malice n. f.
1. 〈Loir-et-Cher (sud), Indre, Cher, Allier, Saône-et-Loire, Rhône, Loire, Isère (La Mure),
Aveyron (nord), Ardèche (Mariac), Haute-Loire (Velay), Puy-de-Dôme, Creuse〉 fam. faire malice à qqn loc. verb. "être désagréable à qqn ; causer du déplaisir, de la peine, de la honte à qqn". Stand. contrarier, déplaire.
1. Florentin proteste, raconte qu’il est en retard […].
– Tu me ferais malice si tu ne rentrais pas chez moi. Mon pauvre Joseph, qu’est-ce qu’il dirait dans sa tombe si tu ne voulais pas trinquer […] ? (J. Jaussely, Deux saisons en paradis, 1979, 55.) 2. Ils font un mâchon* léger […]. Café, pousse-café pour ne pas faire malice au patron. (M. Mazoyer, Les Vacances des berthes, 1985, 133.)
— Souvent dans un tour impersonnel. On ramasse plus de cerises, les marchands en veulent plus, mais ça fait malice de
voir pourrir ces fruits sur les arbres (MartinPilat 1989 ; VurpasMichelBeauj 1992 ; VurpasLyonnais 1993).
3. – Pourquoi tu racontes tout ça sur tes gars* ? fit Jean-Marie […]
– Parce qu’ils me traitent comme un vieux et que ça me fait malice. (R. Fallet, Les Vieux de la vieille, 1996 [1958], 19.) 4. – Eh bien, moi, ça me fait malice que tu me croies pas […]. Si les amis me croient pas, qui c’est qui me croira ? (R. Fallet,
La Soupe aux choux, 1980, 89.)
5. […] moi c’est les enfants que je plains, la petite quand elle va aux commissions,
ça vous fait malice de voir ça […]. (J.-N. Blanc, Chiens de gouttière, 1989, 180.)
6. […] les chèvres ne semblaient pas tout à fait disposées à accepter d’autres hommages
et l’appétit du bouc menace la maigre provision de fourrage.
– Ça me fait malice. Eugénie est furieuse, contre Cadet, contre elle-même qui s’est trompée sur les chaleurs de ses biques, contre ce diable de bouc qui mange trop […]. (A. Rey, La Montagne aux sabots, 1994, 127.) 7. – Tu vois, Dudu, ça leur fait malice que ce soye nous qu’on ait gagné. (A. Aucouturier, La Tourte aux bleuets, 1997, 35.)
V. encore s.v. débiter, ex. 5.
— 〈Saône-et-Loire〉 avoir malice de qqc. "avoir honte de, trouver désagréable de ; être vexé de".
8. Le Toine a dû aller au certificat dans ces années-là. […] on avait pas honte d’être
instruit. Personne avait malice d’être savant ou même curé, les maîtres pouvaient donner des bonnes et des mauvaises
notes aux gamins sans que la famille organise une réunion de parents d’élèves ou fasse
appel au syndicat des bons à rien ! (M. Mazoyer, Les Aventures du Toine Goubard, 1982, 16.)
2. 〈Indre, Cher, Allier, Puy-de-Dôme (Thiers)〉 moins usuel se mettre en malice loc. verb. "se mettre en colère, se fâcher". Il se met en malice d’un rien (PotteAuvThiers 1993).
◆◆ commentaire. Locutions formées sur fr. malice "disposition d’esprit à faire le mal par des voies insidieuses ; penchant qui pousse
à se jouer d’autrui" (dep. afr., v. TLF), employé dans un sens atténué. 1. On est frappé de constater que toutes les attestations des tours phraséologiques
faire/voir malice recueillies par FEW (6/1, 111a, malitia ; fascicule paru en 1958) concernent, en fait, le français d’une petite aire du sud
de l’actuelle région Bourgogne : Morvan (1878), Chalon-sur-Saône/Verdun-sur-le-Doubs
(avoir malice, 1896), Nuits-Saint-Georges (1899), Mâcon (1926), les dépouillements du DRF n’ayant
pas apporté de nouveaux matériaux pour cette période. Dans les deux derniers tiers
du 20e siècle, ces locutions sont observées, en revanche, sur une aire de la France centrale
notablement élargie vers l’ouest et le sud. Il est également remarquable que faire malice n’ait pas été noté dans la région lyonnaise (Rhône, Loire), pourtant bien documentée,
avant 1976. Il est donc permis de penser, avec les précautions d’usage, que la locution
s’est diffusée au cours du 20e siècle, en provenance de la région où Wartburg l’avait d’abord notée.
2. Attesté dans le français du Centre dep. 1838 (« mettre en malice, impatienter, mettre en colère » Jaubert).
◇◇ bibliographie. (1.) ChambureMorvan 1878 ; FertiaultVerdChal 1896 ; Mâcon 1926 ; BrunetFranchesse 1937
"colère, ressentiment" être/se mettre en malice ; MittonClermF 1937 « cela m’a fait malice, cela m’a fâché, dépité » ; JouhandeauGuéret 1955, 123 faire malice à qqn ; ManryClermF 1956, 403 ; BrunetBourbonn 1964 "colère, ressentiment" être/se mettre en malice ; BonnaudAuv 1976 ça fait malice "cela fait enrager" ; EscoffStéph 1976 ; MartinPilat 1989 « usuel à partir de 20 ans, bien connu au-dessous » ; DucMure 1990 ; MazaMariac 1992 ; VurpasMichelBeauj 1992 ; FréchetMartVelay 1993
« globalement connu » ; VurpasLyonnais 1993 (Beaujolais, Pilat) ; ValMontceau 1997 ; MichelRoanne 1998 ;
PlaineEpGaga 1998 « encore utilisé ». – (2.) JaubertBerry 1838 ; JaubertCentre 1864 ; DubuissBonBerryB 1993 ; PotteAuvThiers
1993.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1) Allier, 100 % ; Indre, 65 % ; Cher, 60 % ; Loir-et-Cher (sud), 30 %.
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