coucourde ou cougourde n. m.
〈Drôme, Hautes-Alpes, Provence, Hérault, Lozère, Ardèche〉 fam.
1. "plante de la famille des cucurbitacées : citrouille, courge ou potiron ; par méton. légume qu’elle produit".
1. – Avec de l’eau, et avec cette terre, si tu plantes un tuteur pour les pommes d’amour
[= tomates], huit jours après, tu peux dormir à l’ombre ! Il va faire des fraises
comme des lanternes, des coucourdes comme des roues de charrette […]. (M. Pagnol, Jean de Florette, 19995 [1963], 742.)
2. […] le jongleur à chapeau pointu et le singe qui montre son derrière obscène, verni
comme une cougourde. (R.-A. Rey, Frosine, 1980, 38.)
3. Dans son jardin du Plan, le père Blamon avait réussi une récolte fantastique de citrouilles.
Elles étaient énormes, ces « coucourdes », vraiment trop visibles pour ne pas attirer l’attention de notre bande de maraudeurs.
(M. Stèque, La Tour de Siagne, 1981, 109.)
4. C’est à cette époque-là [début décembre] que mamé* Toinette sortait son gros chaudron de cuivre pour préparer ses nougats. Le miel était
donné tout au long de l’année par un lointain cousin, apiculteur. Il prétendait, avec
un sourire narquois, que lui seul connaissait le secret du miel de cougourde. (M. Fillol, Petites Chroniques des cigales, 1998, 107.)
— péj. "mauvais melon".
5. Si c’est une cougourde (une courge) le vendeur t’en fait choisir un autre. Bien sûr, pas question de faire
la taste à [= couper une tranche pour goûter] un melon que tu veux mettre à rafraîchir,
il se remplirait d’eau. (P. Roux, Contes pour un caganis, 1983 [1978], 76.)
— Par anal. ou dans une comparaison "sein de femme (avantageux)".
6. – […] et moi, ce qu’il y a dans mon corsage, ça ressemble à rien ?
– Oh ! que si ! Ça ressemble à deux coucourdes ! Amélie poussa un cri de rage. – Oh ! Tu insultes la mère de tes enfants ? Cette fois, tu as dit un mot de trop, et ça va te coûter cher ! Elle quitta la fenêtre. Pamphile, déjà effrayé de sa propre audace, cria : – Amélie ! J’ai voulu dire deux belles coucourdes ! belles, Amélie ! (M. Pagnol, Manon des Sources, 1995 [1963], 902-903.) 7. Estomaqué, croyant m’être trompé de sexe, je portai mes yeux à l’avant sur les deux
cougourdes. Il n’y avait pas à douter : malgré ses intonations masculines, c’était bien une jeune
fille. (M. Scipion, Le Clos du roi, 1980, 184.)
8. Sur les coups de six heures, tous les soirs, les Minardo et Lacaze allaient mater
les vendangeuses en train de se débarbouiller à la pile* d’eau fraîche […]. Ils se planquaient sur le toit d’un appentis et revenaient tout
congestionnés. Le grand Minardo débarquait en se tenant le front et en gémissant :
– Mama [sic] mia ! C’est pas possible de voir des choses pareilles ! […] Jamais plus j’en verrai autant, des nichons comme ça ! Des gros, des blancs, des rouges, des bronzés, des en forme de melon, de poire, de cougourde… (Cl. Couderc, Le Petit, 1998 [1996], 228-229.) — Dans une comparaison avoir/mettre la tête comme une coucourde loc. verb. "avoir/donner mal de tête". Elle m’a mis la tête comme une coucourde avec sa musique endiablée (MazaMariac 1992).
9. – J’ai le crâne comme une cougourde.
– C’est du kif pour moi. On s’explique. Il lui est arrivé le même coup qu’à moi. Matraqué par derrière alors qu’il vadrouillait dans le secteur pour protéger mes arrières. (A. Bastiani, Panique au Paradis, 1963, 145.) 2. Par anal.
2.1. "tête".
— [partie supérieure du corps]
10. La camionnette de Fifi, avant, elle servait au poisson, et les rougets, les rascasses
et les calamars mélangés, ça imprègne.
– Oh, le Bronze, dit Marcel, tu pourrais conduire plus calmement, tu me fais taper la coucourde contre le plafond […] ! (M. Albertini, Les Merdicoles, 1998, 131.) — [siège de l’intelligence] Mais qu’est-ce que tu as dans la cougourde pour faire des cagades* pareilles (BouvierMars 1986).
● ne rien avoir dans la coucourde loc. verb. "être sot".
11. – Le shoot, c’est pas tout dans le football, il y a le dribble, la vitesse et aussi
l’intelligence, et celui qui n’a rien dans la coucourde, eh* bé, ce sera jamais un joueur. (P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 73.)
2.2. "nigaud, imbécile, empoté". Stand. gourde. – Quelle coucourde, celle-là, elle croit tout ce qu’on lui dit (MédélicePrivas 1981). Ah, toi alors ! comme cougourde, tu es un peu là ! (oral, Manosque, 1989).
3. Au fig. à la descente les coucourdes y vont loc. phrast. Pour se moquer de ceux « qui entreprennent plus volontiers un travail facile qu’une tâche difficile » (BouvierMartelProv 1982) ou « qui suivent une idée facile sans esprit critique » (BlanchetProv 1991).
■ variantes. 〈Gard, Hérault, Aude, Lozère, Haute-Loire (Velay), Puy-de-Dôme (spor.)〉 cougourle n. f.
1. [Correspond à 1] « Une coucourle de mon jardin » (J. Anglade, Le Tilleul du soir, 1975, 44) ; « Un événement assez comique empêcha ma tête d’enfler comme une cougourle. Dans le Midi libre, sous ma photo, on pouvait lire : “Un des plus beaux spécimens des mulets d’Uzès.” Et le malheureux animal héritait de ma légende : “La fille du pharmacien fait du cinéma” » (B. Lafont, Le Roman de ma vie, 1997, 13) ; v. encore s.v. cèbe, ex. 5.
2. [Correspond à 2.2.] « – Alors, Marie, lui dit Jules, tu attends qu’elle refroidisse pour te servir ? / – Quoi ?
demande-t-elle. / – La soupe, cougourle ! » (J.-Cl. Libourel, Les Roses d’avril, 1998 [1997], 214). – Attesté dep. 1609 à Besse (Puy-de-Dôme), RLiR 54, 405 ; JoblotNîmes
1924 ; BretogneLivradois 1980 ; JaffeuxMoissat 1987, 11 "potiron ; sorte d’injure" ; CampsLanguedOr 1991 ; FréchetMartVelay 1993 ; PotteAuvThiers 1993 ; FauconHérault
1994 cougourle « se dit d’une fille pas dégourdie » ; PolverelLozère 1994 ; MazodierAlès 1996. Cf. aocc. cogorla (DAO 860).
■ remarques. cougourdon « Cagnes [Alpes-Maritimes] : sorcières entre citrouilles et cougourdons [titre] / L’horreur était de couleur orangée hier, sur la place De Gaulle où les
festivités s’ouvraient avec un marché aux cucurbitacées qui se poursuivra aujourd’hui » (Nice-Matin, éd. Menton, 29 octobre 1998, 2). – LarGastr 1938, 897b « cougourdons ou gourdes » (légende de photographie) ; WalterLex 1986, 263 (sans localisation).
◆◆ commentaire. Attesté au sens 1 dep. l’afr. (cogorde 13e s.) – cf. aocc. cogorda (DAO 860) – et le mfr. (cougourde 14e s.-Cotgr 1611 ; 1603 Olivier de Serres, et coucourde 15e s.-1673) pour désigner diverses cucurbitacées, ce type n’a guère survécu de nos jours
que dans le sud-est de la France. Réputé « nom provençal des potirons et des courges » et « vieux mot » par Lar 1869 s.v. cougourde, il est rare aujourd’hui dans la lexicographie générale (seul Rob 1985 cougourde, sans exemple), mais il est bien reconnu à l’oral (réponses aux enquêtes DRF 1994-96)
et bien attesté à l’écrit et dans les glossaires régionaux. Attesté au sens 2.1 dep. 1932 (Pagnol, Frantext) et 2.2 dep. 1931 (BrunMars) ; on notera les mêmes emplois en fr. pop. pour citrouille et courge. Le sens 3 est un calque de pr. a la descendudo, leis cougourdos li van (dep. 1785, AchardMars).
◇◇ bibliographie. BrunMars 1931 coucourde ; RostaingPagnol 1942, 121 ; CoucougnousNîmes 1953 cougourde ; RLiR 42 (1978), 166 ; MédélicePrivas 1981 « on l’utilise moins souvent que le terme français [standard] » ; GermiLucciGap 1985 coucourde « très vivant » ; BouvierMars 1986 cougourde ; MartelProv 1988 ; BlanchetProv 1991 coucourde ; CouCévennes 1992 cougourde ; MazaMariac 1992 coucourde ; ArmanetBRhône 1993 ; FréchetMartVelay 1993 coucourde, cougourle ; FréchetAnnonay 1995 coucourde ; GermiChampsaur 1996 coucourde ; FréchetDrôme 1997 coucourde, cougourde ; ArmKasMars 1998 coucourde « rare » ; RoubaudMars 1998, 28 coucourde ; BouisMars 1999 coucourde ; FEW 2, 1458a-1459a, cucurbita.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance (sens confondus) : (cougourde) Var, 100 % ; Alpes-Maritimes, 85 % ; Bouches-du-Rhône, 80 % ; Hautes-Alpes, 75 % ;
Vaucluse, 65 % ; Alpes-de-Haute-Provence, 50 % (cougourle) Lozère, 100 % ; Hérault, 90 % ; Gard, 80 % ; Aude, 65 %.
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