tuile n. f.
I. 〈Manche, Haute Bretagne, Sarthe〉 tuile à galettes loc. nom. f. ou, par ellipse, tuile n. f. usuel "poêle en fonte, munie ou non d’un manche, à rebord très peu élevé, pour cuire les
crêpes de farine de sarrasin". Synon. région. galet(t)ière*, galet(t)oire*, pierre à galettes*.
1. Puis elle commença la fabrication des galettes*. Elle se mit à genoux devant le foyer, enduisit la tuile avec la graisse du chiffon, prit un peu de pâte dans une louche, l’étendit sur la
tuile avec une raclette de bois et lorsque la galette fut cuite d’un côté, elle la retourna
avec dextérité du plat de sa tournette. La crêpe retomba docilement sur la tuile et continua de cuire. Puis la mère la posa sur une petite claie d’osier et commença
une autre galette. (R. Pichery, Le Parisien. Roman de Haute-Bretagne, 1946, 35.)
2. Un jour, elle avait treize ans, en faisant la galette* pour la maisonnée, elle tomba sur la tuile brûlante, les mains en avant. (P.-J. Hélias, Le Cheval d’orgueil, 1975, 84.)
3. Placer la tuile sur le feu ; verser une louche de pâte : l’étendre vivement de la raclette. (L’Encyclopédie de la cuisine régionale. La Cuisine bretonne, 1979, 20.)
4. À Rennes, la vieille recette consiste à la beurrer directement sur la tuile en fin de cuisson et à y ajouter un œuf, on sale, on poivre et on replie la galette* par-dessus. (S. Morand, Cuisine populaire de Bretagne, 1982, 24.)
5. bretagne. Tuiles, à galettes* ou crêpes, pour les cuire et les retourner en un tournemain. Fonte émaillée. 220
F […]. (Bonne Soirée, 7 octobre 1998, 55.)
6. Les Bretons font cuire autrement leurs galettes* de blé noir, gentiment, sur une tuile de fonte beaucoup moins chaude […]. Elles n’ont pas le grillé et le croustillant
des nôtres. Il fallait vraiment que nous soyons [sic] des intégristes pour ne pas les trouver également bonnes. Qu’elles fussent différentes
suffisait, à nos yeux, à les rendre inférieures. Dans ce procès Normandie contre Bretagne
[…], nous étions à la fois juges et parties et la cause était entendue. (J.-Cl. Maunoury,
Cènes de famille, 1999, 59.)
□ Dans un commentaire métalinguistique incident.
7. Mettre sur le feu une sorte de poêle plate appelée « tuile » puis graisser cette « tuile » avec un morceau de toile mouillé de beurre ou d’huile. (Y. Meynier et J. de Roincé,
La Cuisine rustique, Bretagne, Maine, Anjou, 1970, 184.)
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
8. […] la tuile est une poêle en fonte de grande dimension à rebords à peine prononcés sur laquelle
se cuit ordinairement la galette* (crêpe) de sarrasin. (H. Gancel, Au temps de l’encre violette. L’écolier, 1999, 266.)
II. tuile-canal n. f. 〈Surtout Gard, Hérault, Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot, Aveyron〉 usuel "tuile en forme de demi-cylindre". Synon. tuile creuse, tuile romaine.
9. Le bâtiment d’exploitation est construit en hauteur, généralement à trois niveaux,
la magnanerie s’abritant, quand il en existait une, sous les toits de lauzes* ou de tuiles canal selon la région. (Pays et gens de France, n° 61, le Gard, 23 décembre, 1982, 6.)
10. Le Gravas est couvert de tuiles canal (ou tuiles romaines) qui ont l’aspect d’un demi-tronc de cône, grosso modo car il
n’y en a pas deux tout à fait pareilles. (J.-P. Chabrol, Le Bonheur du manchot, 1995 [1993], 44.)
11. La toiture [du mas provençal], à faible pente, se compose de tuiles canal simplement posées et scellées sur des chevrons. Introduites par les Romains, elles
constituent l’un des plus anciens matériaux de couverture. (D. Bottani, Le Guide des routes de l’olivier, 1996, 171.)
12. Une porte encadrée de deux fenêtres, deux autres à l’étage, voilà pour l’habitation.
[…] D’en haut, on voyait que le toit de lourdes tuiles canal pliait. La remise penchait vers la vallée. (J.-P. Demure, Fin de chasse, 1998, 37.)
13. Tout le sérieux et l’application des artisans de l’époque transparaissent dans les
façades faites de bonnes pierres liées par un crépi de grande résistance et dans les
toits aux tuiles-canal impeccablement alignées. (J. Roger, Le Fils du curé, 1998, 32.)
14. […] ici [à Villeffranche-de-Rouergue, Aveyron] meurent le Massif central, les terres
à seigle, le ségala, les maisons d’altitude emmitouflées dans leur granit, leur schiste
et leurs lauzes* grises et […] là naissent l’Aquitaine, le Causse du Quercy, plus légèrement vêtus
de calcaire et couverts de tuiles canal chaudes et rouges. (Le Monde, 19 octobre 2000, 30.)
— Au sing. à valeur générique.
15. Présente au moins depuis le haut moyen âge dans cette zone, la tuile canal a subi parfois la concurrence d’autres matériaux de couverture, et singulièrement
de la tuile plate à crochet. […] Enfin, il faut faire sa place à la tuile mécanique
qui a remplacé sur beaucoup de toits la tuile canal, et surtout le chaume. Importée dès la fin du xixe siècle puis fabriquée sur place, cette tuile est moins coûteuse que la tuile canal, et son poids plus faible au mètre carré permet de réaliser des charpentes moins puissantes.
(P. Bidart, G. Collomb, L’Architecture rurale française. Pays aquitains, 1984, 35-36.)
16. Où est le Nord, où est le Sud, où passe la ligne qui, en France, démarque les parlers,
les climats, les affinités ? On pensait à la Loire, on se souvenait des pays de tuile
plate et des pays de tuile canal […]. (R. Guyotat, Le Monde, 21 décembre 1991, 21.)
17. L’ancienne bâtisse des parents Piélou avait été refaite en moderne. On avait agrandi
les ouvertures, barrant les façades de lourdes traces de coffrage, soulagé le toit
en remplaçant l’antique tuile-canal par de la plate d’un rouge d’usine, posé des volets en plastique imitation bois.
(J.-P. Demure, Fin de chasse, 1998, 73.)
◆◆ commentaire.
I. Attesté dep. 1706 – v. le commentaire (4) s.v. galette –, cette lexie est expliquée par le matériau qui aurait été utilisé pour fabriquer
l’objet (« Anciennement cet ustensile de ménage était en terre cuite » CoulabinRennes 1891) ou par une analogie de forme avec une tuile plate (FEW 13/1, 156b, tegula). V. commentaire (5) s.v. galette.
II. L’aire que l’on entrevoit d’après la documentation actuelle devrait être consolidée
et élargie (l’auteur des ex. 12 et 17 est originaire du Puy-de-Dôme et celui de l’ex. 16,
de la Loire) par une enquête complémentaire ; on peut, dans cette attente, penser
que l’absence de la lexie dans certains relevés régionaux (ainsi Languedoc oriental)
est un indice de légitimation. Absente de GLLF, de Rob 1985 et de NPR 1993-2000, la
lexie est donnée sans marque par TLF tuile (à) canal (citant toutefois le Gersois Pesquidoux 1928) et Lar 2000 tuile canal, ou tuile romaine.
◇◇ bibliographie. BoisgontierMidiPyr 1992 « règne sans partage dans le Sud-Ouest, aussi bien à l’écrit qu’à l’oral » ; MoreuxRToulouse 2000 « régionalisme inconscient ou légitimé » ; cf. ALLOr 971 (Aude nord-est ; Aveyron sud-est) ; ALLOc 844 ; aj. à FEW 13/1, 153b, tegula (cf. type lexical canal "tuile" en Ariège, Haute-Garonne, Tarn-et-Garonne, ibid. 2, 169a, canalis ; NouvelAveyr 1978 canal "tuile en forme de cheneau").
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I) Basse-Normandie, 75 % ; Ille-et-Vilaine, 50 % ; Sarthe, 30 %. (II) Ariège, Aveyron, Lot, Tarn, Tarn-et-Garonne, 100 % ; Haute-Garonne, 75 %.
J.-P. Chauveau (I) – P. Rézeau (II)
|