gars n. m.
I. 〈Orne (est), Haute-Bretagne, Mayenne, Sarthe, Maine-et-Loire, Centre-Ouest, Eure-et-Loir,
Allier, Bourgogne (spor.)〉 fam. "enfant de sexe masculin dans un rapport de filiation". Stand. fils. Synon. région. drôle*, gamin*, gone*, petit*, pitchoun*. – Elle a eu six filles et six gars (Jeune femme, La Chapelle-Montligeon, Orne, 1982.)
1. Elle n’en dormait plus. Elle sentait physiquement la lourde main de Dieu s’appesantir
sur elle. Car elle ne doutait pas de recevoir, cette fois, la punition de sa révolte,
d’être l’objet d’une terrible mesure de talion. Tu m’as lâché : ton gars et ta fille te lâchent. (R. Vercel, La Caravane de Pâques, 1988 [1948], 474.)
2. Le gars du terreneuvas, qui n’avait pas de sœur, aimait à jouer avec la gentille petite fille
à cause de sa docilité. (A. de Tourville, Les Gens de par ici, 1952, 31.)
3. À l’épicerie, Mme Lemarié m’offre un café. Elle pleurniche : la « bonne amie » de son fils Alain a eu un accident d’auto jeudi dernier. Plus Mme Lemarié raconte,
plus les larmes coulent, une vraie vieille Maghrébine. Heureusement, tout de même,
que l’accident a touché la jeune fille et pas « mon gars » ; heureusement que « mon gars » ne conduisait pas, les futurs beaux-parents n’auraient jamais pardonné à la lignée
Lemarié. Quel dommage, au fond, que la « bonne amie d’ mon gars » ait été la victime, et non une autre jeune fille qui se trouvait dans la voiture.
(J. Favret-Saada et J. Contreras, Corps pour corps, 1981, 73.)
4. Celle-ci avait eu quatre enfants de deux lits, un fils et deux filles étaient locataires
sur des fermes que nous pouvions compter parmi nos plus proches voisins. Un de ses
fils, doué de mains énormes, était forgeron en Ille-et-Vilaine, elle citait ses opinions
en le désignant sans prénom « mon gars d’ Fay ». (J.-L. Trassard, L’Espace antérieur, 1993, 117.)
5. Son bonheur d’épouse a été trop court, 17 ans seulement ! A 52 ans, elle est depuis
trop longtemps obligée de lutter, avec quelque réussite, pour conduire ce qu’elle
considère comme son bien y compris son gars. (L. Lebourdais, Les Choses qui se donnent…, 1995, 66-67.)
6. […] c’était une bonne femme qui n’avait pus grand-chose à donner à manger à son gars. Alors, elle avait entendu dire que le diable, quand on lui apportait quelque chose,
ben… il vous donnait beaucoup plus de choses que vous lui en donniez… Au contraire…
Il vous gâtait, quoi ! / Alors, elle dit à son gars : « Si t’allais porter du boudin au diable, puisque, dit-elle, on a eu des boudins par
une voisine, tu irais les porter, peut-être qu’il te donnerait quelque chose ? » (A. Poulain, Contes et Légendes de Haute Bretagne, 1995, 55.)
7. Lorsque la convocation pour le tribunal militaire arriva, Marcel Loué sentit que les
choses tournaient mal pour son fils et vint voir Adolphe. […] Marcel Loué expliqua
que son gars, qui n’avait jamais touché le moindre sou avant son service militaire, avait conformément
à ses conseils mis de côté un pécule pour ses premières dépenses à son retour à la
vie civile et finit [sic] par accumuler une somme relativement coquette. Par malheur, au cours d’une permission,
il l’évoquera dans un bistrot fréquenté par une femme qui améliorait son ordinaire
avec les bonshommes. (J.-Cl. Boulard, Le Charretier de la Ravissante, 1996, 204.)
8. Il voulait être instituteur. Mais son père lui a dit : « Tu ne seras pas instituteur. Tu es tout ce que j’ai comme gars, tu s’ras pêcheur comme moi. » (Femme, née en 1908, dans J. André et al., À Grand-Lieu, un village de pêcheurs, 2000, 83.)
V. encore s.v. chétit, ex. 4 ; drôle, ex. 3 ; guère (pas –), ex. 3 ; malice, ex. 3 ; même, ex. 3 ; mener, ex. 5 ; misère, ex. 3-4 ; place, ex. 5.
II. 〈Surtout Val d’Oise, Essonne, Seine-et-Marne, Seine-Maritime, Haute-Bretagne, Mayenne, Sarthe,
Maine-et-Loire, Centre-Ouest, Indre-et-Loire, Eure-et-Loir, Loir-et-Cher, Loiret〉 petit-gars n. m. fam. "fils de la fille ou du fils, par rapport aux grands-parents". Stand. petit-fils.
9. Florimond, son p’tit gars, i se marie à Pâques. (G. Anger et J. Huguet, La Chaume, un peuple en fête, 1983, 79.)
10. Dès que j’ai gratté à la porte, c’est Mémé qui s’est levée, et j’ai entendu courir
ses chaussons à semelle de corde. La voilà sur le seuil, qui fait l’étonnée : « Ah ! c’est mon p’tit gars, entre don [sic]. » (L. Lebourdais, Les Choses qui se donnent…, 1995, 18.)
11. J’ai acheté deux kilos de châtaignes que je fais griller sur mon feu, seule. Je ne
vais pas courir en serrer*, mes petits gars m’en ont serré un peu mais ce n’est plus comme avant. (Chr. Leray et E. Lorand, Dynamique interculturelle et autoformation. Une Histoire de vie en pays gallo, 1995, 297.)
12. « hier j’avais mon petit-gars / il me dit si vous voulez grand-mère on va vous emmener à la mer / j’ai dit oh non
non / pas anui (aujourd’hui) dimanche/ j’ai dit sur semaine* ça va mais le dimanche non non non » (Témoignage recueilli dans SchortzSenneville 1998, 163.)
V. encore s.v. berluche, ex. 1 ; serrer, ex. 10.
III. 〈Surtout Haute-Bretagne, Mayenne, Sarthe, Maine-et-Loire, Vendée, Vienne, Charente, Indre-et-Loire〉 vieux gars loc. nom. m. vieillissant "celui qui, en âge d’être marié, ne l’est pas et ne l’a jamais été". Stand. célibataire, vieux garçon. – Il est resté vieux gars toute sa vie (Homme, 40 ans, Abilly, dans SimonSimTour 1995).
13. Je n’ai pas envie de rester vieux gars moi ! (H. Vincenot, La Billebaude, 1978, 287.)
14. Jeanne et moi, nous nous étions mariés parce que nous avions l’âge. J’avais 28 ans,
et on commençait à me dire que je sentais le vieux gars. (Y. Viollier, La Mariennée, 1980, 63.)
15. […] un « vieux gars » qui habitait près du cimetière et cumulait les fonctions de sacristain, de fossoyeur
et même de garde-champêtre […]. (L. Costel, Le Dernier Harnais, 1987, 93.)
16. Pas encore très avancé en âge, il n’en était pas à craindre de passer pour un « vieux gars ». (C. Tessier, Eugénie du Château-vert, 1988, 134.)
17. Théodose fit entrer le curé de Reuille dans son galetas, une petite pièce encombrée
de sacs, de fouets, de bêches et de brides. Il toussa un peu et releva la tête en
animant ses moustaches de continuels mouvements de lèvres.
– La pagaille des vieux gars, vous excusez. Oh à votre cure c’est tout pareil. Pas de femme, pas de rangement. (L. de La Bouillerie, Le Passeur, 1991, 85.) 18. – Tu veux parler de la mère Viorne. Elle n’a plus son bonhomme. À présent, elle vit
avec L’Eclair, un vieux gars. (Ch. Briand, La Batteuse, 1991, 54.)
19. Attention, Alphonse, c’est dans ces plaisirs un peu frustes, un peu trop masculins,
qu’on se forge une mentalité de vieux gars, quand on s’achemine vers la trentaine… (L. Lebourdais, Les Choses qui se donnent…, 1995, 60.)
20. Le grand jour arriva enfin. Monseigneur accéda au chœur de l’église entre deux haies
de fidèles : les femmes à gauche, les hommes à droite, les petites filles, les petits
garçons, les communiantes, les communiants, les jeunes filles, les conscrits, les
femmes mariées, les hommes mariés, les vieilles filles, les vieux gars, les veuves, les veufs, les commères, les maquignons. (A. Poulain, Contes et Légendes de Haute Bretagne, 1995, 340-341.)
21. « Adolphe se mariera jamais, trop attaché à son indépendance. Restera vieux gars », voilà ce que colportait la rumeur publique. Une fois de plus, la rumeur publique
se trompait. (J.-Cl. Boulard, Le Charretier de la Ravissante, 1996, 170.)
◆◆ commentaire.
I. Par restriction de fr. gars "jeune homme, garçon" (dep. ca 1170, v. TLF), ce sens, caractéristique du français d’une large zone du quart nord-ouest
se prolongeant jusqu’à l’Allier et à la Bourgogne, est attesté dep. le 16e siècle chez Baïf (1573 « Venus et son gars [= Eros] » dans Huguet) – garçon "fils" en fr. général, ne datant lui aussi que du 16e s., dep. 1564 (TLF). Il est passé dans les français d’Amérique, même si la glose
ambiguë ("garçon"), qui tient lieu de définition dans la plupart des dictionnaires, renseigne mal le
lecteur (Dunn 1880 ; Dionne 1909 ; PoirierAcadG ; DFPlus 1988 ; DQA 1992)a. Plusieurs dictionnaires de France (Rob 1985, NPR 1993-2000, Lar 2000) se contentant
eux aussi de la paresseuse mention "garçon", ne peuvent pas être pris en compte ; GLLF et TLF donnent ce sens comme « fam. », sans plus. La marque diatopique apparaît bien dans TLF (« région. ou vieilli »), mais elle est réservée à la lexie (non figée comme elle l’est ici en II.) petit gars "gamin".
II. Innovation, sur le modèle de fr. petit-fils, dans la zone de l’Ouest qui connaît gars "fils", ignoré des dictionnaires généraux.
III. Absente elle aussi des dictionnaires généraux contemporains, cette lexie a été relevée
dep. 1857 (« Un vieux célibataire est un vieux gâs » MontessonHMaine). Il est possible que vieux gars connaisse une aire plus étendue (cf. M. Embareck, Sur la ligne blanche, 1984, 14 : « – Et ta femme […] ? – Elle a oublié de venir le jour du mariage […]. – T’es vieux
gars ? Je savais pas »).
a La première attestation québecoise de gars en ce sens remonte à 1866 (FichierTLFQ).
◇◇ bibliographie. (I) BrasseurNorm 1990 ; TavBourg 1991 « usuel un peu partout, en concurrence avec garçon » ; ValMontceau 1997 ; BlanWalHBret 1999 « très fréquent partout. Mot emblématique, y compris dans la prononciation d’un [ɑ] d’arrière […] souvent écrit gârs » ; FEW 17, 618a, *wrakkjo. – (II) RézeauOuest 1984 et 1990 ; SchortzSenneville 1998 ; BlanWalHBret 1999 « usuel partout » ; FEW, loc. cit. – (III) LelongLuroué 1911, 226 ; StMleuxStMalo 1923 ; RézeauOuest 1984 et 1990 ; RobezVincenot
1988 « assez peu répandu en Bourgogne » ; BrasseurNantes 1993 ; SimonSimTour 1995 ; ValMontceau 1997 ; BlanWalHBret 1999
« usuel partout » ; aj. à FEW, loc. cit. (où cette lexie manque).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (II) Deux-Sèvres, Charente, Charente-Maritime, Île-de-France (Essonne, Eure-et-Loir,
Loir-et-Cher, Loiret, Seine-et-Marne, Val d’Oise), Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique,
Sarthe, 100 % ; Maine-et-Loire, Vienne, 80 % ; Vendée, 50 %. (III) Ille-et-Vilaine, Indre-et-Loire, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Sarthe, 100 % ;
Vienne, 40 % ; Charente, Vendée, 25 % ; Charente-Maritime, Deux-Sèvres, 0 %.
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