Il m’a attrapé et il voulait plus me lâcher. Oh pauvre*, il m’a raconté toute son existence ; comme si j’étais pas assez en retard » (Fr. Fernandel, L’Escarboucle, ma Provence, 1992, 127-128) ; « Quelle pègue, celui-là, pas moyen de s’en débarrasser » (MazodierAlès 1996) ; « Le répondeur. C’est Germoni. Le vieux Germoni, la plaie, la colle, la pègue. La mémoire de la Ville avec ses chroniques d’histoire locale : “Ça c’est passé il y a…” Laugier ne décroche pas. Sinon il en a pour une heure » (R. Merle, Treize reste raide, 1997, 40). En emploi adj. « Être pègue » (NouvelAveyr 1978).
◆◆ Type lexical caractéristique de l’occitan (aocc. pega "poix", dep. le 12e siècle et alangued. ; 1909 Hautes-Alpes pego "importun"), emprunté par le français avec adaptation phonétique dep. 1924 (Joblot) ; absent des dictionnaires généraux, le terme est largement en usage dans une vaste aire méridionale couvrant principalement la Provence et le Languedoc. ◇◇ JoblotNîmes 1924 ; BrunMars 1931 ; NouvelAveyr 1978 ; BouvierMars 1986 ; MartelProv 1988 ; BlanchetProv 1991 ; LangloisSète 1991 ; FréchetMartVelay 1993 ; CovèsSète 1995 ; MazodierAlès 1996 ; FréchetDrôme 1997 ; ArmKasMars 1998 ; MoreuxRToulouse 2000 « connu de la majorité des informateurs âgés, mais pas des jeunes » ; aj. à FEW 8, 425a, picare. ◆◆ commentaire. Emprunté à aocc. pegar, langued. pegá "marquer (avec de la poix) les moutons du chiffre de leur propriétaire" (dep. 1546, Alpes de Haute-Provence, v. MeyerDoc), pegá "id. ; enduire de poix" (Sauvages), le verbe est attesté en français de Montpellier dep. 1802 (« péguer, poisser, enduire de poix », Villa). Malgré une large diffusion sur une vaste aire méridionale couvrant principalement
la Provence et le Languedoc, il n’est pas pris en compte par les dictionnaire généraux.
◇◇ bibliographie. VillaGasc 1802 ; SéguyToulouse 1950 ; NouvelAveyr 1978 ; MédélicePrivas 1981 « très courant » ; TuaillonRézRégion 1983 ; GermiLucciGap 1985 « usuel » ; MartelProv 1988 s.v. empéguer ; BlanchetProv 1991 ; CampsLanguedOr 1991 ; CampsRoussillon 1991 ; LangloisSète 1991 ;
BoisgontierMidiPyr 1992 ; MazaMariac 1992 ; FréchetMartVelay 1993 ; PotteAuvThiers
1993 péjer, peguer ; CovèsSète 1995 ; FréchetAnnonay 1995 ; MazodierAlès 1996 ; FréchetDrôme 1997 ;
ArmKasMars 1998 ; MoreuxRToulouse 2000 « utilisé par tous » ; FEW 8, 425a, picare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Aude, Aveyron, Gard, Haute-Garonne, Hérault, Lot, Lozère,
Pyrénées-Orientales, Tarn, Tarn-et-Garonne, 100 % ; Ariège, 50 %.
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