cagade n. f.
1. 〈Gard, Aveyron, Dordogne (Montcaret)〉 fam. ou pop. "défécation ; par méton. excrément". Attention, il y a une belle cagade sur le paillasson (NouvelAveyr 1978) ; 〈Haute-Loire〉 "petite saleté".
1. – […] je peux pas prendre le tramway à la Blancarde avec mon pot de cagade dans le cartable, […] les voyageurs viendront me demander l'adresse du parfumeur.
(P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 47.)
2. Au fig. 〈Provence, Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales, Ariège, Haute-Garonne, Tarn-et-Garonne,
Aveyron, Lozère, Haute-Loire, Puy-de-Dôme, Pyrénées-Atlantiques, Gironde.〉 fam. ou pop.
2.1. "bêtise, erreur de jugement, maladresse ; par méton. manifestation d'une telle disposition". Stand. fam. ou pop. connerie, merde. Synon. région. couillonnade*, engatse*. – Une « cagade monumentale » (P.-J. Vuillemin, Les Contes du pastis, 1988, 63). Une cagade monstre (H.-Fr. Blanc, Jeu de massacre, 1993 [1991], 91). Si tu avais tiré au lieu de pointer [aux boules], on aurait pas fait une cagade (ArmanetBRhône 1993). Il a cru faire un beau tableau, il a fait une cagade (MoreuxRToulouse 2000).
2. Dans ces pays de « bouvine »*, prendre une vache pour un taureau est une « cagade » plus que monumentale : majestueuse. (J. Durand, André Bouix, gardian de Camargue, 1980, 84).
3. – Je vois, dit très doucement Elie. Vous avez dû nous faire une belle cagade, tous les deux. C'est ça ?
– Nous avons fait ce que nous avons cru bon, répliqua Boussut avec la dernière énergie, et un zeste d'exaltation. (L. Durand, La Porte de Kercabanac, 1982, 273.) 2.2. "grave ennui". Stand. fam. ou pop. emmerdement.
4. – […] Tout ça c'est des mots. […] Remarque bien que tout ça finira sûrement par une
cagade […]. (M. Pagnol, Jean de Florette, 1995 [1963], 840.)
5. – […] je faisais trop quoi, je faisais trop, je pouvais plus là, je savais plus où
j'habitais. Et avant qu'il arrive une cagade, j'ai dit bon ben là, t'arrêtes maintenant et pis on verra bien. (P. Perret [originaire
de Castelsarrasin, Tarn-et-Garonne], interviewé à « Fenêtre ouverte », émission de Radio Bleue, 6 janvier 1995.)
V. encore s.v. fatche, ex. 5.
— Emploi non-comptable. "situation difficile, inextricable". Stand. fam. ou pop. merde, merdier.
6. Elle aimerait pas que son ex rapplique, ce serait inévitablement la cagade et en plus, l'idée de cette éventualité lui gâche d'ores et déjà sa soirée… (M. Sergent,
Normal, 1991, 89).
7. – Vous savez ce que cela signifie, San-Jirma ? Si le bruit se répand, c'est la cagade [en note : merde] assurée. Et une belle ! (Fr. Pons, Les Troupeaux du diable, 1999, 95.)
◆◆ commentaire. Dér. sur caguer* avec le suffixe ‑ade, cagade est attesté dep. fin 16e s. au fig., avec un caractère régional marqué sud-occidental (caguade "reculade honteuse" Brantômea, 1616-1620 cagade "bêtise" D'Aubigné ; tous les deux dans Huguet). Le terme est mal pris en compte, aux sens
analysés ici, par les dictionnaires contemporains : seul Rob 1985 l'indique ("situation inextricable"), avec la mention « régional et fam. » (GLLF et TLF indiquant la forme cacade, qu'on lit aussi dans Rob 1985). Il a pénétré l'argot parisien (cf. CellardRey 1980-1991 ;
ColinArgot 1990, qui donne aussi cacade, sans lien entre les deux entrées ; Lasaygues, dans Frantext ; J. Vautrin, La Vie ripolin, 1986, 165 et Cl. Klotzb, Je ne veux plus aller à l'école, 1987, 96 dans Marges)c.
a Dans le même sens, cacade dep. 1589 (DDL 15), chez un auteur « Lengrois » [sic].
b Même auteur, sous son nom patronymique, que P. Cauvin, cité ici dans l'ex. 1.
c L'emploi suivant ne relève pas de cet usage, mais est plutôt destiné à créer ou à
entretenir une connivence avec des électeurs provençaux : « Chaque orateur y est allé de sa formule [dans un rassemblement politique]. Le président
du parti de l'extrême droite le premier. Pour M. Le Pen, […] le rassemblement de la
droite […] n'était qu'une “cagade” (un “merdier” en provençal [sic]) » (Chr. Combeau, dans Le Monde, 1er avril 1997, 5).
◇◇ bibliographie. PellasAix 1723 cacade, cagade s.v. cagado ; AnonymeHippolyteF ca 1800 ; JBLGironde 1823, 17 ; ContejeanMontbéliard 1876 cacade s.v. quaiquade ; VachetLyon 1907 cacade ; JoblotNîmes 1924 ; BrunMars 1931 ; BonnaudAuv 1976 (sens 2) ; NouvelAveyr 1978 ;
GonthiéBordeaux 1979 ; KnoppSchülArg 1979, 148 (sens 2.1., Aurillac, Marseille, Nice) ;
DuclouxBordeaux 1980 ; BouvierMartelProv 1982 ; KellerRussoBéarn 1985 ; BouvierMars
1986 ; MartelProv 1988 ; BlanchetProv 1991 ; LangloisSète 1991 ; ChaumardMontcaret
1992 (sens 1) ; CouCévennes 1992 caguade (sens 2.1.) ; DuclosAlgérie 1992 ; QuesnelPuy 1992 pl. cagades, cacades ; ArmanetBRhône 1993 ; FauconHérault 1994 ; CovèsSète 1995 ; MazodierAlès 1996 ;
ArmKasMars 1998 ; MartelBoules 1998 ; BouisMars 1999 (2.1.) ; MoreuxRToulouse 2000 ;
SuireBordeaux 2000 ; aj. à FEW 2, 17b, cacare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : (sens 2) Aude, Pyrénées-Orientales, 100 % ; Gard, Hérault, 90 % ; Lozère, 85 %.
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