chartreuse n. f.
I. 〈Dordogne, Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde〉 "maison bourgeoise à la campagne, le plus souvent sans étage et de forme allongée".
1. – Quinze pièces ! coupa Greigé. Vous l’avez vue ?
– Oui, là-bas, c’est à quarante kilomètres d’ici, ils appellent ça une chartreuse… Une belle maison quoi. C’est vrai. Evidemment avec un nom comme ça, c’est pas encourageant. Bien sûr. Mais les meubles… Les meubles… Boudiou* ! (A. Semtob, Un village nommé David, 1974, 170.) 2. Le presbytère, une chartreuse sur un mamelon est la demeure la plus cossue du bourg*. (G. Laporte-Castède, Pain de seigle et vin de grives, 1989, 66.)
3. […] Arton, chartreuse du siècle dernier […], ancrée sur les pentes du plateau de Lectoure au nord du Gers
[…]. (D. Roberts et V. de Montal, Vivre à la campagne en Gascogne, 1989, 7.)
4. Château Haut-Potiron 1998 [à Capian, Gironde] / Cette chartreuse […] reste attachée à la tradition du « claret » qui fit la réputation des vins de Bordeaux en Angleterre aux xviie et xviiie siècles. (Le Monde, 14 juillet 1999, 22.)
□ En emploi autonymique.
5. Le manoir […] n’était qu’une de ces innombrables demeures que le diable, vidant son
sac de châteaux, avait éparpillées sur le Périgord. Camensac était ce qu’on appelle,
dans le Sud-Ouest, une chartreuse, bien qu’aucun moine ne l’eût jamais habitée. / Sous son toit pentu de tuiles plates,
elle n’avait d’autre étage que des combles éclairés par des chiens-assis. Ses deux
ailes encadraient une terrasse dallée, bordée de balustres de pierre branlants, érodés
par le temps. (H. Noullet, La Destalounade, 1998, 18.)
II. 〈Haute-Garonne (Toulouse), Tarn, Tarn-et-Garonne, Aveyron〉 "corps de bâtiment au fond d’une cour, à l’arrière d’un bâtiment qui longe la rue".
6. echange chartreuse centre, 3 pièces, contre appartement 5 pièces centre. (La Dépêche du Midi, 6 janvier 1950, dans MoreuxRToulouse 2000).
7. Nous ne logions pas sur la rue, mais au fond d’un jardin, dans ce que mon père appelait
une « chartreuse ». Il m’initia au mystère du mot. Il appelait ainsi une petite maison, à l’écart de
la rue ou de la route, enfouie dans la verdure. Il me débita la série de ses commandements
sur ce genre d’habitation […]. / Les gens qui habitaient les chartreuses n’avaient pas d’ambition […]. Les gens qui habitaient des chartreuses étaient mécontents de tout ce qui va mal et ils le disaient en grognant, parce qu’ils
étaient des sages. Il faisait froid dans les chartreuses mais on y était honnête. (P. Guth, Mémoires d’un naïf, 1953, 52.)
□ En emploi autonymique.
8. Cette maison villageoise […] paraît avoir été transposée en ville à partir du xviiie siècle par des immigrants ruraux qui y conservaient leurs habitudes campagnardes.
Construite presque toujours à l’alignement de la rue, elle ouvre par derrière sur
un petit jardin ou une cour […]. Cette même maison a pénétré au cœur de la ville où
elle occupe le fond du jardin urbain : on la nomme alors « chartreuse ». (J. Coppolani, Toulouse au xxe siècle, 1963, 300.)
V. encore ici ex. 7.
— Dans la loc. adj. en chartreuse. T2 en chartreuse ; locaux en chartreuse (MoreuxRToulouse 2000).
■ remarques. « On trouve constamment ce mot dans les annonces immobilières des journaux toulousains » (BoisgontierMidiPyr 1992).
■ encyclopédie. « Les chartreuses sont le plus souvent situées dans certains quartiers formant une sorte
de ceinture autour du cœur de la ville ; autrefois elles servaient souvent de logement
au personnel de maison, voire au cheval » (MoreuxRazouToulouse).
◆◆ commentaire. Par analogie de fr. chartreuse "couvent de religieux chartreux" (dep. fin 12e s.-déb. 13e s., v. TLF), se sont développés divers sens : "maison de campagne isolée" (enregistré dans la lexicographie dep. Ac 1798 ; FEW 2, 631a, Chartreuse) et, dans le sud-ouest de la France, les sens ici analysés et qui ne sont pas documentés
à date ancienne. I. Attesté dep. 1920 (Mauriac), est pris en compte par la plupart des dictionnaires
généraux contemporains : TLF « région. » (avec un exemple de Mauriac 1920 « ces basses et longues maisons girondines que dans le pays l’on nomme communément chartreuses ») ; Rob 1985 « région. (Gironde) », sans exemple ; NPR 1993-2000 « vieilli ou région. » et, dans les glossaires régionaux, par le seul BoisgontierAquit 1991. II., attesté dep. 1950 (v. ci-dessus, ex. 6 ; l’ex. 7 fournit une attestation indirecte
plus ancienne, ca 1915), absent de SéguyToulouse 1950, enregistré par BoisgontierMidiPyr 1992 et MoreuxRToulouse
2000 (« régionalisme inconscient, connu de tous les informateurs âgés »), est absent des dictionnaires généraux.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : (I) Landes, 100 % ; Gironde, 95 % ; Pyrénées-Atlantiques, 50 % ; Gers, Lot-et-Garonne,
Hautes-Pyrénées, 0 %. (II) Haute-Garonne, 75 % ; Aveyron, 50 % ; Tarn-et-Garonne, 30 % ; Tarn, 10 % ; Ariège,
Lot, 0 %.
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