tavan, tavin, taveux n. m.
rural, vieillissant "grosse mouche piqueuse et suceuse (famille des tabanidés), dont la femelle se nourrit du sang des animaux et de l’homme". Stand. taon.
1. 〈Doubs, Jura, Haute-Savoie, Savoie, Ain, Rhône (Beaujolais), Loire (Poncins, Roanne),
Isère, Drôme, Hautes-Alpes (Gap), Provence, Ardèche〉 tavan.
1. Il secoua la tête comme pour chasser un tavan. (Y. Audouard, Les Cigales d’avant la nuit, 1988, 14.)
□ En emploi métalinguistique.
2. Si les Savoyards et d’autres, des Dauphinois par exemple, restent fidèles à la forme
tavan, malgré les moqueries des bien-disants, c’est tout simplement parce que le monosyllabe
français [standard] est mal commode […]. (G. Tuaillon, « Survivances du patois savoyard », 1983, 17.)
— Par métaph. ou au fig. 〈Provence, Ardèche (Mariac)〉 "importun (stand. fam. emmerdeur) ; bavard". C’est un vrai tavan, tu peux pas en placer une (MazaMariac 1992).
● faire le tavan (à qqn) loc. verb. "importuner".
3. […] y a un nommé Duprat qui nous a fait le tavan tout le jour [= toute la journée] hier. (R. Merle, Treize reste raide, 1997, 156.)
● tavan merdassié loc. nom. m. "personne particulièrement importune". Stand. fam. emmerdeur.
4. Mon père, il était brave* peuchère*. Il aurait pas fait de mal à une mouche. […]. Mais elle [ma mère] avait un caractère !
Un vrai tavan merdassié. (R. Bouvier, Tresse d’aïet, ma mère, 1997 [av. 1992], 33.)
■ variantes. (avec forme stand. du suffixe) 〈Rhône, Loire (Pilat), Isère, Drôme〉 tavon. – MartinPilat 1989 « usuel à partir de 20 ans » ; DucMure 1990 ; VurpasLyonnais 1993 « peu attesté » ; CottetLyon 1996, 208 « Les agriculteurs autour de chez moi ne disent jamais autrement ».
2. 〈Doubs, Saône-et-Loire, Côte-d’Or, Haute-Saône〉 tavin/tavain.
5. Si une guêpe ou un tavin me piquait, elle [l’arrière-grand-mère] choisissait trois herbes différentes, les
écrasait dans ses mains et frottait la piqûre […]. (H. Vincenot, La Billebaude, 1978, 60.)
6. […] trois grosses vaches blanches et rousses étaient couchées, dans la laiche, au
bord d’une rangée de joncs. Battant l’air de leur queue, secouant violemment la tête,
tout en ruminant, elles se débattaient avec les tavins […]. (P. Arnoux, Les Loups de la Mal’Côte, 1991, 248-249.)
7. Les tavins agressaient les peaux claires et nues et y laissaient de douloureuses cloques. (M. Dussauze,
Le Pont du lac Saint-Point, 1995, 150.)
□ Dans un commentaire métalinguistique incident.
8. Vers 16 heures, 16 heures trente, c’était la pause ; le moment était attendu et bienvenu.
C’était le repos également pour les attelages qu’il fallait mettre à l’ombre, les
chevaux nous gâchant parfois ce temps de répit lorsqu’ils étaient dévorés par les
taons (tavins). (P. Gardot et S. Mandret, Hugier, d’une guerre à l’autre, 1999, 128.)
3. 〈Haute-Saône (est)〉 spor. taveux. Brusquement, comme si mille taveux l’avaient piqué (R. Begeot, « Le lièvre de Banban », dans R. Begeot et al. Contes comtois des rois René, 1978, 155.)
9. Malgré le « tue-mouche » noirâtre et malodorant dont nous l’avions copieusement zébré [le cheval] à l’aide
d’une plume d’oie, les taons ou « taveux » et les mouches noires tourbillonnaient autour de lui […]. (J. Reyboz, Douceur d’automne, 1984, 90.)
◆◆ commentaire. Emprunté à un type lexical occitan et frpr. (dep. Marcabru, Rn dans FEW), tavan est attesté dep. le 16e siècle dans le français de Suisse romande (« Les toyles des yraignes desquelles parle Anacharsis [ne retiennent point] les groz
bourdons et tavantz, bien qu’elles arrestent bien les petites mouches » Advis et devis de l’ancienne police de Geneve, éd. par Fr. Bonivard, Genève, 1865, dans Pierreh) et ca 1750 dans le français de Lyon (« un tavan, une grosse mouche dont la piqueure fait enfler la peau » DuPineau). Il est surtout implanté dans une aire compacte du Sud-Est. Les autres
formes, elles aussi empruntées aux variétés dialectales, sont attestées plus récemment
(taivain dep. 1822 Mulson ; taveux dep. 1978, R. Begeot, v. supra) et seulement au nord de l’aire de tavan. Cette diversité porte les stigmates de la dépendance du mot par rapport aux patois :
le référent n’ayant aucune importance dans les échanges (à la différence de velle*, par exemple), il n’y a donc pas d’action unificatrice. La loc. fig. tavan merdassié est un transfert du pr. de même forme, littéral. "scarabée, fouille-merde" (dep. AchardMars 1785), où l’on retrouve la même métaphore que dans fr. fam. fouille-merde. Toutes ces formes sont absentes des dictionnaires généraux du français.
◇◇ bibliographie. DuPineauV [ca 1750] tavan ; RollandGap 1810 tavan ; MulsonLangres 1822 taivin ; MonnierJura 1824 tavan, tavain ; MonnierDoubs 1859 tavain, tavan ; ContejeanMontbéliard 1876 taivan, tavan ; BeauquierDoubs 1881 tavin ; CunissetDijon 1889 tavin ; PuitspeluLyon 1894 tavan ; FertiaultVerdChal 1896 tavin ; GuilleLouhans 1894-1902 tavin ; RobRemiremont 1911 tavon ; JoblotNîmes 1924 tavan et tavans merdanciers pl. ; CollinetPontarlier 1925 tavin ; Mâcon 1926 tavan ; BoillotGrCombe 1929 tavan ; BrunMars 1931 tavan ; FleischJonvelle 1951 tavin ; DuprazSaxel 1975 tavan ; GrandMignovillard 1977 tavan ; RLiR 42 (1978), 185 tavan (Ardèche, Isère, Savoie) ; BichetRougemont 1979 tavin ; ManteIseron 1980 tavan ; MédélicePrivas 1981 tavan « terme rural un peu vieilli ; on l’utilise encore, mais de moins en moins » ; RouffiangeMagny 1983 tavain « très usuel » ; TuaillonVourey 1983 tavan ; GononPoncins 1984 tavan « seul mot connu de tous » ; MeunierForez 1984 tavan ; GermiLucciGap 1985 tavan « usuel » ; BouvierMars 1986 tavan ; DuraffHJura 1986 tavent « très usuel » ; BlanchetProv 1991 tavan ; DromardDoubs 1991 et 1997 tavan, tavin ; TavBourg 1991 tavain ; TrouttetHDoubs 1991 tavan ; ColinParlComt 1992 taveux ou tavin. MazaMariac 1992 tavan ; VurpasMichelBeauj 1992 tavan « bien connu au-dessus de 40 ans, en déclin rapide au-dessous » ; BlancVilleneuveM 1993 tavan « usuel » ; GagnySavoie 1993 tavan « partout ; usuel » ; ValThônes 1993 tavan « expression patoise » ; VurpasLyonnais 1993 tavon, tavan « peu attesté » ; RobezMorez 1995 tavan « employé assez souvent » ; SalmonLyon 1995 tavan ; GermiChampsaur 1996 tava, tavan ; FréchetDrôme 1997 tava, tavard, tavon « très peu vivant » ; ArmKasMars 1998 tavan ; FréchetMartAin 1998 tavan ; MichelRoanne 1998 tavan « connu » ; RobezVincenot 1988 tavin ; BouisMars 1999 tavan ; LesigneBassignyVôge 1999 tavan ou tavin ; ALCe 584 pt 62 (Allier), ALB 966 (Saône-et-Loire et Côte-d’Or), ALFC 795, ALJA
617, ALLy 527, ALMC 351 pt 36 (Ardèche) ; FEW 13/1, 1b-2a et 5a, tabanus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Savoie, Haute-Savoie, 100 % ; Alpes-Maritimes, 85 % ; Ain,
Haute-Loire (Velay), Drôme, Var, 65 % ; Bouches-du-Rhône, 60 % ; Alpes-de-Haute-Provence,
Hautes-Alpes, Vaucluse, 50 % ; Isère, Loire, 40 % ; Ardèche, Rhône, 30 %.
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