pogne n. f.
1. 〈Surtout Drôme, Ardèche〉 usuel "brioche en forme de couronne, parfumée à l’eau de fleur d’oranger, de couleur dorée,
recouverte ou non de sucre glace, et dont le poids varie entre 500 g et 5 kg". À la fin du souper* on a tiré la pogne des Rois (L. Fénix, Histoire passionnante de la vie d’un petit ramoneur savoyard, 1978 [av. 1958], 164).
1. […] dans mon enfance, les boulangers de Saint-Félicien [Ardèche] et de bien d’autres
villages vivarois sans doute, offraient à leurs bons clients un gâteau des Rois qui était en l’occurrence une pogne : l’intérieur de la couronne était plein et recouvert d’une épaisse glace de sucre,
le tout saupoudré de nonpareille d’un rouge vif. (Ch. Forot, M. Carlat, Le Feu sous la cendre, 1979, t. 1, 324.)
2. […] les femmes, à la maison, pétrissaient d’énormes « pognes » de trois ou quatre kilos qu’elles portaient, sur des charrettes à bras, au four du
boulanger, couvertes de grandes serviettes blanches. Elles se déplaçaient dans une
odeur de marc et d’eau de fleur d’oranger, enveloppées d’un essaim d’enfants qui,
sous prétexte de pousser, accrochés aux ridelles, plongeaient un doigt gourmand dans
la pâte onctueuse. (Th. Bresson, Le Vent feuillaret. Une enfance ardéchoise, 1980, 47.)
3. Un dimanche sans pogne, à Romans, ça n’a pas le goût d’un vrai dimanche. On en fait une petite collation
arrosée de clairette de Die ou on décide qu’elle remplacera les croissants du petit
déjeuner. Réussie, c’est une couronne légère et moëlleuse [sic], peu sucrée et parfumée à la fleur d’oranger. (É. de Meurville & M. Creignou, Le Guide des gourmands 1991, 1990, 332.)
4. DUCROS, boulangerie, pâtisserie, confiserie, pognes, suisses* (Devanture de la maison Ducros à Valence, en 1992.)
5. C’est toujours un petit coin de Drôme que l’on a dans ses bagages lorsqu’on emporte
une pogne. Celui qui la déguste, où qu’il soit, croit toujours retrouver en elle un peu de la
saveur, des contrastes, des arômes et des lumières de la Drôme. (B. Gougeon, La Pogne, 1994, 100.)
6. ROMANS / Fête de la pogne et de la raviole. (La Drôme. Magazine du conseil général, n° 17, juillet-août-septembre 1996, encart n. p.)
7. Boulangerie-Pâtisserie du Pont Chevalier / […] Spécialités de Pognes […] / 45 rue de Tournon, 07100 Annonay. (Prospectus du 20 avril 1997, distribué à
Annonay.)
8. Les conscrits remercient les Villevocançoises et Villevocançois [= habitants de Villevocance,
Ardèche] qui ont participé à la vogue*. Ils les remercient aussi pour le bon accueil qu’ils leur ont réservé pour la vente
des pognes le samedi et le dimanche. (« C’était la fête au village », Réveil du Vivarais et de la Vallée du Rhône, 18 juillet 1997, 10.)
V. encore s.v. fougasse, ex. 2 ; suisse, ex. 6-7.
■ encyclopédie. « À Privas, il n’y a pas si longtemps, on mangeait surtout la pogne pour les rois ; aujourd’hui, on en trouve toujours en pâtisserie » (MédélicePrivas 1981). Voir B. Gougeon, La Pogne, Die, 1994, et L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Rhône-Alpes, 1995, 115-117 et 550-551.
— 〈Lyon〉 "brioche en forme de couronne, de couleur dorée, dont le pourtour est parfois ciselé
en dents de loup et qui contient parfois des pralines concassées mêlées à la pâte". J’ai acheté une pogne chez le boulanger (VurpasLyonnais 1993).
2. 〈Haute-Savoie, Savoie, Isère〉 moins usuel "abaisse de pâte levée, recouverte d’une garniture de divers ingrédients, fruits ou
légumes, et constituant, selon les cas, une entrée ou un dessert".
9. L’originalité des pognes matheysines [= du canton de la Mure (Isère)] réside surtout en ce qu’elles constituent
très souvent des entrées salées. (DucMure 1990, 137.)
10. La pogne n’est pas la même partout. La plus célèbre est celle de Romans, différente dans ses
proportions de celles de Valence et du Royans. Simplement parfumée dans la Drôme,
la pogne traditionnelle de l’Isère est plutôt salée, à la courge ou aux épinards, ou fourrée
de pruneaux comme en Dévoluy, ou de crème pâtissière, comme la pogne de Matheysine, proche de celle du Royans. (A. d’Arces, A. Vallentin du Cheylard,
Cuisine du Dauphiné de A à Z, 1997, 107.)
V. encore ici ex. 11.
□ En emploi métalinguistique.
11. Les pognes sont des sortes de tartes que l’on recouvre de pruneaux, de béchamel, d’épinards,
de courge, etc. […]. Certaines familles réalisent des pognes de « tchichiassi », pognes d’herbes ou d’épinards sauvages, de « taillons » [= dés (de pommes de terre)], pommes de terre et lardons, d’ « amandine » avec déchets de biscuits, ou même des pognes de « rien » appelées aussi « pogne du soldat », au sucre et au beurre. (B. de La Fayolle, dir., Le Pays de La Mure, cœur du Dauphiné, 1987, 191.)
◆◆ commentaire. Type lexical caractéristique et typique d’une aire qui s’étend de l’est de la Nièvre
aux Savoies, à l’Isère et à la Drôme, à l’intérieur de laquelle il désigne un produit
dérivé du pain (ainsi "fouace", ALMC 1128). Le mot est attesté dans le français de la Drôme dep. 1557 (« pognes, filloles, gasteaux et bugnes », cité par A. Lacroix, « Notice historique de Saint-Paul-lès-Romans » dans Bull. de la Soc. départ. d’archéol. et de statist. de la Drôme 3, 1868, 46, v. HöflerRézArtCulin). Emprunt au frpr. de même sens, attesté en 1525
sous la variante primitive espongne (Gdf), issue de lat. spongia "pain de consistance molle" ; le rattachement à fr. pogne ("quantité de pâte qui tient dans la main" < "main") est une étymologie populaire chère aux autochtones (v. B. Gougeon, op. cit., 21), parfois relayée par certains dictionnaires (Rob 1985). La lexicographie générale
est très en recul par rapport à l’usage du mot, que seuls accueillent GLLF ("pâtisserie dauphinoise…") et Rob 1985 (avec la vague mention « régional », sans exemple).
◇◇ bibliographie. OffnerGrenoble 1894 ; PuitspeluLyon 1894 ; PuitspeluLyonSuppl 1897 ; VachetLyon 1907 ;
Mâcon 1926 "petit pain fait avec le reste et les râclures de la pâte d’une fournée" ; MiègeLyon 1937 ; LarGastr 1938 pogne de Romans ; JamotChaponost 1975, 59 ; RLiR 42 (1978), 188 (Ardèche, Drôme, Isère, Lyon) ; MédélicePrivas
1981 « très courant » ; DucMure 1990 ; CouCévennes 1992 « La pogne se savoure comme un gâteau des rois, ou le matin trempée dans le café » ; BlancVilleneuveM 1993 « usuel » ; GagnySavoie, 1993 ; VurpasLyonnais 1993 « usuel » ; FréchetAnnonay 1995 « usuel » ; SalmonLyon 1995 ; FréchetDrôme 1997 « usuel » ; HöflerRézArtCulin ; FréchetMartAin 1998 « emprunté à Lyon et à la vallée du Rhône » ; FEW 12, 207b-208a, spongia.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (sens confondus) Ardèche, Drôme, Isère, Rhône, 100 % ; Ain,
65 % ; Loire, 60 % ; Haute-Loire (Velay), 0 %.
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