pile n. f.
1. 〈Hautes-Alpes, Provence, Gard, Hérault, Pyrénées-Orientales, Ardèche〉 usuel "évier en pierre de l’habitat rural traditionnel ; évier moderne dans un autre matériau". Synon. région. bassie*, dalle*, pierre* à eau/d’eau.
1. La pile, pour une question d’éclairage, se trouve toujours encastrée dans l’embrasure d’une
fenêtre. (P. Roux, Contes pour un caganis, 1983 [1978], 111.)
2. J’avais soif. J’avançais la main sans songer à mal vers l’un quelconque des trois
verres préparés. La tante ne faisait qu’un bond depuis la pile où elle lavait la salade.
– Ne bois pas dans ce verre que* c’est le verre de l’oncle ! (P. Magnan, L’Amant du poivre d’âne, 1988, 179.) 3. Je l’ai fait rentrer et j’y ai donné une assiette de soupe qui restait. Elle a mangé
au bord de la pile. (R. Bouvier, Tresse d’aïet, ma mère, 1997 [av. 1992], 39.)
4. J’attendais cette pause avec impatience parce qu’elle permettait de soulager la fatigue
d’un dos endolori par le travail […]. Le cousin retrouvait toute son énergie pour
aller chercher près de la « pile » de la cuisine un litre de vin et d’eau. (G. Ginoux, Gens de la campagne au Mas des Pialons, 1997, 30.)
5. Léonard prend une cruche transpirante sur la pile et boit d’un trait l’eau fraîche […]. (M. Fillol, Petites Chroniques des cigales, 1998, 82.)
6. La Mamé*, devant la pile, frottait, avec acharnement, des patates douces. (M. Fillol, Les Cigales chantent encore, 1999, 174.)
V. encore s.v. pièce, ex. 1.
— Dans la constr. à la pile (de l’évier).
7. Mioun : Vincent, tu as entendu […] : prends de l’eau fraîche à la pile ! (Cl. Frédéric, On piègera la sauvagine, 1984, 38.)
8. C’était Mémé qui le sortait du lit et surveillait le débarbouillage à la pile de l’évier. (P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 45.)
9. Le soir, alors que Costaro se lavait les mains à la pile, Bleyrieux dit à Emilie de mettre une autre assiette. (J.-P. Demure, Fin de chasse, 1998, 192.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
10. Dans le bâtiment principal, la cuisine est de plain-pied avec la cour, ou presque
(juste une marche !). C’est la salle commune. Pas trop grande, il y a un âtre encastré
dans le mur, avec linteau monté au plâtre, et un « potager » [= fourneau alimenté par des braises de la cheminée] permettant de faire la cuisine
sur des braises. Il y a aussi la « pile », bloc de marbre percé d’un trou, pour faire la vaisselle. (Pays et gens de France, n° 33, le Vaucluse, 6 mai 1982, 6.)
11. […] les pierres de Cassis dans lesquelles on a taillé les piles de tous les mas de Provence – les éviers, comme vous dites en français – ainsi que
les bordures des trottoirs de Marseille […]. (Fr. Fernandel, L’Escarboucle, ma Provence, 1992, 174.)
V. encore s.v. cabanon, ex. 5.
— installer/avoir l’eau à la pile loc. verb. "installer/avoir l’eau sur l’évier (naguère symbole de confort domestique)"a.
a Cf., pour le Massif Central, cette remarque de P. Nauton en 1959 : « L’évier à eau courante est récent et, en bien des points [à la campagne], encore inconnu » (ALMC 717*).
12. Là-dessus, une municipalité affectueuse et progressiste se mit dans les frais pour
installer l’eau courante et les ménagères eurent, désormais, luxe suprême, « l’eau à la pile ». (Y. Audouard, Ma Provence à moi, 1968, 10.)
13. C’est un robinet en cuivre. Adapté à un tuyau de plomb […], il permet d’avoir l’eau à la pile. (P. Roux, Contes pour un caganis, 1983 [1978], 112.)
14. Quand on installa partout l’eau à la pile, grâce à cette source de la Thomassine […] nous eûmes droit, pendant plusieurs saisons
à une eau imbuvable. (P. Magnan, La Biasse de mon père, 1983, 45.)
● Dans le syntagme verbal il y a l’eau à la pile
15. Mais la maison avait l’air d’une villa – et il y avait « l’eau à la pile » : c’est-à-dire que l’audacieux marchand de balais avait fait construire une grande
citerne, accolée au dos du bâtiment, aussi large et presque haute que lui : il suffisait
d’ouvrir un robinet de cuivre, placé au-dessus de l’évier, pour voir couler une eau
limpide et fraîche… (M. Pagnol, La Gloire de mon père, 1995 [1957], 74.)
16. Il y avait l’eau à la pile, alors que chez mes parents il fallait la remonter de la cour et chez mes grands-parents
aller la puiser à la fontaine. (P. Magnan, L’Amant du poivre d’âne, 1988, 178.)
17. Le cabinet était au bout du corridor mais il y avait l’eau à la pile. (P. Magnan, Un grison d’Arcadie, 1999, 213.)
2. 〈Provence, Hérault, Gard, Pyrénées-Orientales〉 "bassin en maçonnerie destiné à laver le linge (stand. lavoir) ; bassin de fontaine ; auge en pierre". La pile de la fontaine (P. Magnan, Les Secrets de Laviolette, 1993 [1992], 72). Pile en béton.
18. Je me suis réfugié sur la margelle de la pile à lessive, en plein soleil. (Cl. Couderc, Le Petit, 1998 [1996], 124.)
V. encore s.v. coucourde, ex. 8.
◆◆ commentaire. La présence de fr. pile "bassin de pierre pour l’eau" dans Cotgr 1611 (probablement d’une source méridionale) est sa seule prise en compte
dans la lexicographie générale, laquelle ne mentionne autrement le mot que dans des
emplois techniques et/ou anciens ("auge de pierre pour conserver l’huile" dep. 1610 Du Vair ; "bac utilisé pour le lavage des chiffons ou pour le raffinage de la pâte à papier" dep. 1723 SavBr). Le mot est principalement en usage dans le français de Provence
et du Languedoc oriental ; il est un emprunt à aocc. pila "mortier ; récipient en pierre pour conserver l’huile ; bénitier en pierre" (v. TLF s.v. pile4).
◇◇ bibliographie. Sauvages 1756 s.v. pîzo ; VillaGasc 1802 s.v. pize ; ReynierMars 1829-1878 ; GabrielliProv 1836 ; « Chaque étable [d’un domaine de Lattes, Hérault] possède une pompe et une auge ou pile en pierre dans laquelle s’abreuvent les animaux » Primes d’honneur 1869, 475 ; BrunMars 1931 ; RLiR 42 (1978), 180 (Ardèche, Provence) ; MédélicePrivas
1981 « Terme très courant. Il n’est pas ressenti comme régional mais comme un synonyme d’évier » ; BouvierMars 1986 « fréquemment employé même par les jeunes générations » ; MartelProv 1988 ; BlanchetProv 1991 ; CampsLanguedOr 1991 ; CampsRoussillon 1991 ;
LangloisSète 1991 ; ArmanetBRhône 1993 ; MazodierAlès 1996 ; ArmKasMars 1998 ; BouisMars
1999 ; FEW 8, 474b, pila.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1) Var, 100 % ; Bouches-du-Rhône, 80 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Vaucluse, 65 % ;
Hautes-Alpes, 50 % ; Alpes-Maritimes, 35 %. (2) Pyrénées-Orientales, 40 %.
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