chetit, ‑ite adj. et n.
Surtout rural, fam.
1. 〈Loiret, Allier, Bourgogne (ouest), Ain (Bresse), Rhône, Loire.〉
1.1. [Connotation péjorative] "qui ne vaut rien, de mauvaise qualité". Stand. mauvais, méchant, médiocre, minable, misérable.
— [En parlant d'un inanimé concret, notamment d'un bien de consommation, d'un aliment
ou d'une boisson] Du chetit bois de verne* (L.-A. Gauthier, Les Fidarchaux de Cabrefontaine, 1978, 129).
1. Il fit une affreuse grimace […]. Il cracha [la préparation du pharmacien]. Se tordit
la bouche. Cracha encore.
« Bon Dieu de Bon Dieu, que c'est mauvais. Bon Dieu de Bon Dieu, que c'est ch'tit. » (J. Ferrieux, Contes et Récits bourbonnais, 1991 [1980], 36.) 2. […] des chtits poiriers qu'avaient pas voulu faire* […] et sans jamais de poires. (M. Mazoyer, Les Aventures du Toine Goubard, 1982, 14-15.)
3. Pour vous dire la vérité vraie, le mousseux était chtit [en note : mauvais], souvent tiède, et le lendemain […] y vous donnait des sueurs acides.
(M. Mazoyer, Les Aventures du Toine Goubard, 1982, 28.)
— [En parlant d'un animé, d'une personne]
4. […] s'entendre engueuler à son âge comme un chtit gars*, le tout pour une malheureuse chopine qu'on n'a même pas eu le temps d'y goûter qu'elle
est basculée ? (R. Fallet, La Soupe aux choux, 1980, 28.)
1.2. [Connotation souvent positive ou méliorative] "modeste, simple ; insignifiant, négligeable". Stand. méchant, pauvre, petit. Synon. région. tiot*.
— [En parlant d'un inanimé concret]
5. – Ça me rappelle quand la Jeanne avait dans les vingt ans et qu'elle allait chercher
son lait […]. Elle avait un ch'tit fichu rouge sur la tête. (R. Fallet, Les Vieux de la vieille, 1996 [1958], 71.)
6. – Il t'a bien glissé la pièce, le Maire ?
– Voui, mais j'en ai point voulu !… j' l'ai refusée… un ch'tit verre quant' c'est qu' je rends service, d'accord, mais de l'argent, c'est pas ma façon ! (R. Semet, Les Argyronètes, 1976, 30.) 7. – […] j'ai rien mangé, en t'attendant, qu'un chtit bout de fromage. (R. Fallet, La Soupe aux choux, 1980, 128.)
8. – Oh ! j'y ai bien pensé, d'apporter quelque chose [pour fêter un anniversaire], mais
on sait même pas bien quoi acheter, le moindre ch'tit bouquet, à présent, ça coûte des prix fous. (D. Bayon, Le Facteur de Mont-Joly, 1991, 109.)
9. Une crème au caramel attendait son heure, juchée sur l'étagère de la bassie* […]. Le repas se termina par un café et une ch'tite goutte ! (S. Lavisse-Serre, Les Locatiers de Beauvoir, 1998, 32.)
— [En parlant d'un animé, d'une personne] Un pauvre ch'tit gamin sans défense (C. Bouchard, La Bande des Pas-Beaux, 1993, 47).
10. – S'arrêtent pas, ces fumiers […], j'aime mieux te dire qu'on n'y resterait pas longtemps,
en carafe [à faire de l'auto-stop], si qu'on était deux ch'tites mignonnes en minijupe ! (R. Fallet, Le Braconnier de Dieu, 1982 [1973], 169.)
11. […] deux pauvres chtites créatures de ce pauvre vieux Bon Dieu de Bon Dieu. (R. Fallet, La Soupe aux choux, 1980, 17.)
V. encore s.v. drapeau, ex. 7.
● 〈Surtout Creuse, Haute-Vienne, Dordogne〉 [Surtout en parlant d'un enfant] "coquin, malicieux".
● 〈Loir-et-Cher, Indre, Cher (sud), Allier, Saône-et-Loire (Montceau), Rhône (Beaujolais),
Creuse, Puy-de-Dôme (Thiers).〉 Emploi subst. "garçon, fillette" ; au m. pl. "enfants". Synon. région. drôle*.
12. […] quand les récréations des après-midi d'été nous écrasaient de chaleur, on s'asseyait
[…] pour raconter des histoires. […] C'étaient toujours des récits fantastiques, histoires
de fantômes ou de loups-garous que les grands-mères répétaient aux veillées. […] aussi
on chassait les plus jeunes qui s'approchaient, parce que « ça n'était pas pour les ch'tites », ces histoires-là. (R. Aurembou, Il était une fois… le Bourbonnais, 1983, 63.)
13. […] le père faisait des journées dans les domaines*, la mère élevait les ch'tits comme elle pouvait, du monde [= des gens] plutôt à la misère. (Témoignage recueilli en 1980, dans R. Aurembou,
Il était une fois… le Bourbonnais, 1983, 112.)
14. Elle [une mère] refait le chemin que Raymond et Joseph, ses « ch'tits », faisaient chaque jour pour l'école. (A. Aucouturier, La Mère-Nuit, 1998, 138.)
15. Il fut triste ce matin qui vit partir le Jean-Marie. Les trois ch'tits et la Louise restèrent sur le chemin, stoïques sous la pluie aussi longtemps qu'ils
virent la silhouette du p'pa ; puis les bouchures* happèrent le Jean-Marie et son sac de voyage. Il était parti. (S. Lavisse-Serre,
Les Locatiers de Beauvoir, 1998, 108.)
V. encore s.v. pâté, ex. 17.
● Comme terme d'adresse. Tu n'as plus de parents, mon pauv'ch'ti ! (Ph. Valette, Mon Village, 1947, 39). Hé, les chetits, allez jouer dans la cour (PotteAuvThiers 1993).
16. – La pêche était bonne, mes chtits [en note : petits] ?
Elle peut appeler ses clients ses chtits, la Léontine [une patronne de café], on dirait un lutteur de foire […]. (M. Mazoyer, Les Vacances des berthes, 1985, 21.) 2. 〈Indre-et-Loire, Indre, Loir-et-Cher, Loiret, Indre, Cher, Allier, Bourgogne (ouest),
Ain (Bresse), Creuse, Dordogne, Haute-Vienne〉 "qui fait du mal".
— [En parlant d'une personne] Stand. filou, malfaisant, malveillant, mauvais, méchant. Synon. région. malin*.
17. […] le Roger, qu'a toujours été chtit comme un garde. (M. Mazoyer, Les Aventures du Toine Goubard, 1982, 8.)
18. Une fille qui se bat à coups de pierres avec les garçons ! C'est bien malheureux,
mais enfin, elle l'a bien cherché !
– Et dire que d'habitude ils s'entendent si bien ! – Surtout pour faire des coquineries ! Ils sont bien « chetis » tous les deux ! (S. Dumas, La Ponticaude à l'école, 1989, 71.) 19. – Vous… vous pouvez continuer à vous goinfrer bande de « chetis » [en note : malhonnêtes] !… en profitant du bien des autres ! En les mettant sur la paille !
Profitez-en bien, hein ! (R. Limouzin, Les Moissons de l'hiver, 1995, 173.)
— [En parlant d'un animal] Stand. méchant.
20. […] mais Fidarchaux en [des taureaux] avait dressé de plus ch'tits et celui-là, il y passerait comme les autres, ou il en crèverait !… Y'avait pas à
tortiller ! (L.-A. Gauthier, Les Fidarchaux de Cabrefontaine, 1978, 50.)
— [En parlant d'un inanimé concret] Stand. mauvais.
21. Rose détortillait tous les fichus accumulés sous la mante d'Isabelle comme on détache
les pelures d'un oignon : « Ma pauvre chère femme, on voit que l'hiver est “chéti” […] !… » (C. Tessier, Eugénie du Château-vert, 1988, 120.)
■ graphie et prononciation. Le plus souvent [ʃti], comme l'indiquent les nombreuses graphies ch'tit et chtit.
◆◆ commentaire. Attesté dep. l'afr., notamment aux sens de "malheureux, misérable" (ca 1100, caitif, Chanson de Roland) et de "de faible constitution" (ca 1150, chaitif, Couronnement de Louis), tous les deux dans TLF, chétif est toujours usuel dans ce dernier sens en français standard ; au sens de "sans valeur (d'une chose)", il est considéré comme « class. et littér. » (GLLF), « littér. » (Rob 1985 ; Lar 2000) ou « vieilli et littér. » (TLF). Mais à ces survivances s'ajoutent, particulièrement dans le Centre et le Centre-Esta, et le plus souvent sous la forme chetit (sous l'influence de petit, ‑ite ; cf. ThurotPrononc 2, 172, qui atteste cette prononciation dep. 1664) des emplois
plus larges, comme "garçon, fillette", ainsi que le sens "méchant" (largement attesté dans les parlers de l'Ouest, du Centre, de la Bourgogne et relevé
en patois à Saint-Étienne au 18e s., FEW)b. L'emploi subst. "enfant" est attesté dep. le début du 20e siècle dans l'Allier (ALF, v. FEW).
a Exemples de Colette 1900, Alain Fournier 1912, Martin du Gard 1928 et Genevoix 1925
dans Frantext ; Au pays des ch'tits gas (1912) est le titre d'un roman d'É. Guillaumin (originaire de l'Allier).
b Sous la forme chéti, le mot existe au Québec avec différents sens, mais il est vieilli et rural. Voilà
quelques décennies, à la campagne, les personnes âgées disaient mon chéti à leur petit-fils, par exemple, lorsque celui-ci était jeune, avec le sens de "mon coquin, mon filou" (comm. pers. d'A. Thibault).
◇◇ bibliographie. ConnyBourbR 1852 cheti ; MègeClermF 1861 chéti, ‑ite ; CunissetDijon 1889 cheti, ‑ite et chti, chtite ; BaguenaultOrl 1894 chétit, chétite "petit, malingre" ; GuilleLouhans 1894-1902 cheti, chetite et ch'ti, ch'tite ; FertiaultVerdChal 1896 cheti, te (ch'ti dans les exemples) ; Mâcon 1903-1926 chetit, ‑ite (ch'tit, ch'tite) ; VachetLyon 1907 cheti "maigre, chétif" ; LarocheMontceau 1924 chetit (ch'tit) ; CollinetPontarlier 1925 « chti n. m., abréviation de chétif » ; MaugBagneuxHSeine 1936 ch'ti "chétif, malheureux, petit" ; MarMontceau ca 1950 ch'tit, [‑ite] ; JouhandeauGuéret 1955, 186 ch'ti, cheti, chéti, f. ch'tive ; GagnonBourbonn 1972 ; BonnaudAuv 1976 chetit ; RLiR 42 (1978), 164 ; KnoppSchülArg 1979 n° 13, p. 27 « prononciation locale de "petits" » ; SabourinAubusson 1983 et 1998 chétif « prononcé ch'ti » ; GononPoncins 1984 chetit, ‑ite « très courant » ; TavBourg 1991 chétif (prononcé ch'ti) « forme très répandue dans le Morvan et dans toute la Bourgogne occidentale ; elle s'est
étendue récemment à Dijon où elle est très vivante actuellement » ; SimoniAurIledeFr 1991 cheti ; VurpasMichelBeauj 1992 ch'tit, [‑ite] « usuel » ; DubuissBonBerryB 1993 ; PotteAuvThiers 1993 n. m. "enfant" ; VurpasLyonnais 1993 chetit « usuel » ; SalmonLyon 1995 chetit ; ValMontceau 1997 chtit, ‑ite ; FréchetMartAin 1998 cheti, ‑ite « usuel à partir de 20 ans » ; ALCe 933 ‘désagréable (d'une personne)’, aux pts 35 et 47, et 1011 ‘mauvais’ (dans cette dernière carte, le mot n'a été précisé au f. que dans deux cas seulement :
chtit (pt 47) et chétit (pt 54) ; MichelRoanne 1998 ch'tit ; ALIFOms (Loiret) ; FEW 2, 330b-331a, captivus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : ("méchant") Cher, 100 % ; Allier, 80 % ; Indre 65 % ; Loir-et-Cher, 0 %. ("enfant") Loir-et-Cher, 65 % ; Allier, 30 % ; Indre, 15 % ; Cher, 0 %. ("coquin") Creuse, 100 % ; Haute-Vienne, 55 % ; Dordogne, 50 % ; Corrèze, 10 %. ("vaurien") Creuse, 65 % ; Dordogne, Haute-Vienne, 40 % ; Corrèze, 0 %. (Tous sens confondus)
Île-de-France, 35 %.
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