que conj.
I. 〈Jura, Haute-Savoie, Drôme, Provence, Gard, Hérault, Haute-Garonne, Lot, Ardèche, Auvergne,
Haute-Loire, Lot-et-Garonne〉 fam. Conj. de subordination polyvalente, introduisant une subordonnée, à valeur :
1. causale "parce que".
1. – Et l’Alfred y fera le quatrième à la belote que Pessegueux l’aîné, ça nous fait un vide. (Th. Monnier, Madame Roman, 1998 [1957], 75.)
2. – On part tous ensemble, expliqua l’Omer Bleu. On raccompagne d’abord le Pascalon
Bayle au Largue, que c’est le plus éloigné… (P. Magnan, Le Commissaire dans la truffière, 1978, 248.)
3. – Ho, fit Jenifer, s’adressant à Nanon, mets une bûchette dans le poêle avant d’aller
[= de partir], qu’il fait frisquet ! (R. Blanc, Les Amours de l’oncle César, 1986, 96.)
4. – […] Allez, filons vite, que Gontran doit m’attendre. (Chr. Signol, Les Chemins d’étoiles, 1988 [1987], 182.)
5. – Traînez pas, me dit Marie, que le souper* est prêt. (J.-Cl. Libourel, Le Secret d’Adélaïde, 1999 [1997], 142.)
2. explicative.
6. […] à ce moment-là, la télévision a annoncé le film. Mémé Za a crié :
– Taisez-vous, que c’est un western ! Elle adore les westerns, surtout quand il y a des Peaux-Rouges. (N. Ciravégna, Chichois de la rue des Mauvestis, 1979, 49.) 7. – […] Et maintenant vous autres, mettez-vous à table que c’est midi passé ! (R. Blanc, Clément, Noisette et autres Gascons, 1984, 72.)
8. – Bois, mon petit, dit Julia, bois vite, que tu dois avoir chaud. (Chr. Signol, Les Chemins d’étoiles, 1988 [1987], 216.)
9. D’une voix pour une fois caressante, elle appelait sa belle-fille : « Viens, que je t’ai préparé la soupe ». (M. Rouanet, Nous les filles, 1990, 263.)
10. – Allez, mange. Ça ne peut pas te faire de mal, va… Allez, mange, que t’es tout maigrichon. (Cl. Couderc, Le Petit, 1998 [1996], 39.)
V. encore s.v. caraque, ex. 13 ; couillon, ex. 18 ; éclairer, ex. 3 ; favouille, ex. 10 ; panière, ex. 6 ; patte, ex. 22 ; péguer, ex. 4 ; plier, ex. 29 ; porter, ex. 10 ; prix fait, ex. 9 ; vaï, ex. 6 ; vé, ex. 8 ; zou, ex. 6.
3. restrictive (après un verbe à l’impératif) "sinon".
11. – Allez, Maurice, ferme vite, que ça risque de puer, dit-il. (B. Clavel, La Maison des autres, 1991 [1962], 101.)
12. – Eh bien, vous voyez. Ça ne sera rien. Tenez-vous bien au chaud. Et dépêchez-vous
de guérir, que ce pauvre Maurice est obligé de tout faire ! (B. Clavel, La Maison des autres, 1991 [1962], 249.)
13. – Marius, dit le Papet, ne crie pas comme ça, que tu vas t’étouffer. (M. Pagnol, Jean de Florette, 1995 [1963], 690.)
14. – Céline, arrête de traîner les pieds que tu uses tes souliers. (P. Roux, Contes pour un caganis, 1983 [1978], 83.)
15. Panderi fendit la foule, il tenait un cornet de glace à triple boule dans chaque main :
vanille-pistache-chocolat.
– Mangez vite, que ça va fondre… (P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 32.) 16. – […] Allez file et revenez vite que je vais me faire le mauvais sang… (P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 59.)
4. concessive "alors que, et pourtant".
17. – […] j’ai pas eu de migon, le fumier de mouton, que c’est la gourmandise des œillets. (M. Pagnol, Jean de Florette, 1995 [1963], 675.)
18. Remarquez, à l’époque, les commerçants étaient nombreux. À Collorgues [Gard], que c’est petit, on avait un tailleur, une couturière, un boulanger. (Eva Tufféry, née
en 1903, dans L. Chaleil, La Mémoire du village, 1989 [1977], 49.)
19. – A son âge ! Allez savoir ce qui a bien pu lui passer par la tête, de se rendre à
l’église en pleine nuit ! Que le Bon Dieu, il n’en demande pas tant. (R. de Maximy, Le Puits aux corbeaux, 1996 [1994], 34.)
V. encore s.v. banaste, ex. 1.
5. consécutive "si bien que, au point que". Je suis fatigué, que j’ai les jambes en compote (NouvelAveyr 1978).
20. Tu passes ta vie à jouer aux boules, et toi, c’est pire, tu le fais sous le nez des
pauvres morts, que tu leur donnes le regret de ne plus vivre. (N. Ciravégna, Le Pavé d’amour, 1975, 49.)
6. adversative "alors que, tandis que". Tu vas à la vogue*, que moi je suis obligée de rester (MédélicePrivas 1981). Il peut aller s’amuser que moi il faut que je travaille (FréchetDrôme 1997).
7. finale "afin que". Voir s.v. fougasse, ex. 3.
II. Conj. exceptive ou restrictive, en fin de proposition. fam., pop. (souvent stigmatisé et employé par plaisanterie).
1. 〈Ardèche (Mariac), Creuse〉 verbe + que "ne faire que + verbe". Le robinet ne coule pas, il goutte que (SabourinAubusson 1983). Elle vient m’aider, mais elle ne fait pas les gros travaux, elle coud que (MazaMariac 1992).
2. 〈Surtout Cher, Allier, Ain, Rhône, Loire, Drôme, Lozère, Ardèche, Haute-Loire (Velay), Auvergne,
Limousin, Dordogne.〉
2.1. "seulement, tout juste, à l’instant". Surtout dans arriver/rentrer/revenir quea.
a « Ils viennent que ! » (Bourbon-l’Archambault, Allier, 13 août 1993, « baigneuse » de l’établissement thermal, parlant des gendarmes venant enquêter deux jours après
un vol) ; comm. de M.-R. Simoni-Aurembou.
21. À cinq heures, je suis passée chez le notaire pour les droits de succession. J’en
reviens que. (G. de Lanauve, Anaïs Monribot, 1995 [1951], 107.)
22. « Vous n’allez pas nous quitter si vite ! protesta le Maire. Vous arrivez que ! » (J. Anglade, Jean Anglade raconte, 1975, 98.)
□ En emploi métalinguistique.
23. Je viens juste de rentrer (les Corréziens disent : je rentre « que »). (D. Tillinac, Spleen en Corrèze, 1984 [1979], 56-57.)
24. La Tante corrigeait leurs fautes, les tournures vicieuses, avec gentillesse mais fermeté.
Elle dirigeait une rubrique permanente : « Ne dites pas… mais dites. » On ne dit pas : « […] Mon frère arrive que », mais : « Mon frère arrive à l’instant », ou « arrive juste », ou encore « vient d’arriver », ou bien, plus élégamment : « Mon frère vient juste d’arriver ! » – « arrive que » était sale et pas français […]. (Cl. Duneton, Le Diable sans porte, 1981, 95.)
25. Elle [l’institutrice] haussait les épaules, soupirait, me priait de revenir sur tel
ou tel détail, reprenait des termes fautifs (« On ne dit pas : “J’arrive que…” mais “Je viens juste d’arriver.” »). (M. Peyramaure, L’Orange de Noël, 1996 [1982], 94.)
2.2. [Pour renforcer une assertation] Stand. fam. seulement.
26. […] le paysan forézien d’un conte populaire déclare : « Je ne fume pas, je ne prise pas, je chique que ». (Vie et langage, 1961, 276.)
27. – Vous êtes au Moulin de la Nasse. Ça s’appelle comme ça ici. Nous sommes seules.
On ne voit que des gens du pays. Les Boches, on ne les a même jamais vus, que ! (R. de Maximy, Le Puits aux corbeaux, 1996 [1994], 19-20.)
V. encore s.v. petas, ex. 2.
2.3. [Dans une invitation, pour renforcer un impératif] Entrez que (PotteAuvThiers 1993) ; viens que (PotteAuvThiers 1993). Synon. région. seulement*.
— Dans un contexte de menace ou de défi.
28. – Viens-y que voir, saprée greluche […].
– Essaie que, bougre de sans goût… (M. Bailly, Le Piosou, 1980, 20.) ● Par antiphrase 〈Loire (St-Étienne)〉 essaie / tâche que ! loc. phrast. « essaie seulement ! sous-entendant une menace : et tu vas voir ce qui va t’arriver » (DornaLyotGaga 1953). V. ici ex. 28.
◆◆ commentaire.
I. Courant en ancien français, l’emploi de que à valeur explicative est encore relevé en français moderne à la période révolutionnaire
(v. SéguyToulouse). Mais c’est probablement à l’occitan (RonjatSyntaxe, § 119) et
au francoprovençal qu’il doit son maintien dans le français de la partie méridionale
de la France, alors que le fr. standard actuel préfère dans ces cas une construction
parataxique.
II. Tour calqué de l’occitan (où l’on emploierait mas), caractéristique notamment du français d’Auvergne et des régions voisinesa. Accueilli dans TLF avec la marque « pop., région. », citant J. Malègue 1933 [dans la bouche d’un paysan du Haut Cantal].
a « L’emploi de que final de phrase a été signalé jusqu’à présent seulement comme fait régional, notamment
dans une partie au moins de l’Auvergne ; ainsi “j’arrive que” (= je ne fais que d’arriver, c’est seulement maintenant que j’arrive). Un lecteur
m’a fourni pour le Nord de l’Auvergne “viens que” (viens seulement, viens voir), “allons-y que, on verra bien” ; il croit pouvoir dire que l’aire de cet emploi est assez étendue dans le Centre,
et il l’a constaté aussi à Vienne (Isère) » (M. Cohen, Nouveaux Regards sur la langue française, Paris, Éd. sociales, 1963, 83).
◇◇ bibliographie. (I) MichelDaudet, p. 112 (citant un texte de 1890 « Pardon que je vous coupe » ; PépinGasc 1895 ; BrunMars 1931, 78-79 « ces tournures reviennent sans cesse dans la conversation » ; SéguyToulouse 1950 ; MédélicePrivas 1981 ; SabourinAubusson 1983 et 1998 ; TuaillonRézRégion
1983 (Privas, Drôme, Provence, Haute-Savoie) ; MartelProv 1988 ; MazaMariac 1992 ;
FréchetMartVelay 1993 « globalement usuel » ; FréchetDrôme 1997 ; aj. à FEW 2, 1466a, quia.– (II) DauzatHLF, 561 ; J. Marouzeau, Une enfance, 1977 [1937], 129 il se lève que ; MittonClermF 1937 il sort que ; BaronRiveGier 1939 ; BigayThiers 1941 viens que ! ; DamPich, § 2281 (Allier ; Haut Cantal) ; JouhandeauGuéret 1955, 164 je ne commence que, je n’arrive que, je ne viens que ; ManryClermF 1956, 401 ; GononPoncins 1984 « très courant » ; LouradourCreusois 1968, 130 ; RLiR 42 (1978), 182 (1) Ardèche, Haute-Loire, et
(2) Thiers ; SabourinAubusson 1983 et 1998 ; MeunierForez 1984 ; MartinPilat 1989
« connu » ; MazaMariac 1992 ; FréchetMartVelay 1993 « usuel » ; PotteAuvThiers1993 ; PruilhèreAuv 1993 s.v. essayer ; FréchetAnnonay 1995 « globalement connu » ; SalmonLyon 1995 j’arrive que ; FréchetDrôme 1997 ; MichelRoanne 1998 ; PlaineEpGaga 1998 « très fréquent » ; aj. à FEW, loc. cit.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (II.2) Ardèche, Drôme, Loire, Haute-Loire (Velay), 100 % ; Ain, Rhône, 65 % ; Isère, 20 %.
(II.2.1) Corrèze, 100 % ; Haute-Vienne, 85 % ; Allier, Creuse, Puy-de-Dôme, 80 % ; Cher,
Dordogne, 60 % ; Haute-Loire (nord-ouest), 50 % ; Indre, Loir-et-Cher (sud), 30 % ;
Cantal, 20 %. (II.2.2) Haute-Loire (Velay), 100 % ; Puy-de-Dôme, 80 % ; Cantal, 75 %.
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