pibale n. f.
〈Surtout Côte et marais proches du littoral, de la Vendée aux Pyrénées-Atlantiques〉 usuel "alevin d’anguille, âgé de trois ans, qui migre depuis la mer des Sargasses et remonte
les fleuves et les rivières pour vivre en eau douce". Stand. civelle.
1. Plus de 200 t de pibales sont […] tirées de l’eau chaque année [dans la baie de l’Aiguillon-sur-Mer, Vendée]
durant les 2 ou 3 mois que dure la saison de pêche. […] elles sont en grande partie
(80 %) exportées vers l’Espagne et le Japon. (Science et Vie, n° 758, 1980, 94.)
2. Minuscules serpenteaux transparents, longs de quelques centimètres, les pibales donnent lieu à de délicieuses préparations culinaires régionales, très appréciées
des gourmets… (Pays et gens de France, n° 16, les Landes, 7 janvier 1982, 4.)
3. – Vous en avez mangé des pibales, déjà ?
– Souvent. Quand j’étais petite. Vous en vendez ? – A Arès ? Oh, non ! Ou alors quand la tête de l’amateur me revient vraiment. Autrement, tout part pour l’Espagne. Ils en raffolent des angulas, là-bas. Ils les paient plus cher que le caviar […]. Et il leur en faut pour leurs dimanches… Un kilo de pibales, cuisiné, ça ne fait jamais que six cents grammes. (M. Perrein, Les Cotonniers de Bassalane, 1984, 333.) 4. On pêche [à Bordeaux] des crevettes blanches, ou esquires, à l’embouchure de ses rivières
souterraines qui se jettent dans le fleuve, parfois des pibales. (J. Cayrol, Les Châtaignes, 1986, 69.)
5. Ma première visite à La Galupe tomba en pleine saison des pibales. Il y a trois ans, on m’avait parlé, d’un ton un peu blasé, d’un bistrot pas mal sur
les bords de l’Adour. Christian Parra servit de toutes jeunes anguilles à peine raidies
dans un peu d’huile chaude, avec de l’ail. Un pur délice. (La Bonne Cuisine, septembre 1996, 75.)
6. Traditionnellement au pays (la coutume se pratique toujours), les pibales sont ébouillantées dans une infusion de tabac brun (gris rustique) qui a pour but
de les purger ! (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Aquitaine, 1997, 295.)
7. […] j’allais les pêcher la nuit, les lendemains de clair de lune, les pibales, en essayant d’éviter le maître d’école, qui lui aussi pratiquait ce sport. (J.-P. Quélin,
Le Monde, 11 février 1998, 22.)
V. encore ici ex. 8.
— En alternance avec civelle.
8. Les pibales ou civelles sont des alevins d’anguilles dont la pêche, ouverte de la mi-novembre
au 1er avril dans les eaux de la Garonne et de la Dordogne, représente une activité lucrative.
Les pibales sont négociées autour de 400 francs le kilogramme. (Le Monde, 9 mars 1987, 20.)
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident.
9. Nés en plein océan dans la mer des Sargasses, les alevins d’anguilles, appelés « pibales » dans le Sud-Ouest et « civelles » ailleurs, traversent l’Atlantique et remontent les fleuves au printemps. On les pêche
par milliers dans l’estuaire de la Gironde et dans toutes les embouchures du littoral,
à bord de bateaux munis de haveneaux, sortes d’immenses épuisettes à mailles fines.
(Pays et gens de France, n° 15, la Gironde, 31 décembre 1981, 16.)
10. […] l’estuaire [de la Gironde], sanctuaire européen pour plusieurs espèces de poissons
migrateurs menacées de disparition comme le prestigieux esturgeon […], le saumon ou
l’alevin d’anguille, localement appelé pibale. (L’Oiseau magazine, n° 34, 1994, 38.)
V. encore ici s.v. pibaleur.
■ dérivés. pibaleur n. m. "pêcheur de pibales". « Armé d’un tamis, large épuisette à fines mailles et à manche, le “pibaleur” écume les bancs de jeunes anguilles, ou pibales*, qui, l’hiver venu, remontent le canal de Capbreton » (Pays et gens de France, n° 16, les Landes, 7 janvier 1982, 4). – BoisgontierAquit 1991.
◆◆ commentaire. Par extension de fr. région. pibale "larve de lamproie", terme d’origine inconnue, attesté dep. 1554 dans le français de Bordeaux (Rondelet,
v. TLF), ce sens n’est relevé que dep. 1861 à La Rochelle. Accueilli dans LarMén 1926
(DDL 14) et dans la lexicographie générale dep. Lar 1949 (piballe "un des noms vulgaires des jeunes anguilles, appelées aussi civelles"), le terme est enregistré dans les dictionnaires généraux contemporains avec des
indications diatopiques variables : GLLF « dialect. » ; Rob « région. (côte atlantique ; Charentes) » ; TLF « région. (côte atlantique, de Nantes à Bordeaux) » ; NPR 1993-2000 « région. (Côte atlantique) » ; Lar 2000 « région. (Ouest) ». L’origine du mot est inconnue et le rapprochement fait par Rob 1985 et NPR 1993-2000
avec le poitevin pibole "chalumeau" est infondé.
◇◇ bibliographie. LaRochelle 1861 ; MussetAunSaint 1938 ; GonthiéBordeaux 1979 ; DuclouxBordeaux 1980 ;
TuaillonRézRégion 1983 (Bordeaux, Vendée, Charente-Maritime) ; RézeauOuest 1984 et
1990 ; SuireBordeaux 1988 et 2000 ; BoisgontierAquit 1991 « régionalisme très vivant » ; ChaumardMontcaret 1992 ; FEW 21, 248a ‘anguille’.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Charente-Maritime, Gironde, Landes, Hautes-Pyrénées, Deux-Sèvres,
100 % ; Vienne, 80 % ; Charente, Vendée, 75 % ; Pyrénées-Atlantiques, 50 % ; Lot-et-Garonne,
20 % ; Gers, 20 %.
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