adieu interj.
〈Surtout au sud d’une ligne allant des Charentes au Haut Doubs (par la Dordogne, le
Lot, l’Aveyron, la Lozère, la Haute-Loire, la Loire, le Rhône, l’Ain et le Jura)〉 fam.
1. "(formule de salutation employée en abordant ou en croisant quelqu’un que l’on tutoie)".
1. – Adieu ! Adieu ! lui jeta en passant le vaniteux séducteur, c’est donc aujourd’hui que tu vas sonner
la cloche de Clans pour te marier dans l’année ? (G. Combarnous, Mamette de Salagou, 1973, 67.)
2. René entra à ce moment-là.
– Adieu tout le monde ! lança-t-il à la cantonade. (Chr. Delval, La Vieille Trompe, 1982, 36.) 3. C’est dans un coin de cette place que mon grand-père Blanquet rencontra l’Alban Mathieu.
– Té* ? et adieu vieille couenne ! clama mon papé*. – Et adieu vieux coquin ! répondit l’autre. (R. Blanc, Les Amours de l’oncle César, 1986, 29.) 4. […] la porte du café s’ouvrait déjà sur des hommes attablés, qui saluèrent les nouveaux
venus en leur serrant la main :
– Adieu, Gaston ! – Adieu, Baptiste ! (Chr. Signol, Les Chemins d’étoiles, 1988 [1987], 55.) 5. – Adieu, Bouligue, dit Gaston. Le visage de Bouligue se fendit.
– Té*, Gaston, dit Bouligue […]. (P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 30.) 6. Un bar tranquille. […] Un bistrotier que l’on ne voit pas plus que ses bouteilles.
[…] Quand il répond aux joueurs de cartes, son parler pèse d’un accent ponnéracois
appuyé. […] Et puis deux gars entrent. Joviaux. Droit au zinc. Saluant à la cantonade :
– Adieu la compagnie ! Adieu Broussac ! – Adieu les gars ! Qu’est-ce qu’on vous sert ? (R. de Maximy, Le Puits aux corbeaux, 1996 [1994], 142.) 7. – Adieu, Nino, tu vas bien ?
– Ça va. Rien de rare… (Fr. Thomazeau, Qui a tué Monsieur Cul ?, 1998 [1997], 49.) 8. La modulation […] du portable posé sur le bureau les fit sursauter tous les deux.
[…] Il saisit le combiné […].
– Papa ? C’est Clément. – Adieu, pouloï [en note : petit poulet]. (Fr. Pons, Les Troupeaux du diable, 1999, 48.) V. encore ici ex. 9 et 10 ; s.v. guère, ex. 1.
□ En emploi métalinguistique ou autonymique.
9. – Salut, Rémiche ! […]
– Adieu ! Il dit adieu pour signifier bonjour ou au revoir, comme on le faisait dans son enfance. Il dit aussi dîner* pour le déjeuner de midi, souper* pour dîner. Comme au Grand Siècle et, aujourd’hui encore, au Québec. – Ne me dis pas adieu, j’arrive. (M. Perrein, Le Buveur de Garonne, 1973, 10.) 10. Parfois, le tonton portait l’index à sa casquette et jetait à quelqu’un « Adieu, Gaston ! » ou « Adieu, Piérou ! » Olivier ne savait pas que cet « adieu » signifiait « bonjour ! » […]. (R. Sabatier, Les Noisettes sauvages, 1983 [1974], 21.)
11. À un remerciement, on répond : avec plaisir. Mieux encore et plus courant, lors d’une
rencontre, on dit « adieu » à la place de « bonjour », ce qui laisse l’étranger […] tout décontenancé. (M. Thourel, Vivre à Marengo, 1985, 89.)
12. Adieu, ça veut dire bonjour à Marseille, et tu es à Marseille, alors réhabitue-toi. C’est
pas parce que tu viens de Paris que tu vas nous apprendre à parler… (P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 107.)
13. […] dans ce pays [le Gard], pour dire « bonjour ! », on dit « Adieu ! » (J.-P. Chabrol, La Banquise, 1999 [1998], 69.)
2. "(formule de salutation employée en prenant congé de quelqu’un que l’on pense revoir
dans un avenir proche)".
14. – Au revoir, madame Chany. Au revoir, monsieur Meyronneinc, au revoir, au revoir…
Oui, je prends le train demain matin. Adieu, Jacquot. (R. Sabatier, Les Noisettes sauvages, 1983 [1974], 307.)
15. Oh, l’ pain ! Bon j’ vais t’ laisser, Simone, allez,… Bon appétit. Pi, j’ t’embrasse,…
Adieu, hein… Qui tu dis qui est mort ? (L. Semonin, La Madeleine Proust en forme, 1984, 52.)
V. encore ici ex. 16.
□ En emploi métalinguistique.
16. – Je repasserai vous dire adieu cet après-midi.
– Pourquoi « adieu » ? – On le dit pour « au revoir » en Périgord. (H. Noullet, La Falourde, 1996, 189.) — adieu je t’ai vu ! loc. phrast. exclamative 〈Savoie〉 "(exclamation impertinente, lancée par quelqu’un qui se sauve, après avoir joué un
tour)" (GuichSavoy 1986) ; 〈Haute-Saône (Ronchamp)〉 "ni vu ni connu" (J.-P. Chambon, comm. pers.).
◆◆ commentaire. 1. Méridionalisme de très large extension, couvrant une grande partie des domaines francoprovençal
et d’oc, avec un débordement dans les Charentes ; calque de l’usage dialectal correspondant,
ou emprunt à l’usage français méridional dans les zones où cet emploi ne peut reposer
sur le substrat dialectal. Premières attestations de commentaires métalinguistiques
sur cet emploi : ca 1659 (« Au lieu de bonjour, il disoit toujours adieu ; “adieu, Monsieur, comment vous portez-vous ?” », Tallemant des Réaux [parlant de son père, né à La Rochelle], Historiettes, Paris, Gallimard, Pléiade, t. 2, 571, comm. de P. Enckell) ; Sauvages 1756 s.v. adîou (« en François on ne dit adieu qu’en prenant congé ; c’est une faute que font la plûpart des Languedociens de dire
adieu à celui qu’ils abordent au lieu de Bon jour, Bon soir, &c. » ; DesgrToulouse 1766, 22 (« Quand les gens à Paris s’abordent, ils se disent bonjour. C’est tout le contraire à Toulouse. Les gens se disent adieu en s’abordant. Adieu, disent-ils, mon cher cousin, comment vous portez-vous ? Le compliment qui se doit
reserver pour la fin, ils le mettent au commencement. […] Plusieurs m’ont dit avoir
été raillés à Paris pour leurs adieux gascons ») ; v. encore Féraud 1787, VillaGasc 1802, SajusLescar 1821, JBLGironde 1823, PomierHLoire
1835, SievracToulouse 1836, AnonymeToulouse 1875, ReynierMars 1878 et PépinGasc 1895.
– 2. Non marqué dans la lexicographie jusqu’à la fin du 19e s. (v. Littré ; cf. TLF : « Au revoir dont Littré ne parle pas sous adieu, l’a peu à peu supplanté du moins dans l’usage courant, adieu étant réservé à la séparation définitive au ton quelque peu solennel ou d’une intense
affectivité »). L’usage régional représente ici un fait de conservation, peut-être toutefois sous
l’influence (retardatrice) des parlers du Sud. La loc. exclamative adieu je t’ai vu !, également connue en Suisse, est attestée à Genève dès 1852 (HumbGen > ConstDésSav
1902). – L’emploi de adieu aux sens 1 et 2 est attesté sur une très grande aire, mais sa vitalité est variable dans les grandes
villes : bien que Miège l’atteste pour Lyon (1937), il n’y semble plus employé (Ø
VurpasLyonnais 1993, SalmonLyon 1995), alors qu’à Marseille et à Bordeaux il est toujours
d’un emploi très courant. Pour l’usage en Suisse romande, v. DSR 1997 (avec bibliographie).
◇◇ bibliographie. Sauvages 1756 s.v. adîou ; DesgrToulouse 1766 ; Féraud 1787 ; VillaGasc 1802 ; ReynierMars 1829 ; PomierHLoire
1835 ; ConstDésSav 1902 « dans le frl. [= français local] comme dans le patois […]. On dit aussi Adieu, je t’ai vu pour exprimer son désappointement d’une espérance trompée ou d’un fait inattendu » ; LambertBayonne 1902-1928 ; Pierreh ; GPSR 1, 119 s.v. adieu 1° ; FEW 3, 58a, deus ; BrunMars 1931 ; MiègeLyon 1937 ; MichelCarcassonne 1949, 11 ; SéguyToulouse 1950
« tout à fait général » ; TLF « régional » ; DuprazSaxel 1975 adieu je t’ai vu ; RLiR 42 (1978), 155 (Sud-Ouest) ; NouvelAveyr 1978 ; EspallBernisToulouse 1979 ;
GonthiéBordeaux 1979 ; DuclouxBordeaux 1980 ; MédélicePrivas 1981 « en concurrence avec salut, mais moins employé » ; BouvierMartelProv 1982, 105 « fréquemment » ; TuaillonSurv 1983 ; RézeauOuest 1984 ; Rob 1985 « région. (Sud de la France) » ; BouvierMars 1986 ; DuraffHJura 1986 « usuel » ; GuichSavoy 1986 « extrêmement courant » ; MartelProv 1988 ; SuireBordeaux 1988 et 2000 ; CampsLanguedOr 1991 « partout » ; BoisgontierAquit 1991 ; BoisgontierMidiPyr 1992 ; QuesnelPuy 1992 ; FréchetMartVelay
1993 « globalement connu » ; NPR 1993-2000 « Dans le Midi, se dit souvent pour bonjour et au revoir » ; ValThônes 1993 ; FréchetAnnonay 1995 « employé par tous les informateurs » ; RobezMorez 1995 « expression courante autrefois » ; MazodierAlès 1996 ; FréchetDrôme 1997 « usuel » ; ArmKasMars 1998 « forme emblématique du salut marseillais » ; RoubaudMars 1998, 87 ; BouisMars 1999.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissancea : Hautes-Alpes, Ardèche, Ariège, Aude, Aveyron, Bouches-du-Rhône, Charente, Charente-Maritime,
Drôme, Gard, Gers, Gironde, Haute-Garonne, Hérault, Landes, Loire, Haute-Loire, Lot,
Lozère, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, Deux-Sèvres, Tarn, Tarn-et-Garonne,
Vendée, 100 % ; Alpes-Maritimes, 85 % ; Var, Vienne, 80 % ; Isère, 75 % ; Alpes-de-Haute-Provence,
65 % ; Ain, Rhône, Savoie et Haute-Savoie, Vaucluse, 50 % ; Lot-et-Garonne, 40 %.
a Les résultats semblent surprenants pour les Deux-Sèvres, la Vendée et la Vienne.
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