sabodet n. m.
〈Ain, Rhône, Isère〉 usuel "saucisson à cuire, à base de tête de porc et de couenne, que l’on consomme généralement
chaud, en tranches épaisses".
1. Bobosse d’Amorge [= René Besson, charcutier à Saint-Jean-d’Ardières, Rhône], roi du
sabodet, est marchand de bon cochon. Le sabodet dont il se glorifie est un saucisson de couenne qu’on mange chaud le jour de la Saint-Cochon.
(F. Deschamps, Croque en bouche, 1980 [1976], 46].)
2. Traditionnellement fabriqué lors de l’abattage du porc, le sabodet est aujourd’hui préparé toute l’année par la majorité des charcutiers de la région
qui en produisent environ 15 kg par semaine chacun. […] Le sabodet est un saucisson composé de couennes, de tête et de chair de porc. Il est embossé
en boyau de porc large, et ficelé de façon à ressembler au sabot de l’animal, d’où
son nom. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Rhône-Alpes, 1995, 215 et 523.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident ou dans un énoncé définitoire ordinaire.
3. […] le sabodet bas dauphinois, saucisson en forme de sabot renfermant des abats et des couennes
de porc […]. (Pays et gens de France, n° 47, l’Isère, 16 septembre 1982, 20.)
4. Bobosse, le roi du sauciflard, le Dieu du jésus* […]. Je devais lui demander la recette exacte du sabodet, qui est un rarissime saucisson de couenne et de tête de porc, mitonné – à ce que
j’en savais – avec une réduction de vin liée à la crème et au sang. (P.-M. Doutrelant,
La Bonne Cuisine et les autres, 1986, 112.)
5. Célébrité de la cochonnaille lyonnaise, le sabodet est un gros saucisson à cuire fabriqué à partir de la tête de porc (y compris la
langue), de couennes et de viandes non dégraissées et généreusement baptisées à la
gnole et au vin rouge. À consommer à table, en grosses tranches bien épaisses, ou
au zinc, à l’apéro, coupé en petits cubes. (G. Gambier, Les Grands Succès de la cuisine lyonnaise, 1998, 16.)
V. encore ici ex. 2 ; s.v. buclage, ex.
□ En emploi autonymique.
6. Sabodet, le mot vient de « sabot » parce que, autrefois, c’était, à Lyon, la forme de ce saucisson fait de tête et de
langue de porc, couennes et chair de porc non dégraissées. (Le Monde sans visa, 16 septembre 1989, 17.)
■ encyclopédie. V. L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Rhône-Alpes, 1995, 215.
◆◆ commentaire. Relevé avant 1956 (très probablement entre les deux guerres) dans le parler francoprovençal
de Loyettes (Ain) au sens d’andouille ([sabɔdɛ] DuraffGloss, § 8273), puis en français dans le sens décrit ci-dessus dep. 1962 (« Le saucisson chaud en forme de sabot (le sabodet), où entrent aussi hure et couenne, est une merveille », Dictionnaire de l’Académie des gastronomes dans HöflerRézArtCulin), sabodet est un type lexical de la proche région de Lyon. Absent de la lexicographie générale,
il l’est également des glossaires du français régional. Malgré une étymologie populaire
répandue (ci-dessus ex. 2, 3 et 6), il s’agit certainement d’un composé dont le premier
terme est ⌈ sa(c) ⌉, désignant l’enveloppe de la préparation (et, par métonymie, le saucisson lui-même
en français régional, cf. ALLy 230, titre et commentaire). Le mot entre dans un riche
paradigme de synonymes dialectaux en sa(c) dont les seconds termes sont souvent passablement obscurs (ALLy 5, 244). Le second
constituant ‑bodet relève très probablement du type ⌈ bodet ⌉, sans doute pris dans le sens de "boudin" qu’il possède dans le parler de Mogneneins (Ain) (ALLy 330 pt 18, cf. ALLy t. 5,
244). Dans cette hypothèse, le composé asyndétique (littéral. "sac (à) boudin") aurait, par une métonymie récurrente dans ce champ lexical, désigné tout d’abord
une préparation à base de boudin, secondairement une andouille ou un saucisson à base
de tête de porc et de couenne. Quoi qu’il en soit exactement, dans la mesure où, dans
ses diverses acceptions, le type ⌈ bodet ⌉, sans racines étymologiques en français, paraît étroitement localisé dans le sud-est
de l’Ain, essentiellement dans les parlers dialectaux (ALLy 330 "saucisson fait dans le rectum" pt 18 = Mogneneins [aussi "boudin"] et altéré pt 8, 9 = Replonges et Grièges ; Versailleux "dernier saucisson qu’on fait et qui est le plus gros" Egloff 137), avec un seul reflet en français local des Dombes (bodé "saucisson fait dans le gos boyau" FréchetAin 1998), on pensera que le composé sabodet a été formé dans les patois de cette zone. Comme le mot est, en outre, attesté d’abord
dans un parler du sud-est de l’Ain, on pensera que c’est à ces parlers que le français
l’a emprunté avant de lui donner une diffusion plus large.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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