serrer v. tr.
1. 〈Surtout Normandie, Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Mayenne, Centre-Ouest, Côte-d’Or (Magny),
Franche-Comté, Rhône, Loire, Provence, Auvergne, Limousin, Dordogne, Lot-et-Garonne,
Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde〉 vieillissant "mettre en place, en ordre, en lieu sûr". Stand. enfermer, ranger. Synon. région. fermer*. – J’ai serré la vaisselle (A. Paraillous, Le Chemin des cablacères, 1998, 284). Ça va sonner, vous pouvez serrer vos affaires [un instituteur à ses élèves] (BlanWalHBret 1999).
1. Les vaincus [d’une partie de boules] avaient remis leurs vestons ; leurs boules étaient
déjà serrées dans les sacs ou les muselières, et plusieurs se querellaient, en se rejetant la
responsabilité de la défaite. (M. Pagnol, Le Temps des amours, 1995 [1960], 542.)
2. Le reste [d’un mobilier], on le serrerait dans un coin du grenier […]. (M. Chaulanges, Les Mauvais Numéros, 1971, 124.)
3. […] mes valises bouclées m’attendaient derrière la porte de la cuisine. Jeanne y avait serré toutes mes affaires. (Y. Viollier, La Mariennée, 1980, 192.)
4. […] je rassemblai quelques affaires que je serrai dans une caisse en bois blanc munie d’un cadenas […]. (M. Scipion, L’Homme qui courait après les fleurs, 1984, 129.)
5. – […] Figurez-vous qu’il s’est acheté une mobylette […]. Mais vous croyez qu’il la
laisse sous le hangar ? Il la serre dans ma chambre, à cause du froid qu’il dit. (Th. Duret, Albertine au bord des chemins, 1988, 47.)
6. Les braises étaient serrées dans un coin à l’aide d’un outil à long manche, et la tourte* renversée sur le fournil était déposée d’un coup sec, sur les briques du four, chauffé
à blanc ! (J.-L. Chantelauze, Monsieur le Curé dans ses campagnes, 1994, 66.)
7. Le cidre, après, y bouillait tout seul dans les barriques, y fermentait, ça faisait
du chuintement et du gargouillis, ça sentait âcre dans le cellier où qu’on serrait les barriques. (P. Guicheney, On se meurt apprenti, 1997, 60.)
8. Charlotte avait « serré » 1 500 francs dans une poche sous sa jupe […]. (H. Noullet, La Destalounade, 1998, 95.)
V. encore s.v. dieux, ex. 4.
2. Par restriction. moins usuel, rural
2.1. 〈Normandie, Ille-et-Vilaine, Mayenne, Sarthe, Loire-Atlantique〉 [L’obj. désigne notamment des fruits ou des légumes] "ramasser ; cueillir". Sa sœur « serrait » de pleins paniers de prunes (Bl. Depincé, Au Carillon de l’Ouest, 1975, 35).
9. Un jour, l’onc’ vient serrer [ramasser [sic]] des pommes à couteau. (J. Favret-Saada et J. Contreras, Corps pour corps, 1981, 118.)
10. Je fais celui qu’a compris, on discute un moment de tout et de rien, du temps, de
combien de quintaux de betteraves qu’on pense serrer, enfin, toutes les choses qu’on a l’habitude de se dire pour essayer de se comprendre
entre les mots sans trop se découvrir ce qu’on veut parler vraiment. (P. Guicheney,
On se meurt apprenti, 1997, 122.)
V. encore s.v. gars, ex. 11.
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
11. Elle ne fit que désobéir à sa mère et malgré ses mises en garde quitta la maison paternelle
pour aller vers Saint-Just « serrer » (ramasser) ces fleurs […] qu’ont tant de « sente » [=odeur] [,] bien différentes des ajoncs et bruyères qui nous envahissent en odeurs
fortes, sucrées et tout et tout… (A. Poulain, Contes et Légendes de Haute Bretagne, 1995, 63.)
2.2. 〈Charente, Rhône (Beaujolais), Loire (Roanne), Puy-de-Dôme (Thiers)〉 "rentrer (le bétail)".
2.3. 〈Isère〉 "rentrer (du bois)".
12. Tout naturellement, Rémi, habitué dès l’enfance à parcourir la montagne en galoches,
à « serrer » du bois, porter le sel aux brebis […] devint guide comme le père. (R. Canac, Vivre ici en Oisans, 1991, 121.)
◆◆ commentaire. Attesté dep. le début du 13e siècle, serrer "enfermer, mettre en lieu sûr" et fin 15e siècle/début 16e siècle "ranger, remiser" (TLF), encore en usage à l’époque classique (Littré, FEW), n’appartient plus aujourd’hui
à l’usage standard. Il survit dans le français de certaines aires (de la Normandie
à la Gironde, et de l’est du Puy-de-Dôme à la Franche-Comté et à la Provence) dont
il est difficile de cerner les contours faute d’une enquête d’ensemble, mais qui semblent
bien refléter un refoulement caractéristique de ces sens par le français “central” ; on l’a aussi relevé au Québeca (Dionne 1909 "épargner, mettre à l’abri"). Les dictionnaires généraux sont unanimes à affecter ces sens d’une marque diatopique
dont on ne saurait en l’occurrence incriminer le vague (GLLF « vx ou dialectal » ; Rob 1985 « régional » ; TLF « vieilli ou région. » ; NPR 1993 « région. »), Lar 2000 étant le seul à risquer une précision qui ne renseigne guère sur la situation
en France (« litt. ou Antilles, Québec ») et NPR 2000 se contentant d’indiquer « vx ».
a Où il est attesté dep. 1632 (FichierTLFQ) et toujours en usage.
◇◇ bibliographie. MolardLyon 1810 dans la métalangue s.v. ranger ; CoulabinRennes 1891 "cueillir" ; VerrOnillAnjou 1908 ; PierdonPérigord 1971 ; GonthiéBordeaux 1979 ; DuclouxBordeaux
1980 ; RouffiangeMagny 1983 ; TuaillonRézRégion 1983 (Bordeaux) ; MeunierForez 1984 ;
RézeauOuest 1984 ; SuireBordeaux 1988 et 2000 ; LepelleyBasseNorm 1989 (1. Calvados
et 2.1. Orne, Manche, Calvados) ; BrasseurNorm 1990 (1. et 2.1. Orne et sud Manche) ;
BoisgontierAquit 1991 ; VurpasMichelBeauj 1992 (1 et 2.2.) ; DuchetSFrComt 1993 ;
LepelleyNormandie 1993 (1. Calvados et 2.1. Eure, Seine-Maritime, Basse-Normandie) ;
PotteAuvThiers 1993 "enfermer (un animal)" ; SalmonLyon 1995 (1) ; DromardDoubs 1997 (1) ; MichelRoanne 1998 (1 et 2.2.) ; BlanWalHBret
1999 (1 et 2.1.) ; FEW 11, 498a-b, serare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Gers, Gironde, Landes, Pyrénées-Atlantiques, 100 % ; Corrèze,
90 % ; Haute-Vienne, 70 % ; Creuse, Dordogne, 65 % ; Cantal, 55 % ; Hautes-Pyrénées,
50 % ; Lot-et-Garonne, 40 % ; Puy-de-Dôme, 35 % ; Haute-Loire (nord-ouest), 30 %.
|