salle n. f.
〈Surtout Somme (Amiens), Normandie, Haute Bretagne, Bourgogne, Meuse, Ardennes〉 usuel
1. "pièce principale d’une habitation, notamment salle à manger, salle de séjour".
1. La maison était divisée en deux par le corridor. D’un côté, mon père avait dans son
étude et dans son bureau des poêles en fonte […]. De l’autre, dans la « salle », se trouvait un poêle à bois, en faïence, muni de tuyaux compliqués […], qui n’emportaient
en dehors la bonne chaleur qu’après un long trajet bienfaisant. (P. Gaxotte, Mon Village et moi, 1968, 17.)
2. La table était servie dans la salle. On passa s’asseoir. Par politesse, je plaçai la Parisienne à côté de moi. […] Nos
gens avaient l’air de bien se régaler… (R. Dubos, Histoires normandes, 1978, 56.)
3. J’arrivais chez moi avec une heure de retard. Hélène m’attendait […] penchée à la
fenêtre, affolée, pensant que je venais d’avoir un accident. Elle ne me reconnut pas.
Lorsque j’entrai dans la salle et qu’elle me vit ainsi accoutré – je ne l’oublierai jamais – elle ouvrit la bouche,
lâcha l’assiette qu’elle était en train d’essuyer, et resta pétrifiée. (H. Vincenot,
Mémoires d’un enfant du rail, 1981 [1980], 337.)
4. « […] si on reste à la maison, on est toujours en train… Une semaine ça va être les
vitres de la salle, la semaine après, ça va être à la chambre. » (Femme de mineur, 1981, dans Ph. Lucas, La Rumeur minière ou le travail retravaillé, 1985, 119-120.)
5. « la pièce de la cheminée / c’était la pièce principale / aujourd’hui on fait plus [= davantage]
usage de la salle » (Témoignage, dans SchortzSenneville 1998, 123.)
V. encore s.v. galette, ex. 9.
□ En contexte métalinguistique.
6. Marcel venait me rejoindre dans notre cuisine, car on n’entrait dans la salle à manger
que pour les repas cérémoniels familiaux, quatre ou cinq fois par an, le reste du
temps les meubles de cette « salle » étaient recouverts d’une housse que l’on enlevait bien vite lorsqu’on recevait la
visite inopinée, et combien rare, de personnages plus élevés en grade que mon père.
(H. Vincenot, Mémoire d’un enfant du rail, 1981 [1980], 162.)
7. Chez nous, comme ailleurs, la salle à manger ne laisse entrer que la lumière du jour,
les rayons du soleil et les gens en chapeau. […] La table à rallonges, les chaises
en cuir, la cheminée et la pendule en marbre, les deux allégories en cuivre comptent
peu à côté d’un chef-d’œuvre, un buffet nommé l’Henri Deux. C’est à lui et à lui seul que la salle à manger doit son abréviatif immensément royal :
la salle. (Y. Hureaux, Bille de chêne, 1996, 26.)
2. Par méton. "mobilier d’une salle à manger". Elle a racheté une salle (BrasseurNorm 1990). Vend buffet de salle, moderne. 400 F (L’Hebdo 71, 15 octobre 1991, dans ValMontceau 1997).
◆◆ commentaire. S’inscrivant dans la continuité sémantique d’afr. sale "dans un château, vaste pièce où l’on reçoit" (dep. ca 1100, Chanson de Roland, FEW), 1 a été utilisé en français général jusqu’à l’époque classique (Cayrou), ses substituts
actuels dans le français de France étant, soit déjà ancien comme salle à manger (dep. 1636, Monet)a, soit récent comme salle de séjour (dep. Camus 1955, TLF) ; il s’est prolongé jusqu’au 20e siècle dans le français populaire de Paris (BauchePop 1920-1951). Les dictionnaires
généraux contemporains donnent ce sens comme « régional, rural » (Rob 1985, sans exemple) ou « vieilli ou région. » (TLF, avec exemples de Flaubert, Giono, Pourrat et Bosco) ; mais ces indications
peuvent être précisées, les aires de maintien de cet archaïsme étant principalement
aujourd’hui diverses aires périphériques de la moitié nord de la France – où des jalons intéressants témoignent d’une longue tradition dans le français de Normandie
(1558, Gouberville, FEW), de Touraine et régions voisinesb et de Picardie (1770 "pièce où l’on reçoit, pièce d’apparat", DebrieMoyPic) –, mais aussi de Belgique (PohlBelg 1950) et çà et là en Amérique du Nord : Saint-Pierre-et-Miquelon
(DéribleSPM 1986) et Louisiane (GrioletLouisiane 1986).
a Déjà en 1532 « Vne sale a boire & manger » (M. Cordier, Maturini Corderii de corrupti sermonis emendatione, éd. 1539, 369 ; comm. de P. Enckell).
b « Au rez-de-chaussée de la maison, la pièce la plus considérable était une salle dont
l’entrée se trouvait sous la voûte de la porte cochère. Peu de personnes connaissent
l’importance d’une salle dans les petites villes de l’Anjou, de la Touraine et du
Berry. La salle est à la fois l’antichambre, le salon, le cabinet, le boudoir, la
salle à manger ; elle est le théâtre de la vie domestique, le foyer commun […] » (H. de Balzac, Eugénie Grandet, 1833, Frantext).
◇◇ bibliographie. BarbeLouviers 1907 ; EmrikAmiens 1958 ; TuaillonRézRégion 1983 (Normandie) ; LepelleyBasseNorm
1989 ; BrasseurNorm 1990 ; LepelleyNormandie 1993 ; ValMontceau 1997 « très vivant » ; BlanWalHBret 1999 « usuel à très fréquent, partout » ; SchortzSenneville 1998 ; FEW 17, 8b, *sal.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Basse-Normandie, 95 %.
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