domaine n. m.
〈Indre-et-Loire, Loir-et-Cher (sud), Indre, Cher, Allier, Nièvre, Puy-de-Dôme〉 usuel "exploitation agricole d’une certaine importance, souvent isolée". Un domaine de Cressanges (R. Aurembou, Il était une fois… le Bourbonnais, 1983, 116).
1. – Ces propriétaires de domaine, ricana Poulossière, ça mange trop riche, canard, boucherie et compagnie. Moi, qu’ai
jamais été qu’un pauvre petit cultivateur, je me porte comme un marronnier. (R. Fallet,
Les Vieux de la vieille, 1996 [1958], 189.)
2. Ma grand-mère, mariée à seize ans, possède encore, à plus de quatre-vingts, les draps
de son trousseau de mariage, tissés sur le domaine par les gens du domaine avec les outils du domaine : c’est le triomphe des moyens du bord […]. (A. Vialatte, L’Auvergne absolue, 1983 [av. 1970], 196.)
3. M. Bouvier n’était pas un gros « bourgeois » : deux domaines seulement, alors que d’autres en ce coin du Bourbonnais verdoyant de riches pâturages,
en possèdent parfois des dizaines quand ils n’atteignent pas la centaine. Aussi, complétait-il
son revenu en exerçant ce à quoi il semblait prédestiné, plus ou moins occasionnellement,
la profession de marchand de vaches. (J. Ferrieux, Contes et Récits bourbonnais, 1991 [av. 1980], 143.)
4. […] la tuile plate bourbonnaise […] a dû se contenter de gagner 30 km dans le Nord
de la plaine [de Limagne] et de s’infiltrer ailleurs sur les toits des manoirs, des
« domaines » et maisons à prétention. (P. Bonnaud, « La Limagne, les Limagnes. Essai sur le cœur de l’Auvergne », Bïzà Neirà 56, 1987, 33.)
5. Les jeux commençaient, sous la présidence du maître des jeux, un jeune étudiant dont
les parents possédaient le domaine de Parsou. (P. Cousteix, « Une enfance », Bïzà Neirà 61, 1989, 43.)
6. – […] dans les petites benasses [= exploitations agricoles de peu d’importance] il
y avait une vache et dans les grands domaines où il y en avait cinquante, maintenant il n’y en a plus que quatre ou cinq. (Homme,
65 ans, Bossay, Indre-et-Loire, dans SimonSimTour 1995).
7. Le beau-père leur rendait parfois visite, quand il venait travailler au domaine tout proche de l’ancien couvent. (R. Eckert, Jeantou Supaud, manant auvergnat, 1995, 59.)
8. – Vous ne trouverez pas non plus, à trois lieues à la ronde, de plus belles vaches
que chez nous ni de domaines qui emploient comme nous huit domestiques. (A. Rafesthain, Pain amer, 1995, 39.)
9. Au lendemain de la Grande Guerre, les parents métayers avaient laissé le domaine pour se retirer près de Couleuvre « avec une vache ». Le Jean-Marie et sa jeune femme Louise n’avaient pas voulu reprendre le domaine. (S. Lavisse-Serre, Les Locatiers de Beauvoir, 1998, 17.)
— Par méton. ou dans le syntagme maison de domaine "bâtiment de cette exploitation, destiné à l’habitation humaine".
10. Il y a aussi les maisons des pays vignerons, ou anciennement vignerons, construites
en pierres de taille et dont le premier étage est surmonté d’un grenier ; elles disposent,
en outre, d’un sellier [sic] et d’une vaste cave. À ces demeures de petits cultivateurs s’opposent les « domaines », généralement à l’écart des villages. […] Ils sont surélevés d’un étage et couverts
de tuiles rouges […]. Nombre d’entre eux ont une cour ouverte, sans doute pour ménager
un accès plus facile au bétail ; parfois un mur bas ou une simple barrière protège
la cour du côté de l’entrée principale. La disposition est alors quadrangulaire, l’habitation
au fond, les bâtiments d’exploitation se faisant face sur les côtés. (Pays et gens de France, n° 8, la Nièvre, 12 novembre 1981, 5.)
11. La maison d’Auriat ressemblait à toutes les maisons de domaines de l’époque. Vue de la route, elle ne pouvait attirer le regard que par sa simplicité.
(D. Bayon, Au flanc de ma colline, 1995, 15.)
◆◆ commentaire. Cet emploi, par restr. de fr. domaine "terre dont on a la propriété" (dep. le 12e s., v. TLF), non dégagé dans Rob 1985 ("terre possédée par un propriétaire") ou ne répondant pas exactement à la définition de GLLF ou TLF ("propriété foncière de vaste étendue comprenant généralement une habitation de maître"), est très peu pris en compte dans les relevés régionaux. Il correspond cependant
à un usage caractéristique d’une aire centrale formant un triangle dont les pointes
sont l’Indre-et-Loire, la Nièvre et le Puy-de-Dôme, où le terme s’est spécialisé au
sens de "grosse ferme", souvent par opposition aux petites exploitations. Il est attesté dep. 1804 dans
l’Indre (« On compte dans la Champagne [région de l’Indre] quinze domaines à trois charrues,
[…] 262 domaines à deux charrues » (Dalphonse, Mémoire statistique du département de l’Indre, Paris, an xii, 239) ; 1854, dans le Puy-de-Dôme (J.-B. Bouillet, Dictionnaire des lieux habités du département du Puy-de-Dôme, Clermont-Ferrand, 1 sqq.) et Frantext témoigne de son usage régulier chez Pourrat (attestations de 1922-1931).
◇◇ bibliographie. JaubertCentre 1864 ; BonninBourbon 1984 ; SimonSimTour 1995 ; FEW 3, 130b, dominium.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Allier, Loir-et-Cher (sud), 100 % ; Indre-et-Loire, 90 % ;
Cher, Indre, 80 %.
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