charbonnette n. f.
1. 〈Bourgogne, Champagne, Lorraine, Alsace (zones romanes), Franche-Comté, Ain〉 usuel
1.1. "petit rondin utilisé pour le chauffage, et notamment, naguère, pour le chauffage des
fours à pain".
1. […] ils allaient souvent à la forêt chercher du bois qui était tout coupé par les
bûcherons et souvent faisaient la livraison en ville [à Dole, Jura]. Il s’agissait
de charbonnettes, c’était coupé à soixante centimètres, ce bois était mesuré au stère ou à la corde.
([L. Fénix], Histoire passionnante de la vie d’un petit ramoneur savoyard, 1978 [av. 1958], 58.)
2. Activant les chevaux, nous commençâmes bientôt à charger le chariot de charbonnettes pour les boulangers. (P. Arnoux, Un village gros comme ça, 1986, 62.)
3. Elle bouta le feu dans son âtre où elle avait préparé, la veille, une bourrée de charmille* et une poignée de charbonnettes, et accrocha à la crémaillère une marmite d’eau […]. (H. Vincenot, Le Maître des abeilles, 1992 [1987], 21.)
4. Terminée, la coupe est blanche, c’est-à-dire nette et propre. Rien n’est laissé, rien
n’est gaspillé. Soigneusement empilés, rangés le long des chemins forestiers, les
quartiers de bois noble côtoient les stères de charbonnettes […]. (Le Pays, 8 février 2000, 21 [Article sur un ancien bûcheron de Petitmagny, Territoire-de-Belfort].)
— Dans le syntagme bout de charbonnette.
5. Mon frère […] lança dans la direction de la cage un bout de « charbonnette ». Le projectile fila comme une flèche et atteignit le lapin en pleine tête […].
– Tu l’as « beugné »* en plein crâne. Il a pris un sacré « gnon ». (A. Nicoulin, Le Dessus du Mont, 1979, 49.) 6. Il avait attrapé le lapin sans difficulté et en douceur. […] Il fallait donc trouver
un bout de charbonnette et lui faire le « coup du Père François ». (A. Nicoulin, Les Prisonniers du bacul, 1987, 45.)
7. Les petites bûches étaient sciées en bouts de deux pieds (le pied ancien de Bourgogne
vaut 0,33 cm) autrement dit, en bouts de charbonnette. […] Les boulangers utilisaient exclusivement de la charbonnette, brûlée en sa longueur,
soit 66 cm. (P. Gardot et S. Mandret, Hugier, d’une guerre à l’autre, 1999, 64.)
1.2. Emploi non-comptable "bois de chauffage débité en rondins de petite section". La charbonnette de charme (J. Gadant, Un écho du terroir, Couches-en-Bourgogne, 1984, 139). Belle grosse charbonnette sèche (Les Annonces des Hautes-Vosges, 15 novembre 1987, 13). Provision de charbonnette […] pour […] entretenir le feu (M.-Th. Boiteux, Le Secret de Louise, 1996, 151). La réserve de « charbonnette » (Cl. Keiflin, Gens de Bruche, 1998, 80). belle charbonnette de hêtre, région Luxeuil (Bonjour, le 70, n° 1065, 30 août 1999, 2).
8. Pour allumer le four on utilisait des fagots, puis on l’entretenait avec de « la charbonnette », petits rondins de bois. (M. Raclot, La Paysannerie dans la Trouée de Belfort au xixe siècle, 1978, 135.)
9. Durant le pétrissage, à la cuisine, papa faisait chauffer le four en y faisant brûler
la charbonnette réservée pour cela. (M. Sauvage, « Les travaux & les jours dans les Vosges saônoises », Barbizier. Bulletin de liaison de folklore comtois, n° 9, décembre 1980, 283.)
10. Située au cœur de la forêt de Chaux, la verrerie de la Vieille-Loye (Jura) nécessita
l’emploi d’énormes quantités de charbonnette. (A. Besson, Une fille de la forêt, 1996 [1987], VII.)
11. Vers 2 h du matin, après un court sommeil, le boulanger se levait et allumait le feu
qu’il entretenait avec de la charbonnette bien sèche. (J.-L. Clade, La Vie des paysans franc-comtois dans les années 50, 1993, 145.)
12. Mon père s’épongea le front longuement avec son mouchoir, essuya la sciure autour
de ses yeux et ordonna aux deux autres de laisser la charbonnette. J’aimais scier moi-même ces petits rondins sur le chevalet, avec la grosse scie de
grand-père graissée à la couenne de lard pour qu’elle glisse mieux dans le bois. (Fr. Martin,
Le Parler de chez nous en Lorraine, 1995, 91.)
13. Vends bois de chauffage quartiers [= bûches fendues] ou charbonnette, petites ou grosses quantités. Téléphone […] après 19 heures. (L’Est républicain, éd. Nancy, 21 mai 1996, 614.)
V. encore ici ex. 7 ; s.v. charmille, ex. 14.
2. 〈Normandie, Vendée, Deux-Sèvres〉 vx "menu charbon de bois utilisé pour les chauffe-pieds ou les potagers". Synon. région. charbonnille*. – On achetait de la charbonnette chez le boulanger, pour mettre dans la chaufferette (BrasseurNorm 1990).
◆◆ commentaire. Le terme technique charbonnette "bois de petit calibre, utilisé pour la fabrication du charbon de bois", dérivé sur charbon, avec suffixe ‑ette, sans marque diatopique, est attesté dep. 1765 (FEW). Bien représenté dans la lexicographie
générale (LittréSuppl ; GLLF ; TLF s.v. charbon ; Rob 1985 « techn., vx ») et encyclopédique, il n’est guère attesté de nos jours que dans des ouvrages techniques
(jusqu’en 1963, Frantext)a, à quelques exceptions près comme DuraffHJura 1986, qui le donne comme « usuel » ; mais il a donné lieu à deux spécialisations sémantiques dans deux aires latérales.
1. L’emploi par extension pour désigner du "bois de chauffage de petite section", attesté dep. 1841 à St-Germain-du-Bois, Saône-et-Loire (« deux stères de charbonnettes », JeannetSLoire) et 1896 (Goncourt [aux origines lorraines] dans TLF, qui le donne
sans marque diatopique), semble circonscrit au grand Est : Champagne (RéginVallage
1992), Lorraine (LanherLitLorr 1990 ; MartinVosges 1993 "petits rondins qu’on sciait sur le chevalet et qu’on brûlait pour lancer le feu" ; LesigneBassignyVôge 1999), Bourgogne (ex. 3 ci-dessus), Franche-Comté (FleischJonvelle
1951 ; DuraffHJura 1986 ; DromardDoubs 1991 et 1997 ; Ronchamp, Haute-Saône, comm.
de J.-P. Chambon) et Ain (FréchetMartAin 1998). Il est peut-être lié aux traditions
forestières particulièrement fortes dans cette zone. 2. semble s’être développé sporadiquement dans l’Ouest, notamment en Normandie (où il
est attesté dep. 1846 ; RLiR 42, (1978), 164 ; LepelleyBasseNorm 1989 ; BrasseurNorm
1990 ; LepelleyNormandie 1993), en Vendée et dans les Deux-Sèvres (P . Rézeau), mais
il a été relevé aussi en Saône-et-Loire au 19e s. (FertiaultVerdChal 1896).
a Il est couramment utilisé dans des ouvrages évoquant la tradition forestière passée,
par exemple en Franche-Comté : J.-Cl. Demard, Traditions et mystères d’un terroir comtois au xixe siècle, Langres, D. Guéniot, 1981, 175 ; A. Besson, op. cit., 101. Il est toutefois absent des mémoires de l’abbé É.-A. Bouchey (1825-1888), Le Charbonnier dans les bois, Besançon, Folklore comtois, 1969 – fidèle évocation d’une enfance passée dans une
famille de charbonniers itinérants.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1.) Haute-Saône, Territoire-de-Belfort, 100 % ; Vosges, 85 % ; Moselle, 75 % ; Doubs,
Meuse, 65 % ; Meurthe-et-Moselle, 50 % ; Jura, 30 %. (2.) Basse-Normandie, 45 %.
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