marquer v.
1. 〈Loire-Atlantique (Nantes), Jura, Bouches-du-Rhône, Pyrénées-Orientales, Auvergne,
Limousin, Dordogne, Lot-et-Garonne〉 fam. marquer bien / mieux loc. verb. "faire bonne / meilleure impression par sa mine, son allure, sa mise". Synon. région. avoir bon biais*.
— [Le sujet désigne une personne]
1. J’ai connu M. Marc Lavergne, le juge de paix, qui marquait si bien. (G. de Lanauve, Anaïs Monribot, 1995 [1951], 18.)
2. Pour marcher plus lestement et « être plus présentable », quand il arrivera au domaine*, Pétrus a chaussé les souliers, les bottines, de sa mère, la Geneviève. Il faut être
fier, « marquer bien » quand on veut devenir propriétaire. (M. Bénézit, La Voix des chaumières, 1999, 14.)
V. encore s.v. corgnole, ex. 7.
3. […] elle s’était mise dans l’idée de m’acheter un chapeau […]. Elle m’a choisi un
modèle en paille, façon petit marin, orné d’un large ruban noir qui faisait tout le
tour et sur lequel était écrit Normandie, du nom du paquebot, en lettres dorées. « Tu marques bien ! » elle m’a dit quand le chapelier m’a posé la coiffure sur la tête ; pour elle ça voulait
dire que j’avais fière allure. (J. Roger, Le Fils du curé, 1998, 162.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
— [Le sujet désigne un inanimé concret]
● Dans un tour impersonnel.
4. Ils cherchèrent deux tombées de bois. Le vieux les rabota proprement, cloua la plus
longue sur le couvercle [du cercueil] puis, sciant l’autre par le milieu, il cloua
les morceaux de chaque côté pour faire les deux bras de la croix.
– C’est vrai, dit-il, ça marque mieux. (B. Clavel, L’Espagnol, 1968 [1959], 177.) 5. Il était bien là, tout seul, à regarder son travail [de défrichage].
– Cette fois, ça se connaît tout de même. Quand j’en aurai fait autant derrière et dedans, ça marquera un peu mieux. (M. Chaulanges, Les Mauvais Numéros, 1971, 158.) 6. – […] La B M [une voiture], je l’aurais préférée noire, ça marque mieux, mais enfin on n’a pas toujours ce qu’on veut dans la vie. (H.-Fr. Blanc, Jeu de massacre, 1993 [1991], 45.)
2. 〈Surtout Doubs, Ain, Rhône, Loire, Provence, Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales, Auvergne,
Limousin, Dordogne〉 fam. marquer mal loc. verb. "faire mauvaise impression par sa mine, son allure, sa mise". Synon. région. avoir mauvais biais*.
— [Le sujet désigne une personne] Il est passé un gars qui marquait vraiment mal, je ne lui ai pas ouvert (MichelRoanne 1998).
7. Pour les Arlésiennes que l’on voit de nos jours en habit et lors des grandes occasions,
on pourrait faire les mêmes remarques. Elles sont bien mignonnes, bien jolies dans
leurs dentelles. Elles ne « marquent » pas mal, non, mais enfin c’est anachronique. (J. Durand, André Bouix, gardian de Camargue, 1980, 238.)
8. – Comment tu la trouves, celle-là ? […]
– Elle marque mal […]. Et puis la robe jaune, ça lui va pas bien, on dirait un oiseau. (P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 23-24.) 9. – Est-ce qu’on marque si mal, demande Prudence […], qu’on nous traite comme des mendiants ? (Y. Viollier, Les Pêches de vigne, 1994, 70.)
10. En plus, elle marque plutôt mal, comme fille. Elle a pas peur de paraître ce qu’elle est. Pas fraîche fraîche. (Cl. Courchay,
Quelqu’un, dans la vallée…, 1998 [1997], 276.)
V. encore s.v. fatche, ex. 6.
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
11. Je me suis vu en reflet dans une des vitres de la Dauphine, plein de poussière, le
short déchiré, la chemise au col élimé avec un bouton sur deux, les chaussettes en
tire-bouchon. Je marquais mal, comme dit mamoune, c’est-à-dire que j’avais mauvaise allure. (Cl. Couderc, Le Petit, 1998 [1996], 293.)
● Par litote.
12. […] elle [une jeune femme] ne marque pas mal, elle est brune avec des yeux noirs […]. (G. de Lanauve, Les Mémoires d’Anaïs Monribot, 1969, 37.)
13. J’étais très fier de mes parents élégamment habillés […]. Et puis, par rapport aux
autres familles, je crois qu’on ne marquait pas si mal que ça. (G. Ginoux, Dernier labour au Mas des Pialons, 1994, 127.)
— [Le sujet désigne un inanimé concret]
14. L’homme [un cafetier] se rendait bien compte que son établissement marquait mal. Ce n’était point par avarice qu’il le laissait en son état, mais par superstition.
(R. Vuillemin, Les Chroniques du « Chat bleu », 1975, 22.)
● Dans un tour impersonnel. Stand. pop. ça la fout mal. – Ça marque mal, pour une femme, de fumer dans la rue (VurpasMichelBeauj 1992).
15. « Ça marque mal », comme on dit à Marseille. (J. Contrucci, dans Le Monde, 28 juin 1993, 9.)
V. encore s.v. caguer, ex. 14.
◆◆ commentaire. Fr. marquer bien "avoir un bel aspect (d’une maison, etc.)" est attesté dep. Ac 1694 (FEW) ; le sens (1) décrit ci-dessus en est un développement d’origine populaire attesté dep. Rigaud
1878, mais que sa présence au Québec (Dionne 1909 ; 1910 FichierTLFQ) rend suspect
d’être nettement plus ancien. La locution est enregistrée sans marque par GLLF et
TLF (avec un sujet désignant une personne) et, avec un sujet désignant un inanimé
concret, comme « fam., vieilli » par TLF ; elle est absente de Rob 1985. Elle subsiste sporadiquement dans des aires
de repli qui sont, sauf en Auvergne et en Limousin, sans nette cohérence.
Formé sur le modèle de marquer bien, mais sans enracinement dans la langue classique, marquer mal (2) est attesté dep. 1872 (Larchey, v. TLF) au sens antonymique de 1 seulement ; relevé par Dionne 1909 au Québec, et ayant donné lieu dès 1785 à la nominalisation
marco-mau dans l’occitan de Marseille (v. ci-dessus s.v. marque-mal) – sans qu’une origine occitane soit envisageable –, sa date de formation est probablement nettement plus ancienne que celle de la première
attestation. Bien attestée dans le français populaire (ex. dans France 1910 s.v. marque-mal), tenue encore comme « très en vogue » par les témoins de FEW (fascicule paru en 1958), cette locution est donnée sans marque
diatopique dans GLLF, Rob 1985, NPR 2000, Lar 2000 (« fam. »), TLF (« fam., vieilli ») avec un sujet de l’inanimé ; sans marque avec un sujet désignant une personne (sauf
NPR 2000 « fam. » ; mais elle semble particulièrement en usage aujourd’hui dans la région lyonnaise,
en Auvergne et Limousin, d’une part, et, d’autre part, dans une aire allant de l’Hérault
aux Alpes-Maritimes (de là dans le français des colons d’Algérie).
◇◇ bibliographie. PuitspeluLyon 1894 ; PépinGasc 1895 ; VerrOnillAnjou 1908 ; BrunMars 1931 marquer mal ; ParizotJarez [1930-40] marquer mal ; ManryClermF 1956, 404 ; GebhardtOkzLehngut 1974 ; BonnaudAuv 1976 ; ManteIseron
1980 ; BouvierMars 1986 ça marque mal ; LangloisSète 1991 ; VurpasMichelBeauj 1992 marquer mal « usuel au-dessus de 20 ans, connu au-dessous » ; BrasseurNantes 1993 ; CovèsSète 1995 marquer mal ; MazodierAlès 1996 marquer mal ; FréchetMartAin 1998 marquer mal « usuel à partir de 40 ans, attesté au-dessous » ; MichelRoanne 1998 marquer mal « bien connu » ; QuesnelPuy 1998 ; RoubaudMars 1998, 62 marquer mal ; BouisMars 1999 marquer mal s.v. marque-mal ; FEW 16, 552a, merki.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (marquer bien) Dordogne, 90 % ; Corrèze, Creuse, Haute-Vienne, 55 %. (marquer mal) Dordogne, 90 % ; Creuse, 70 % ; Corrèze, Haute-Vienne, 55 %. (marquer mieux) Dordogne, 75 % ; Corrèze, Creuse, Haute-Vienne, 45 %. (locutions confondues) Haute-Loire,
80 % ; Puy-de-Dôme, 65 % ; Cantal, 55 %.
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