sort n. m.
〈Provence.〉
1. coquin* de sort !
2. bon sort ! fam. "(juron)".
1. […] chacun son droit de risquer sa peau. Mais nous, bon sort, manger du veau froid, du thon, une salade de tomates, sous les pins, c’est pas permis ?
(M. Raphaël, Feu et flammes, 1953, 163.)
3. pétard de sort ! fam. "(juron)".
2. – Pétard de sort ! […]. Tiens, fais-les un peu disparaître ceux-là… Oh, pute* borgne ! Il y en a encore derrière. (H.-Fr. Blanc, Jeu de massacre, 1993 [1991], 132.)
4. putain de sort ! pop. "(juron)".
3. Trois vaches gisent sur l’herbe, foudroyées […].
– Quelle perte, dit le Lucien ; trois belles laitières, putain de sort ! (J. Jaussely, Deux saisons en paradis, 1979, 109.) 4. « En somme, dit-il, j’ai failli mourir idiot… […] Putain de sort ! » (Y. Audouard, La Clémence d’Auguste, 1986 [1985], 35.)
□ En emploi autonymique. Voir s.v. boudiou, ex. 12.
5. voleur de sort ! pop. "(juron)".
5. Les beaux dimanches, voleur de sort, Suzanne a raison au fond, on ferait mieux de rester chez soi, le nez entre les toiles
[= draps] à ne rien faire, dormir jusqu’au lundi matin. (M. Raphaël, Feu et flammes, 1953, 137.)
6. Voleur de sort ! s’écrie-t-il, vous avez vu ce que je vois ? (Y. Audouard, La Clémence d’Auguste, 1986 [1985], 160.)
◆◆ commentaire. Le paradigme des jurons traditionnels subst. + de sort en français de Provence est assez fourni : monstre de sort (1872 Daudet, MichelDaudet), nom de sort (1890 « Oh ! sacré nom de sort ! » Fr. Mistral, Almanach provençal, dans Gens de Provence, Paris, 1997, 271), brigand de sort (1908 J. Aicard, Maurin des Maures, ibid., 594), sans oublier coquin* de sorta. Si la Provence n’a pas l’exclusivité de ce type de lexies (bon sang de sort Courteline, TLF ; bon sang de bon sort Aragon, Rob 1985 ; nom de sort Suisse romande, FEW ; putain de sort GLLF, sans ex., mais Aragon 1936 et Céline 1936, dans Frantext), il reste qu’elles y connaissent dans la seconde moitié du 20e siècle un usage plus courant que dans le reste de la France, notamment sous les formes
ici analysées bon sort, pétard de sort (dep. 1884, DDL 17), putain de sort, voleur de sort, ce que ne mentionnent pas les dictionnaires généraux contemporains. Dans ce paradigme,
sort "puissance imaginaire à laquelle est prêté le pouvoir de présider au destin des hommes" est un euphémisme qui évite de prononcer Dieu.
a La plus ancienne lexie subst. + de sort (dans un juron) apparaît au 17e siècle : « Par la teste du sort, vous estes de grands ignorants […] » (Ch. Sorel, Histoire comique de Francion, 1623, éd. Y. Giraud, 241 ; comm. de P. Enckell). Pour des jurons de ce type en occitan,
cf. Rudolf Zöckler, Die Beteuerungsformeln im Franzözischen, Berlin, v. Wilhem Gronau, 1905, 23 : bastard, bregand, capoun, couquin, monstre, gus de sort.
◇◇ bibliographie. Aj. à FEW 12, 120a, sors auprès de nom de sort "sorte de juron" (dep. 1903 en Suisse romande, dans Pierreh).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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