guère (pas –) loc. adv.
〈Surtout Haute-Bretagne, Sarthe, Centre-Ouest, Rhône, Loire, Isère, Drôme, Hautes-Alpes, Aveyron,
Ardèche, Haute-Loire (Velay et Saugues), Puy-de-Dôme, Creuse, Corrèze, Dordogne〉 Surtout rural « (renforcement de (ne)… guère "pas beaucoup, peu") ».
1. [Modificateur d’un syntagme verbal] Vous l’employez, ce mot-là ? – Oh, pas guère ! (PotteAuvThiers 1993). Il ne va pas guère mieux depuis la dernière fois que je l’ai vu (MazaMariac 1992).
1. – Adieu*, Félix, ça a mordu aujourd’hui ?
– Pas guère ! – Si tu en as trop, apporte-m’en quelqu’unes [des truites] ! – Ce Victor ! (R. Sabatier, Les Noisettes sauvages, 1983 [1974] 81.) 2. […] j’ai jamais voulu divorcer ! On le sait bien ; ça n’arrange pas les affaires.
Puis si vous vous remariez, il est bien rare que le deuxième mari aime les enfants
du premier lit. Blanche-Neige, c’était ça un peu, non ? Sa marâtre l’aimait pas guère ! (A. Geaudrolet, Amours paysannes, 1980, 243.)
— Var. point guère.
3. Là, il a salué les parents, il a un peu causé avec eux, mais point guère parce qu’ils n’avaient point d’autres choses à lui raconter que ce qu’avait dit leur
gars*. (J. Boutin, Louis Rougé, le braconnier d’Anjou, 1979, 219.)
2. [Modificateur, dans un syntagme verbal attributif, d’un adjectif] Un repas maigre n’est pas guère réjouissant (LouradourCreusois 1968).
3. [Modificateur, dans un syntagme verbal, d’un adverbe] Je compte finir aujourd’hui, mais pas guère avant ce soir (MédélicePrivas 1981). Votre voiture ne sera pas guère prête avant ce soir (MazaMariac 1992)a. Je vais faire tout mon possible pour accélérer l’examen de votre dossier ; vous serez
convoqué par lettre mais pas guère avant le mois prochain (Ibid.). Il est rentré pas guère avant minuit (FréchetDrôme 1997).
a On a rangé ici cet exemple, en considérant que pas guère peut, à l’oral, être séparé de avant par l’adjectif, mais on pourrait aussi comprendre "votre voiture ne sera pas vraiment prête avant ce soir" (et l’exemple illustrerait l’emploi 2 ci-dessus).
4. « Dans tous les cas, que dit Milien, ça [les trains d’autrefois] marchait pas vite,
pas guère plus vite qu’un lima* ! » (H. Bouyer, Presse-Océan, 21 novembre 1983, dans BrasseurNantes 1993.)
V. encore s.v. amain, ex. 3.
4. [Modificateur, dans un syntagme verbal, d’un substantif] Il n’a pas guère de temps (ArnouxUpie 1984). Y a pas guère de champignons, faudrait qu’il pleuve (GermiChampsaur 1996).
5. – Eh ! y a pas guère de saints, sur cette terre ! a fait ma pauvre mère. (G. de Lanauve, Les Mémoires d’Anaïs Monribot, 1969, 88.)
6. « D’abord, les gars qui marchent à pied au jour d’aujourd’hui dans l’armée, y en a pas guère. » (H. Bouyer, L’Éclair, 17 juillet 1971, dans BrasseurNantes 1993.)
7. – […] ses parents habitent un château dans la région de Tulle. Ils ont pas guère d’argent mais beaucoup de terre. (M. Peyramaure, L’Orange de Noël, 1996 [1982], 96.)
8. – […] Tes camarades de classe sont venues aussi. […] Elles t’ont porté* des fleurs. Pas guère parce que c’est pas la saison. (M. Peyramaure, L’Orange de Noël, 1996 [1982], 193.)
— Dans des contextes elliptiques.
9. – Un petit peu plus [de vin] ?
– Je veux bien, mais pas « guère ». (J. Couffinhal, Le Petit Berger du Larzac, 1989, 87.) ◆◆ commentaire. Attesté dep. le 14e s. (1392, J. d’Arras, Mélusine, dans la base MF) et bien représenté au 16e s. (Des Périers, Amyot, G. Bouchet, v. Huguet), ce tour s’est déclassé à Paris dep.
le 18e s. (Vadé, Desgranges, dans FEW ; v. GougDesgr 1929). Relevé au 19e siècle autour d’un axe allant de La Rochelle à Gap (FEW), il est encore en usage
dans ce voisinage (ainsi que dans le français du Québec, notamment dans les régions
du Charlevoix et du Saguenay-Lac-Saint-Jean, v. Cl. Verreault et Th. Lavoie, Langues et linguistique, vol. 25, 1999, 206 ; cf. Dionne 1909 et GPFC 1930). Seul parmi les dictionnaires
généraux contemporains, TLF rend compte de cette réalité : « En fr. standard, l’élément négatif pas n’apparaît jamais. Dans l’usage parlé de certaines régions de France, la négation
complète est possible (avec le même sens) », l’illustrant par l’exemple d’A. Geaudrolet (ici ex. 2), repris de RézeauOuest 1984 ;
cf. GrevisseGoosse, § 979 b, sans exemple.
◇◇ bibliographie. LaRochelle 1780 ; VillaGasc 1802 ; RollandGap 1810 ; JBCPérigord 1818 non pas guère ; JBLGironde 1823, 115 ; PomierHLoire 1835 ; JaubertCentre 1864 ; ConstDésSav 1902 ;
VachetLyon 1907 ; VerrOnillAnjou 1908 ; RougéTouraine 1931 ; LouradourCreusois 1968,
130 ; BonnaudAuv 1976 ; MédélicePrivas 1981 ; TuaillonRézRégion 1983 ; ArnouxUpie
1984, 38 ; RézeauOuest 1984 et 1990 ; MazaMariac 1992 ; BrasseurNantes 1993 s.v. pas ; FréchetMartVelay 1993 « globalement usuel » ; PotteAuvThiers 1993 ; FréchetAnnonay 1995 « globalement usuel » ; GermiChampsaur 1996 ; QuesnelPuy 1996 ; FréchetDrôme 1997 « usuel » ; FEW 17, 469b, *waigaro.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ardèche, Charente, Charente-Maritime, Drôme, Ille-et-Vilaine,
Haute-Loire, Maine-et-Loire, Rhône, 100 % ; Loire, Loire-Atlantique, Vienne, 80 % ;
Deux-Sèvres, Vendée, 75 % ; Sarthe, 65 % ; Isère, 40 %.
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