planèze n. f.
t. de géographie et 〈Auvergne〉 "plateau de lave triangulaire provenant de la dissection d’un édifice volcanique par
des vallées rayonnantes, et dont les formes prototypiques se trouvent dans les Monts
du Cantal".
1. Dans un nom propre de lieu : la Planèze ou la Planèze/planèze de Saint-Flour. En Planèze (Suzanne Robaglia, Margaridou. Journal et recettes d’une cuisinière en pays d’Auvergne, 1977, 18, 19, 54, 56). Sur la planèze (Annette Lauras-Pourrat, Guide de l’Auvergne mystérieuse, Paris, Tchou, 1973, 479 s.v. Saint-Flour).
1. Planèze de Salers au soleil de six heures : longues pentes nues et molles montant
vers les dents volcaniques : le soleil, plus que sur la planèze de Saint-Flour moins bien exposée, dore merveilleusement les couleurs du chaume sec […]. (J. Gracq,
Lettrines 2, 1990 [1974], 15.)
2. Mais, de même qu’entre toutes les planèzes cantaliennes, « la Planèze » ne saurait être que celle de Saint-Flour, « la Limagne », sans plus, c’est la Grande Limagne […]. (P. Bonnaud, « La Limagne, les Limagnes. Essai sur le cœur de l’Auvergne », Bizà Neïrà 56, 1987, 29.)
V. encore ici ex. 5.
2. Suivi d’un syntagme déterminatif la planèze de + nom de lieu.
3. […] les pâturages pentus, mouchetés de burons*, où estivent les troupeaux sur la planèze de Salers. (J. Gracq, La Forme d’une ville, 1985, 121.)
V. encore ici ex. 1.
3. En emploi libre. Le feutrage soyeux de la planèze inclinée par le vent (J. Gracq, Carnets du grand chemin, 1992, 81).
□ En emploi autonymique et métalinguistique.
4. Planèze. Mot auvergnat désignant un plateau de basalte limité par des vallées convergentes.
J’aime ces finales en ‑èze, ce suffixe aéré et chantant comme si le mot soudain prenait des ailes. (J. Lacarrière,
Chemin faisant, 1996, 193-194.)
— Pour référer à l’une ou à l’ensemble des planèzes des Monts du Cantal.
5. Vers le Sud-Est et l’Est les basaltes s’étendent largement pour former la planèze par excellence, celle de Saint-Flour, la Planitia du moyen âge. (Ph . Arbos, L’Auvergne, 1952, 4e éd., 166.)
6. […] l’un de ces burons* d’Auvergne poussé comme une taupinière sur la planèze. (A. Galan, Burons que le vent emporte, 1979, 14.)
7. Les trois Auvergnes de la géographie se partagent entre les terres de la lave, les
sols cristallins et les bassins sédimentaires. Le domaine de la lave, c’est tout le
massif cantalien avec, de part et d’autre, ses planèzes – celle de Salers à l’ouest et celle de Saint-Flour à l’est – mais c’est aussi tout
le Cézallier, les Monts-Dore et les Monts-Dôme. (A. Rigaudière, Saint-Flour, ville d’Auvergne au bas Moyen Âge. Étude d’histoire administrative et
financière, 1982, t. 1, 70.)
8. Tout à l’opposé, les planèzes basaltiques inférieures (autour de 700 m d’altitude), dont le [sic] plus vaste est celle de Mauriac-Pleaux, d’autres se rencontrant vers Champagnac
ou Arnac, ont été les bastions de la population autochtone […]. (P. Bonnaud, « À travers l’Auvergne. Excursions du cercle, saison 1993-1994 », Bizà Neïrà 88, 1995, 16.)
□ En emploi autonymique, avec majuscule initiale.
9. Mais le plus souvent les brèches et les conglomérats sont encore recouverts des laves
épanchées à leur surface, notamment du basalte émis par les dernières éruptions qui
a revêtu d’un caramel le gâteau volcanique ; en ce cas, la dissection est beaucoup
moins poussée, les vallées plus rares, les surfaces planes plus largement étendues
et moins ravinées : c’est le paysage connu sous le nom de Planèze et que les paysans appellent « la Plaine ». (Ph. Arbos, L’Auvergne, 1952, 4e éd., 166.)
□ En contexte métalinguistique.
10. […] une nappe de basalte formant plateau, la « planèze », ou, mieux, les planèzes, car il y en a plusieurs : à Salers, à Trizac, à Pierrefort. Mais celle de Saint-Flour,
qui couvre une surface de 300 km2, se doit de porter une majuscule ! (Pays et gens de France, n° 19, le Cantal, 28 janvier 1982, 1.)
— Pour référer à d’autres formes du relief, dans le Massif Central.
11. Longue traînée volcanique bordée à l’ouest par les monts basaltiques du Velay et à
l’est par le massif cristallin des Boutières, le Mézenc offre l’image d’une vaste
planèze dénudée, parsemée de quelques fermes basses au toit de chaume. (Pays et gens de France, n° 22, la Haute-Loire, 18 février 1982, 1.)
◆◆ commentaire. 1. Issu d’aocc. planeza "plaine" (Rn ; Lv ; DAO 163) ou plutôt de son antécédent prélittéraire ou de lat. vulg. *planitia "surface plane", ce choronyme, qui désigne un haut plateau de la région de Saint-Flour (Cantal),
est attesté dep. ca 945-ca 985 (Planicia ; original, Arch. départ. du Puy-de-Dôme, 3 G, arm. 18, sac A, c. 3) ; 994-1049 (Planitia ; H. Doniol, Cartulaire de Sauxillanges, Clermont-Ferrand/Paris, n° 144 ; Planetia, ibid., n° 441) ; 11e s. (Planicia ; G. Desjardins, Cartulaire de l’abbaye de Conques en Rouergue, Paris, 1879, n° 2661) ; v. encore É. Amé, Dictionnaire topographique du département du Cantal, Paris, 1897, s.v., qui documente l’usage français dep. 1697 (Planez [sic], v. TLF) et 1757 (la Planaize). 2. et 3. Selon un processus assez courant, la langue des géographes a extrait un déonomastique
du nom propre de région dont le référent était considéré comme prototypique. Appliqué
aux reliefs similaires des Monts du Cantal dans des emplois techniques, quasi-toponymiques,
mais non traditionnels (2) – d’où, en retour, les graphies de 1 avec minuscule et le syntagme planèze/Planèze de Saint-Flour –, planèze est devenu un pur appellatif (mais v. cependant l’ex. 9 avec majuscule manifestant
encore l’attache avec le choronyme) dans la terminologie géomorphologique (3) ; du fait de la formation universitaire de l’auteur, l’usage littéraire de J. Gracq
(ci-dessus, notamment ex. 1 et 3) se rattache à cette tradition. Le passage du nom
de région au sens technique de géographie physique générale semble s’opérer, au début
du 20e siècle, sous la plume du maître de la discipline, Emmanuel de Martonne : « Les coulées de lave […] forment des plateaux découpés par de profondes vallées divergentes.
Ces plateaux sont appelés planèzes, nom commun qui mérite d’être retenu pour désigner les mesas volcaniques assez inclinées
et de forme triangulaire dont le sommet est situé du côté de l’ancien cratère » (Traité de géographie physique, Paris, 1908, 529). Auparavant, le mot était apparu fugacement (de quelle source ?)
dans la lexicographie générale dès Boiste 1834 (« contrée étendue, sommet, plate-forme d’une chaîne de montagnes, en Auvergne [sic] »), repris par Land 1836, mais il était resté inconnu de Besch 1845 comme de Littré,
et Lar 1874-1932 ne l’accueillirent qu’en tant que nom propre. Reçu sans marque par
certains dictionnaires contemporains (dep. Lar 1949 ; GLLF ; Lar 2000), il est noté
« géogr. ou régional » par RobSuppl 1970, Rob 1985 et NPR 1993-2000, ou, mieux, comme « région. (Auvergne), géomorphol. » par TLF. Diffusé à l’échelon régional par les publications géographiques (appliqué
à des formes du Cézallier dans L. Gachon, Les Limagnes du Sud et leurs bordures montagneuses, Tours, Mame, 1939 [Marseille, Laffitte reprints], 323, 324, 325, « une des plus hautes planèzes du Cézallier », 326), par l’enseignement et la littérature régionaliste (dès 1933 chez Malègue,
v. TLF) et touristique, planèze peut aujourd’hui se définir, l’usage choronymique traditionnel mis à part, comme
un arvernisme de fréquence d’origine académique.
◇◇ bibliographie. Ø GebhardtOkzLehngut 1974 ; Pierre Georges (dir.), Dictionnaire de géographie, Paris, PUF, 1974 ; FEW 9, 18b, planitia.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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