caraque n. m. et f.
I. 〈Drôme, Provence, Gard, Hérault, Aude, Lozère, Ardèche, Dordogne, Gironde.〉
1. Au m. plur. usuel "peuple des tziganes nomades". Stand. gitans, vieilli bohémiens, fam. manouches, souvent péj. romanichels.
1. Les « Caraques », suivant la dénomination sous laquelle on les désigne dans les régions méridionales
– surtout en Languedoc et en Provence –, appartiennent à cette race singulière des Romanichels. (G. Combarnous, Mamette de Salagous, 1973, 106.)
2. Aller à la découverte… Comme les nomades qui suivent leur instinct, comme les caraques dont elle charrie le sang, comme la vagabonde dont elle est issue. (R.-A. Rey, Griotte, 1979, 136.)
V. encore s.v. brave, ex. 16.
2. Au sing. ou au plur. usuel, parfois péj. "membre de ce peuple". Synon. région. camp-volant*. – Un Caraque tondeur de chiens (Y. Audouard, La Clémence d’Auguste, 1986 [1985], 7). Son Jean-le-bien-aimé s’était laissé prendre aux filets d’une caraque blonde (R.-A. Rey, Frosine, 1980, 21).
3. Les caraques, qui campent à longueur d’année à la sortie du pont de Chambon quittèrent la roulotte
et la tambouille pour se ranger au bord de la route. Ils applaudirent et plaisantèrent
comme au passage d’une noce. (J.-P. Chabrol, La Gueuse, 1966, 209-210.)
4. Avant, à l’emplacement de l’usine, il y avait le terrain vague réservé aux Caraques. (M. Albertini, Les Merdicoles, 1998, 66.)
V. encore ici ex. 8.
● de caraque loc. adj. "qui caractérise ou qui évoque certains membres de ce peuple".
5. […] elle n’avait « fait toilette » avec sa robe de caraque et ses talons aiguilles que pour séduire l’homme qui l’avait trop longtemps négligée.
(H. Noullet, La Falourde, 1996, 247.)
□ Dans un commentaire métalinguistique incident.
6. Et sur la route, il y avait les « caraques », c’est-à-dire les romanichels ; ceux-là, on les craignait, et les femmes peut-être
plus que nous. (L. Chaleil, La Mémoire du village, 1989 [1977], 136.)
7. Vers le 25 mai, le train se remplissait de gitans, de « caraques ». Les Saintins [habitants des Saintes-Maries-de-la-Mer] disent les « caraques ». Ils allaient au pèlerinage. Ils venaient de Perpignan, Marseille, Beaucaire, Arles.
Guère plus loin. On les connaissait. C’était les Joseph, les Baptiste, des familles,
des clans gitans de la région, du littoral. (J. Durand, André Bouix, gardian de Camargue, 1980, 202.)
■ remarques. Au Puy (Haute-Loire), le mot « s’est spécialisé pour désigner, depuis environ une quinzaine d’années, les ressortissants
portugais » (QuesnelPuy 1992).
— En part. "(dans une menace, pour faire peur aux jeunes enfants)".
8. À la menace d’être envoyé garder les vaches dans la montagne s’en ajoutait une autre,
pour l’enfant, dans les cas très graves : « Je vais te donner aux caraques ! » Nous pouvions croire que les caraques n’étaient là que pour ça, qu’ils allaient de
village en village pour emporter au loin les enfants désobéissants. (J.-Cl. Carrière,
Le Vin bourru, 2000, 54.)
— Emploi adj.
9. Ricardonne, au contraire, Mortissonnaise dans le sang, longue, maigre, si brune et
l’allure « caraque », vous tournant autour et riant des yeux, des mains, de tout le corps… (M. Mauron,
Le Quartier Mortisson, 1951, 48.)
10. – Tout près d’ici, disait-il, c’est romain, c’est féodal, c’est grec, c’est caraque, c’est arabe, c’est tout ce que tu voudras… En tout cas, ce sont des gens du pourtour
de la Méditerranée. (Y. Audouard, Ma Provence à moi, 1968, 61.)
3. péj.
— Dans des comparaisons à valeur péjorative.
11. Les gens disaient : « S’il n’avait pas sa gouvernante, il irait comme un caraque. » (Fr. Rey, La Haute Saison, 1984, 191.)
12. – Je ressemblais à un caraque. Ma femme m’a dit : « Té*, Joseph, profites-en pour aller au coiffeur ! » Alors je me suis dit comme ça : « Té, si j’allais au coiffeur ? »
– Ben, mon couillon*, tu aurais pu y rester […]. Comme ça, la mauvaise nouvelle, je te l’aurais donnée un autre jour. (P. Sogno, Le Serre aux truffes, 1997 [1993], 118-119.) 13. La mode des cheveux longs est vécue comme une provocation. « Regarde-le avec ses péous longs, on dirait une fille ! » « Tu te les couperas, ces péous, que* tu sembles* un caraque ! » (R. Domergue, Des Platanes, on les entendait cascailler, 1998, 177.)
● Dans le syntagme faire caraque.
14. – Et le chapeau, mon Dieu, pourquoi tu as pris un chapeau comme ça !
– C’est la mode maintenant. – La mode, la mode, moi je trouve que ça fait caraque. (J.-Cl. Libourel, Le Secret d’Adélaïde, 1999 [1997], 118.) — "personne malpropre ou dont le comportement est estimé non conforme aux usages reçus". Regarde-moi cette caraque ! (MédélicePrivas 1981). Synon. région. camp-volant* (sens 2.2.), peillarot* (sens 2).
15. Nous ne voulions pas jouer avec certaines fillettes […] : elles avaient les mains
sales, elles avaient des poux, elles disaient des gros mots et étaient toutes des
« garçonnières ». Nous, nous n’étions pas des caraques. Nous étions propres, raccommodées avec soin, nous avions la raie des cheveux bien
droite et les trous, même sur les pieds invisibles des chaussettes, étaient reprisés
soigneusement. (M. Rouanet, Nous les filles, 1990, 16.)
● Comme terme d’adresse.
16. – Dites donc, vous là, l’institutrice, vous pourriez faire votre travail et surveiller
les gosses. Je vous avertis bien que je ne veux pas qu’ils viennent chez moi piétiner
mon herbe. Tâchez de les garder. Ils sont mal élevés. Les parents les laissent faire.
Bande de caraques. (A. Durand-Tullou, Le Pays des asphodèles, 1991 [1989], 84.)
II. 〈Loire〉 péj.
1. 〈Forez〉 n. m. rural "maquignon". À la foire de Poncins, il y a toujours autant de caraques : le métier est bon (GononPoncins 1984) ; par ext. n. et adj. usuel "(personne) habile à gruger les autres". Stand. filou. – La Catherine ? Y a pas plus caraque ! Elle te vendrait des œufs couvés de quinze jours
en te disant qu’ils sont frais (Ibid.).
17. L’autre dimanche, j’ai été faire mon viron* au marché aux puces, à la plaine Achille. J’avais repéré une jolie lampe de chevet
qui m’accordait* bien ; mais en la regardant mieux, j’ai vu que le pied était pas mal ébréché. N’empêche
que le vendeur en demandait le prix du neuf : un vrai caraque. (MeunierForez 1984, 57.)
2. 〈Saint-Étienne〉 n. f. vieilli "virago, femme acariâtre, méchante, autoritaire" (DornaLyotGaga 1953 ; PlaineEpGaga 1998).
◆◆ commentaire. Emprunt au lang. carácou "nomades, bohémiens, gitans", lui-même d’origine inconnue (FEW 23, 118a ‘nomade’). Le terme est en usage essentiellement en Provence et en Languedoc oriental, avec
des ramifications dans la Loire et la Haute-Loire d’une part, en Dordogne et Gironde
d’autre part. Attesté en français de Provence dep. 1897 (« une caraque du Pont-du-Gard » A. Daudet, Le Trésor d’Arlatan, dans MichelDaudet), caraque est absent de Rob 1985 et TLF ; GLLF le donne seulement comme n. f. « dialect. », avec le sens erroné "fille de mauvaise vie" et l’ex. de Daudet.
◇◇ bibliographie. JoblotNîmes 1924 ; DornaLyotGaga 1953 ; NouvelAveyr 1978 ; DuclouxBordeaux 1980 ;
MédélicePrivas 1981 « courant et péjoratif » ; TuaillonRézRégion 1983 ; GononPoncins 1984 ; BouvierMars 1986 ; MartelProv 1988 ;
BlanchetProv 1991 ; CampsLanguedOr 1991 ; LangloisSète 1991 ; CouCévennes 1992 ; QuesnelPuy
1992 ; ArmanetBRhône 1993 ; FréchetMartVelay 1993 ; CovèsSète 1995 ; FréchetAnnonay
1995 ; MazodierAlès 1996 ; FréchetDrôme 1997 ; ArmKasMars 1998 « vieilli » ; MartelBoules 1998 ; BouisMars 1999.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I) Aude, Gard, Hérault, 100 % ; Lozère, 85 %.
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