amain adv. et n. m.
〈Val-d’Oise, Seine-Maritime, Orne, Calvados, Manche, Haute Bretagne, Mayenne, Sarthe,
Maine-et-Loire, Indre-et-Loire, Eure-et-Loir, Loir-et-Cher, Loiret〉 fam., rural
1. Adv. "dans la position qu’on est habitué à prendre pour faire un travail ; en position commode,
favorable".
1. – Qu’est-ce qu’il a donc, le papa ? demanda brusquement mon frère.
– Je ne suis guère amain pour te dire ça ici, dis-je, prise de court, et cherchant à gagner du temps. (H. Grégoire, Poignée de terre, 1979 [1964], 187.) — Dans la loc. adv. d’amain "id.".
2. Pour me remonter le moral je me disais : « Allons ! après tout, ce n’est pas une tragédie ! Ce n’est qu’un accident. » J’étais tant émoyé [en note : ému] ce soir-là qu’il m’a bien fallu gourner [= boire] cinq ou six verres de Rochefort
d’affilée pour me remettre d’amain. (Y. Brochet, Le Braco, 1997, 262.)
2. N. m. "position qu’on est habitué à prendre pour faire un travail ; position favorable". Spécialement dans la loc. adv. à mon/ton/son… amain.
3. [Chez l’opticien] Mais question de lire votre sapré écriteau, c’est pas guère* à mon amain, vu que c’est pas écrit en français. (H. Bouyer, Le Populaire de l’Ouest, 14 octobre 1947, cité dans BrasseurNantes 1993.)
4. [Les journaux] racontent que les Boches marchent à reculons. Si c’est pour du [sic] vrai, ça ne les met pas à leur amain pour tirer sur toi. En faisant attention, le bon Dieu te prendra en protection, et
tu reviendras finir d’user tes sabots qui sont en attente sous le pied de ton lit.
(H. Grégoire, Poignée de terre, 1979 [1964], 217.)
5. – Oh ben, ce jour-là, avec ma capote détrempée j’étais pas à mon « amain » [en note : convenance ; sens favorable pour travailler] ; je voyais pas clair ; je contrôlais
mal mes gestes. (Y. Brochet, Le Braco, 1997, 91.)
V. encore ici s.v. à désamain, ex. de Cherbonnier.
■ dérivés. 〈Maine-et-Loire〉
1. désamain adv."dans une position qui n’est pas celle qu’on est habitué à prendre pour faire un travail ;
en position défavorable". Synon. région. démain*. « Tant de civilité me confond. Je me demande bien pourquoi ? Après tout, je suis l’invité.
Ça doit être le manque d’habitude qui me vaut ça. Dame* ! Avec les copains on ne fait pas tant de simagrées, ni même avec les clients. Encore
une fois, en pleine nature, j’espère bien qu’on laissera tout ça de côté. N’empêche !
Je commence à me sentir “d’zamain”, un peu comme un cavalier qui aurait des étrivières trop courtes » (Y. Brochet, Le Braco, 1997, 250).
2. à désamain loc. adv. "id." Synon. région. à la démain*. « Lorsqu’on travaille avec un outil dont on prend le manche à deux mains (pelle, fourche,
hache…) certains mettent la main gauche en avant, d’autres la main droite. Sur un
gerbier, on se met face à face sur deux rangs, les droitiers à droite et les gauchers
à gauche pour lancer les gerbes sur la machine, ainsi chacun travaille à son “amain”*. Mais, parfois, il y a plus de gauchers que de droitiers. Dans ce cas, quelques gauchers
se mettent dans le rang de droite et travaillent à “désamain” » (CherbonnierAnjou 1997, 32).
◆◆ commentaire. Survivance de la locution adv. ou adj. fr. à main "à portée, à disposition, commode, prêt" attestée du 12e au début du 17e sièclea, et dont la forme refaite à la main a été usitée du 17e au 19e siècle (FEW 6/1, 292, manus). La forme originelle s’est maintenue dans les parlers dialectaux de l’Ouest, de
la Normandie jusqu’à la Saintonge, et dans le Val de Loire, jusqu’en Sologne. Elle
est passée au Canada et en Louisiane où elle est employée en fonction adjectivale.
Dans l’usage actuel du français du nord-ouest de la France, elle ne s’emploie plus
que dans le registre oral familier des milieux ruraux. L’emploi substantival subsiste
essentiellement dans la locution plus répandue et plus courante à son amain qui n’a pas d’équivalent exact en français standard. Elle n’est pas attestée avant
le milieu du 19e siècle, mais elle est sûrement plus ancienne puisqu’elle est documentée au Canada
(à son à main loc. adj. "placé de façon à pouvoir travailler commodément" GPFC 1930)b.
L’antonyme, plus rare, a été relevé dans les parlers dialectaux du Perche, du Bas-Maine,
de l’Anjou et de la Saintonge dans la locution adverbiale à désamain, bien attestée également au Québec et en Acadie, indice de son ancienneté.
a Et encore en 1825 au Québec (FichierTLFQ).
b Mais cet emploi, comme aussi le précédent, y semble aujourd’hui inusité (comm. d’A.
Thibault).
◇◇ bibliographie. Dunn 1880 amain adj. ; CoulabinRennes 1891 amain, d’amain adv. ; Clapin 1894 à main loc. adj. ; VerrOnillAnjou 1908 amain n. ; Dionne 1909 à main loc. adj. ; StMleuxStMalo 1923 amain n. ; PoirierAcadG mal à main loc. adj. ; GPFC 1930 à main loc. adj. et à son à main loc. adj. ; DitchyLouisiane 1932 amain adj. ; MassignonAcad 1962 adj. ; DulongCanad 1989 à (la) main loc. adj. ; LepelleyBasseNorm 1989 amain n. ; LepelleyNormandie 1993 « Employé : Orne ; Manche. Connu : Calvados ; Seine-Maritime » ; RaimbaultAnjou 1998 d’amain adv. ; BlanWalHBret 1999 amain n. « usuel Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique » ; NaudMadeleine 1999.
VerrOnillAnjou 1908 à désamain, d’zamain adv. ; Dunn 1880, Clapin 1894, DulongCanad 1989 désamain adj. inv. ; GPFC 1930 à désamain loc. adv. et adj. ; PoirierAcadG à la désamain ; RaimbaultAnjou 1998 désamain adv. (?) ; CormierAcad 1999 à désamain loc. adv. et adj. « vieilli ».
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Val-d’Oise, 100 % ; Loire-Atlantique,
80 % ; Sarthe, 65 % ; Ille-et-Vilaine, 60 % ; Eure-et-Loir, 50 % ; Basse-Normandie,
45 % ; Loiret, 40 % ; Essonne, Maine-et-Loire, Seine-et-Marne, 0 %.
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