caguer v. intr.
1. 〈Isère (Iseron), Provence, Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales, Ariège, Haute-Garonne,
Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot, Aveyron, Lozère, Ardèche (Privas), Haute-Loire, Puy-de-Dôme
(Thiers), Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde〉 très fam. ou vulg. "déféquer". Stand. vulg. chier. Synon. région. caquer*. – Caguer dans ses brailles*. Le pigeon lui a cagué sur sa belle veste neuve (PotteAuvThiers 1993).
1. […] c'était vilenie pure et préméditée de ma part si je caguais dans mon froc, une abominable agression.
– Il a bien une langue, il peut bien demander ! (Cl. Duneton, Le Diable sans porte, 1981, 174-175.) 2. Interrompant un long silence, Pistouquet lança : « Ça sent “méchant” par ici, à croire que quelqu'un a “cagué” dans ses culottes ! » (R. Blanc, Clément, Noisette et autres Gascons, 1984, 139.)
3. Tous les soirs, quand les petits troupeaux rentraient dans le village […] ils caguaient partout, ça entraînait le crottin partout dans les maisons, mais ça n'était pas grave.
(L. Merlo, J.-N. Pelen, Jours de Provence, 1995, 334.)
4. « Dans le temps, on caguait où on pouvait. » (Témoignage recueilli dans R. Domergue, Des Platanes, on les entendait cascailler, 1998, 79.)
V. encore s.v. brailles, ex. 14.
— En constr. factitive.
5. – […] Moi aussi, au début, je me moquais. Je trouvais que mon fils, avec ce boudin
tenu en laisse, ressemblait à une mémère qui va faire caguer son chienchinou. J'avais tort. Peluche [un teckel nain], c'est un cas. Une sorte
d'artiste. (P. Sogno, Le Serre aux truffes, 1997 [1993], 167.)
— va caguer ! loc. phrast. "fiche-moi la paix !". Stand. pop. va te faire voir, vulg. va chier ! ; va te caguer ! "id." (QuesnelPuy 1992) ; va caguer à la vigne ! "id." (CovèsSète 1995 ; ArmKasMars 1998).
— Dans des expressions très fam. indiquant qu'une personne fait de son mieux : je fais comme je peux, comme les chiens quand ils caguent (relevé à Pézenas, dans AchardLanguedoc 1983), ou fait les choses n'importe comment :
celui-là il te cague tout là comme le chien la merde (relevé à Sète et Béziers, ibid.).
— Prov. fais du bien à Bertrand, il te le rend/retourne en caguant "(symbole de l'ingratitude)".
6. – […] Je veux la joie de vivre et le bonheur pour tout le monde, parce que ça fait
partie de moi et l'on me retourne mes bienfaits par des canailleries ! Fais du bien à Bertrand il te le retourne en caguant ! (R. Blanc, Clément, Noisette et autres Gascons, 1984, 219.)
— Emploi pron. Voir s.v. brailles, ex. 12.
● Au fig. pop. se caguer (dessus) "avoir peur".
7. Ils se caguent. On craint dégun*. […] Ils sont français. Nous sommes marseillais. (« Marseille c'est pas la France ! » [1993], dans N. Roumestan, Les Supporters de football, 1998, 149.)
2. Au fig. très fam.
2.1. 〈Isère (Iseron), Provence, Gard, Ariège, Haute-Garonne, Aveyron, Pyrénées-Atlantiques〉 faire caguer loc. verb. "importuner". Stand. fam. ou pop. emmerder, vulg. faire chier. – Arrête, tu me fais caguer (BouvierMars 1986).
8. Après un échange de quolibets, Olivier dit en conclusion : / « Vous me faites un peu caguer ! » (R. Sabatier, Les Noisettes sauvages, 1983 [1974], 258.)
9. – […] tu te souviens de ce sergent de Balaklava, celui à qui on a coupé les deux jambes ?
[…] Il était de Bizanos, c'est près de Pau, en Béarn. Il aurait pu se racheter, quand
il est tombé au sort, il avait les moyens de se payer un remplaçant pour deux mille
francs ; sinon lui, du moins son père. Mais le père n'a pas voulu sortir les deux
mille francs. Et il est parti. La dernière fois que je l'ai vu, quand on l'emportait
avec ses deux jambes en bouillie, il m'a souri et il m'a dit : « Je vais crever, mais ce qui me console, c'est que ça va faire caguer mon père qui n'a pas voulu payer les deux mille francs… » (L. Durand, La Porte de Kercabanac, 1982, 119-120.)
10. – Tais-toi, Marcel. Tu nous as assez fait caguer pour aujourd'hui. (M. Albertini, Les Merdicoles, 1998, 134.)
— En emploi abs.
11. […] mais tu connais mon père et mon beau-frère : y a rien à en tirer ; ils font caguer : « C'est interdit, c'est pas autorisé, c'est ceci, c'est cela… » Et merde, c'est pas des types raisonnables. (M. Stèque, La Tour de Siagne, 1981, 197.)
2.2. 〈Provence, Gard, Aveyron, Haute-Garonne〉 "rater, échouer". Stand. fam. foirer, pop. merder.
— [Le sujet désigne une personne ou, par méton., une entreprise, un projet] En maths, j'ai cagué complètement (NouvelAveyr 1978). J'espérais bien être embauché, mais je sais pas pourquoi, ça a cagué ! (BouvierMars 1986). Ton expérience, elle a cagué ! (MazodierAlès 1996).
12. […] dans les arènes de Lunel j'ai attendu deux taureaux au trident avec Fernand Féraud
qui fut le gardian* de de Montaud. Nous avions été bons au premier […]. Mais, au second, nous avions un peu « cagué ». (J. Durand, André Bouix, gardian de Camargue, 1980, 148.)
13. En face, au même étage, de l'autre côté de la rue, le père Espérard poussait le « lamento » [de la Tosca]. C'était la même comédie à chaque fois. À la note de la fin, Mémé annonçait :
« Il l'a pris trop haut, il va caguer… »
Espérard caguait et Maria Marocci se penchait sur la rue, par-dessus la barre d'appui. – Moins haut, Antoine ! Prends-le moins haut, sinon tu cagues. (P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 79.) — [Le sujet désigne un inanimé concret] Un obus […] qui a cagué (NouvelAveyr 1978). Les fusées du 14 juillet, elles devaient être mouillées, elles ont cagué ! (ArmanetBRhône 1993).
● En part. "glisser, couler, se défaire". Tu y fous trop de mortier [dans un mur], ça va caguer : tu perds tout ce qui tombe
par terre et ça te salit la façade (MoreuxRToulouse 2000).
14. « Mais, explique Robert Bancel, le plus terrible c'était quand le chargement [de foin]
caguait », foirait. Il peut d'ailleurs caguer dans le champ, lorsqu'on déplace la charrette d'un tas à l'autre, si le sol est très
accidenté. […] Si ça cague une fois le chargement terminé il n'est plus question de le refaire. « Il fallait le remonter comme on pouvait et ça marquait* toujours mal. » Autant l'on est fier de traverser le village avec un beau voyage [= charge transportée],
gros et bien construit, autant on est penaud s'il est tout escagassé* (effondré). (R. Domergue, Des Platanes, on les entendait cascailler, 1998, 31.)
3. Au fig., emploi pronom. 〈Marseille, Hérault〉 s'en caguer de loc. verb. "ne pas tenir compte de". Stand. se moquer, pop. se foutre de. – Son avis, je m'en cague ! (CovèsSète 1995).
15. – Je pleurniche pas. Je regarde la réalité en face, se défendit-il […].
– La réalité ! La réalité ! Moi, je m'en cague de la réalité ! fit Monne. (M. Courbou, Les Chapacans, 1994, 168.) 16. Ces platanes, tout le monde s'en cagait [sic], qu'ils vivent ou qu'ils meurent. (H. Pagan, Dernière Station avant l'autoroute, 1997, 16.)
17. – Monsieur va ?
– Comment ça… heu… je vais bien, merci ! – Mais non ! Je m'en cague de comment tu vas ! Où tu vas, blond ? (Ph. Carrese, Allons au fond de l'apathie, 1998, 28.) ◆◆ commentaire. Caractéristique d'une large aire méridionale (au nord de laquelle on a caquer*), de la Gironde à la Provence, caguer est emprunté au lang. pr. cagar de même sens (FEW), probablement à date ancienne si l'on en juge d'après les dérivés
incaguer (1532, Rabelais, Quart Livre) et cagade* (dep. le début du 17e s.), et le composé cague-foireux (1603, Variétés historiques et littéraires, t. 5, 105, v. Huguet). Il correspond à fr. chier, dont il partage aussi le sémantisme ; l'opposition diaphasique parfois établie entre
caguer et chier (« en français régional, caguer est senti comme moins vulgaire que son équivalent français » MartelProv 1988 ; cf. aussi NouvelAveyr 1978, BoisgontierAquit 1991, MazodierAlès
1996, MoreuxRToulouse 2000) semble s'atténuer (« forme grossière » BouvierMars 1986 ; « ce terme ne s'emploie plus aussi souvent depuis que les bons usages le proscrivant
se sont généralisés » MédélicePrivas 1981), ce mouvement étant peut-être favorisé par une certaine dérégionalisation
de caguer qui a pénétré l'argot parisien (caguer est déjà attesté dans Bruant 1901 ; cf. Rob 1985, ColinArgot 1990, CellardRey 1980-1991
et divers auteurs contemporains : R. Dorgelès [1956] dans Rob 1985 ; B.-J. Sussman
et J.-P. Manchette, L'Homme au boulet rouge, 1972, 38 ; G. Guégan, La Rage au cœur, 1974, 99 ; A. Corneau, Série noire, 1979, 48 ; J. Lanzmann, Le Jacquiot, 1986, 169 ; R. Forlani, Quand les petites filles s'appelaient Sarah, 1989 [1987], 119-120, tous dans Marge ; Cl. Sarraute dans Le Monde, 13 juin 1992, 26 ; quelques occurrences dans Frantext, notamment d'A. Boudard), mais il est absent de BauchePop 1920-1946 et de CaradecArgot
1977-1998).
◇◇ bibliographie. NouvelAveyr 1978 « familier et non grossier » ; GonthiéBordeaux 1979 ; DuclouxBordeaux 1980 ; ManteIseron 1980 ; MédélicePrivas
1981 ; AchardLanguedoc 1983 ; TuaillonRézRégion 1983 ; BouvierMars 1986 ; MartelProv
1988 ; SuireBordeaux 1988 ; BlanchetProv 1991 ; LangloisSète 1991 ; BoisgontierMidiPyr
1992 ; ChaumardMontcaret 1992 ; CouCévennes 1992 ; QuesnelPuy 1992 ; ArmanetBRhône
1993 ; PotteAuvThiers 1993 ; PruilhèreAuv 1993 ; CovèsSète 1995 ; FréchetAnnonay 1995 ;
MazodierAlès 1996 ; FréchetDrôme 1997 ; ArmKasMars 1998 ; MartelBoules 1998 ; RoubaudMars
1998, 43 ; BouisMars 1999 s.v. Bertrand ; FEW 2, 16b cacare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ariège, Aude, Aveyron, Gard, Haute-Garonne, Gers, Gironde,
Hérault, Landes, Lot, Lozère, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, Tarn, Tarn-et-Garonne,
100 % ; Alpes-Maritimes, Pyrénées-Orientales, 90 % ; Var, 80 % ; Hautes-Alpes, 75 % ;
Vaucluse, 65 % ; Bouches-du-Rhône, 60 % ; Alpes-de-Haute-Provence, 50 % ; Lot-et-Garonne,
40 %.
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