petasser ou pétasser v. tr.
1. 〈Charente, Allier, Jura, Rhône, Loire, Drôme, Hautes-Alpes, Provence, Languedoc oriental
et occidental, Lozère, Ardèche, Auvergne, Limousin〉 fam. "raccommoder, ravauder ; coudre des morceaux de tissu sur les parties usagées d’un
vêtement pour le renforcer, rapiécer". « Pétasser » les vêtements (M. Fouriscot, La Dentellière, 1987, 53). Je vais petasser ce vieux pull-over (RobezMorez 1995).
1. Les habits on les profitait* longtemps, les femmes les raccommodaient, les « pétassaient » jusqu’à ce qu’ils tombent en ruine. (L. Chaleil, La Mémoire du village, 1989 [1977], 93.)
2. On le disait désordonné et même maladroit, parce que l’outil restait souvent là où
il l’avait planté la dernière fois qu’il s’en était servi, ou parce que ses genoux
plus d’une fois passaient par le trou de ses pantalons. Il s’en apercevait tout à
coup et les montrait aux femmes, mains ouvertes, d’un air de reproche :
– Vous ne pouvez pas me « petasser » des pantalons ? (M. Delpastre, Les Chemins creux, 1996 [1993], 322.) — Emploi abs. Ils reviennent de l’école tout déchirés, je n’en finis plus de petasser (GermiLucciGap 1985).
3. Ma pauvre mère et moi après avoir fermé le magasin à huit heures restions à tricoter
ou à petasser sous la lampe, des fois jusqu’à neuf heures et demie. (G. de Lanauve, Les Mémoires d’Anaïs Monribot, 1969, 44.)
4. Je me souviens de Lili, un petit garçon tout blond, tout frisé, l’air angélique, à
qui le curé avait demandé : « Qu’est-ce que la grâce ? » Il avait répondu : « La grâce est une femme qui “petasse” (qui raccommode, dans notre langue). » (Th. Bresson, Le Vent feuillaret. Une enfance ardéchoise, 1980, 36.)
5. Les petits […] sifflaient aux merles, tiraient les oreilles de la chienne et généralement
faisaient ce qu’ils pouvaient pour aider leur mère qui jardinait, cousait, lavait,
petassait, cuisinait […]. (Cl. Duneton, Le Diable sans porte, 1981, 37.)
— Au part. passé/adj. Un pantalon petassé (MédélicePrivas 1981).
6. Vêtu de ses brayes [v. brailles] de velours, petassées aux genoux, et d’un gilet de laine tricoté par sa Mariette, voici bien quinze ou
vingt ans, il a sa hotte d’osier où est un peu de fumier de lapin, avec ses outils
[…]. (L. Gachon, « La journée d’un vieux Royadère, autrefois », L’Auvergne littéraire 203, 1969, 39.)
7. Dès les premiers soleils ses joues se piquent de taches rousses, ses culottes encore
courtes sont petassées d’innommables étoffes. (G. Rey, La Montagne aux sabots, 1994, 109.)
V. encore s.v. brailles, ex. 2.
— En part. 〈Allier (sud-est)〉 vieilli "coudre, faire un vêtement ou un objet neuf, à partir de tissus récupérés".
8. – Ton père tarde, le Hieu. Depuis hier, je petasse une robe neuve avec un galon rouge pour sa belle cormuze…
– Ah, bien ? approuve Mathieu, surpris de ces travaux d’aiguilles, une housse pour cette cornemuse qui ne sert plus, reste sous clé dans un coffre. (G. Rey, Le Sac à musique, 1997, 188.) 2. 〈Bouches-du-Rhône, Hérault, Haute-Garonne (Toulouse), Aveyron, Lozère, Ardèche (Mariac),
Haute-Loire (Saugues), Puy-de-Dôme〉 fam. "réparer, raccommoder, boucher des trous en utilisant des matériaux appropriés".
9. « Quand on avait une paire de souliers tout troués, le cordonnier vous les pétassait [en note : réparait], et toi, tant que tes doigts de pied sortaient pas, tu étais vraiment
content. » (J.-P. Chabrol, La Cévenne par ses gens, 1976, 99-100.)
10. – Les fils ? Ils ont monté deux ateliers de bourrelerie. Ils ont un travail fou. […]
Je lui ai dit : « Alors, ils marchent mieux que toi qui devais aller “pétasser” les licols d’un mas à l’autre ? » (J. Durand, André Bouix, gardian de Camargue, 1980, 75-76.)
11. Pendant longtemps, le fils de Jeantou s’employait dans cette maison à « petasser » [en note : raccommoder] les casseroles, les assiettes, les parapluies, etc… Il était parti
tout jeune, sur les routes de France, apprendre le dur métier d’étameur et de raccommodeur
de faïences et de porcelaines. (E. Méallet, D’une fougère… à l’autre, 1992, 74.)
V. encore s.v. calade 2.
— Emploi adj. Route toute petassée (PotteAuvThiers 1993). Toit petassé (MoreuxRToulouse 2000).
— Emploi fig. se petasser v. pron. récipr. "s’arranger, se remettre d’accord (de deux personnes)". Ils se petassent (E. Coudert, Parlem, 1996/2, 5).
◆◆ commentaire. 1. est attesté au part. passé/adj. dep. 1412 en Saintonge : ii linceulx de lin de deux toiles et demie dont l’un est petacé, valant x souls (Registres de l’échevinage de St-Jean d’Angély, MussetAunSaint 1932). Peu attesté
en mfr. (D’Aubigné ; Cotgr 1611, FEW), le terme est absent des dictionnaires de français
général. Cet emprunt à aocc. petassar "rapiécer, raccommoder ; cheviller (des vers)" (Lv ; Pans) – dont les attestations sont assez tardives dans la lexicographie de l’ancien occitan –, ne subsiste plus guère dans les régions de l’Ouest (Anjou, Vendée) où il était encore
dialectalement attesté dans la première moitié du 20e siècle ; mais il est encore employé très largement dans la moitié méridionale de
la France. Même dans les aires où le terme est aujourd’hui d’usage courant (100% de
« connu » ou « employé » dans les enquêtes 1994-1996, en Languedoc, 70 % en Auvergne), son effacement est
prévisible, au sens de base (« le mot se perd avec l’habitude de raccommoder » GononPoncins) ; effacement renforcé par un recouvrement des emplois entre 1. et fr. rapetasser "repriser grossièrement", qui est senti lui-même comme un terme plutôt familier, qui occupe ainsi une partie
de la fonction sociale et sémantique de petasser dont les sens varient d’une localité à l’autre : "poser des pièces à un vêtement usagé ; repriser grossièrement (en utilisant ou non
une pièce de tissu) ; raccommoder plus ou moins bien", voire "coudre". L’emploi élargi 2. est très familier et concurrencé par les emplois correspondants de rapetasser. L’aire d’extension dialectale du type petassa qui déborde au nord de la Loire et au nord de Mâcon (Vendôme piétasser, Verdun) est plus vaste que l’aire d’extension du substantif (v. ALCe 799, ALLy 652,
ALLy V) si l’on exclut quelques formations dérivées qui ont pu se maintenir ponctuellement ;
par contre, fr. petasser – regroupé sur l’aire méridionale, mordant seulement sur l’Allier et le sud du Jura – est en retrait par rapport à l’usage dialectal. La connotation familière stabilise
l’usage de ce verbe qui ne donne pas d’indice significatif de vitalité propre. V. ici
petas*.
◇◇ bibliographie. FEW 8, 616 a, pittacium 2 ; DesgrToulouse 1766 et 1801 (sous ‘e pour a’) ; LagueunièreSéguier [ca 1770] "rapiécer" ; MolardLyon 1810 ; SaugerPrLim 1825 "raccommoder de vieilles hardes" ; PomierHLoire 1835 ; ConnyBourbR 1852 ; PuitspeluLyon 1894 ; Duchon, Grammaire et dictionnaire du patois bourbonnais (canton de Varennes), Moulins, 1904 ; VachetLyon 1907 ; VerrOnillAnjou 1908 ; Mâcon 1926 ; PrajouxRoanne
1934 ; MussetAunSaint 1938 (citant un texte de 1795) ; BaronRiveGier 1939 ; ParizotJarez
[1930-40] ; SéguyToulouse 1950 « t. péjoratif » ; PierdonPérigord 1971, 144 ; GagnonBourbonn 1972 ; BridotSioule 1977 ; Camps ColloqueLoches
1978, 38 ; NouvelAveyr 1978 "réparer" s.v. calade ; RLiR 42 (1978), 180 ; BretogneLivradois 1980, 22, dans la métalangue, s.v. argau ; BoninLangy 1981 "raccommoder" s.v. petas ; MédélicePrivas 1981 « très courant et péjoratif, n’est pas senti comme régional mais comme argotique » ; SabourinAubusson 1983 et 1998 ; ArnouxUpie 1984 "rapiécer (grossièrement)" « très employé par les témoins de 50 ans et plus au sens strict de "rapiécer", chez les plus jeunes, valeur expressive » ; GononPoncins 1984 ; MeunierForez 1984 ; GermiLucciGap 1985 « technique ; usuel » ; JaffeuxMoissat 1987 ; QuestThiers 1987 ; MartelProv 1988 ; DesrichardSouvigny 1989
« connu partout » ; MartinPilat 1989 « usuel à partir de 60 ans, en déclin au-dessous » ; BlanchetProv 1991 pédasser "repriser" ; CampsLanguedOr 1991 ; LangloisSète 1991 ; BoisgontierMidiPyr 1992 ; CouCévennes
1992 ; MazaMariac 1992 « appartient au français familier » ; VurpasMichelBeauj 1992 « connu au-dessus de 60 ans, en déclin rapide au-dessous » ; DubuissBonBerryB 1993 ; FréchetMartVelay 1993 « bien connu à partir de 20 ans, attesté au-dessous » ; PénardCharentes 1993 ; PotteAuvThiers 1993 ; VurpasLyonnais 1993 « attesté seulement au-dessus de 40 ans » ; PolverelLozère 1994 ; FréchetAnnonay 1995 ; RobezMorez 1995 « mot courant partout, mais plutôt sous la forme rapetasser » ; GermiChampsaur 1996 « concurrencé par remender "rapiécer" » ; E. Coudert, Parlem, 1996/2, 5 ; MazodierAlès 1996 ; FréchetDrôme 1997 « globalement bien connu » ; MichelRoanne 1998 « usuel au-dessus de 60 ans » ; enquête partielle Auvergne 1998 ; QuesnelPuy 1999 ; MoreuxRToulouse 2000.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Languedoc oriental et occidental, 100 % ; Cantal, Puy-de-Dôme,
80 % ; Corrèze, 55 % ; Haute-Loire, 50 % ; Creuse, Dordogne, 35 % ; Haute-Vienne,
30 %.
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