bourg n. m.
〈Manche, Bretagne, Mayenne, Sarthe, Maine-et-Loire, Centre-Ouest, Allier, Nièvre, Saône-et-Loire
(Montceau), Auvergne, Limousin, Aquitaine〉 usuel "centre administratif et commercial constituant généralement l'agglomération la plus
importante d'une commune, dans les régions d'habitat dispersé (par opp. à village*, hameau, écart, campagne)". Synon. région. centre*, chef-lieu*. – Aller au/dans le bourg ; habiter (dans) le bourg. Un écart […] à une demi-lieue de
son bourg (A. Yzac, Le Dernier de la lune, 2000, 8).
1. […] le patois décline dans les bourgs et leur périphérie, mais reste vigoureux dans les villages* […]. (ALMC,1963, t. 4, carte 79.)
2. Bientôt ce sera la fête* votive. On dansera à l'auberge du bourg et sur le pré à côté de l'église. (M. Chaulanges, Les Mauvais Numéros, 1971, 8.)
3. Ils se parlaient très poliment avec des précautions oratoires d'adversaires qui se
ménagent :
– Prendrez-vous encore un peu de ragoût, Papa ? – Non ma fille, mais il était bon. Si tu vas au bourg, m'achèteras-tu bien une paire de bretelles ? Ça m'obligerait. – Sûrement et si vous avez besoin de tabac… (C. Paysan, L'Empire du taureau, 1982 [1974], 190.) 4. On arriva au col, on le passa. Alors, tout Saint-Bonnet, sauf le Bourg, fut dans la vue, son étendue désolée, ses bois « timbres-postes » frigorifiés de givre, ses quarante villages* où rares étaient les cheminées vivantes de l'haleine des maisons […] (L. Gachon,
La Petite-fille de Maria, 1974, 134.)
5. Le soir même, l'algarade est connue du bourg entier et des campagnes jusqu'aux limites de la commune. (P.-J. Hélias, Le Cheval d'orgueil, 1975, 246.)
6. […] encore de nos jours, pour un paysan de l'Ouest, même hors du secteur bocager,
« aller dans le bourg » c'est aller au centre, dans le principal lieu habité en ces pays d'habitat desserré.
(G. Fourquin, dans G. Duby et A. Wallon, Histoire de la France rurale, 1975, t. 1, 435.)
7. Voici la vieille aïeule, ridée comme une reinette, qui ne quitte guère le « cantou »*. Puis sa fille et le gendre, et encore trois garçons, qui arrivent à l'instant de
l'école du bourg, distante de près d'une lieue. (J. Mallouet, Jours d'Auvergne, 1992 [1975], 267.)
8. En sus des travaux à domicile chez les fermiers qui avaient de quoi, elle acceptait
aussi l'ouvrage des gens du bourg. (M. Chabot, L'Escarbille, 1978, 15.)
9. Ce vieillard maugracieux, qui vivait en sauvage à quatre kilomètres du bourg, à la Combe-des-Renards, ne recevait âme qui vive pendant des mois et même des saisons.
(L.-A. Gauthier, Les Fidarchaux de Cabrefontaine, 1978, 222.)
10. Sur cette vaste étendue, Plouha ne tenait qu'une seule école de hameau, qui ne soulageait
guère les gros établissements du centre communal. L'existence écolière était alors
rude et simple. Il n'y avait point encore de cantine scolaire, et tout ce petit monde,
sur le coup de midi, trempait la soupe dans les auberges du bourg. (M. Le Lannou, Un bleu de Bretagne, 1979, 64.)
11. Saint-Léger-sous-Beuvray, 773 [habitants], patois en régression, sauf dans quelques
hameaux dont se gaussent les gens du bourg. (Cl. Régnier, Les Parlers du Morvan, 1979, t. 2, 9.)
12. […] à la sortie du catéchisme, au bourg, les gamins se battaient par villages* […]. (J.-Fr. Vincent, « La Béate au village », Ethnologia, n°s 17-20, 1981, 151.)
13. Chef-Boutonne. En cette veille de Toussaint, le marché du bourg est voué aux fleurs . Des chrysanthèmes par centaines font de l'ancien foirail* un parterre un peu fou […]. (M. Gurgand et J.-N. Gurgand, L'Histoire de Charles Brunet, 1982, 153.)
14. D'autres endroits, d'autres gens m'apportèrent d'autres récits : à La Jonchère, un
domaine* situé près du bourg, la fermière Martine craignait les sorciers, croyait aux revenants et en parlait à
voix basse, à la veillée, de préférence à ma grand-mère. (R. Aurembou, Il était une fois… le Bourbonnais, 1983, 64.)
15. Le petit marché du lundi matin créait un peu d'animation dans les rues du bourg, était une occasion de relations entre les deux communautés – celle du bourg et celle
de la campagne. (G. Chevereau, Une enfance à la campagne, 1988 [1987], 222.)
16. Dans le bourg et les hameaux environnants de Pouzol (et de St Rémy de Blot) il m'a suffi de frapper
à quelques portes pour que les cœurs et les maisons s'ouvrent aux naufragés de l'exode.
(L. Mercier, « Chronique d'un temps passé “Le faux monnayeur” », Brayauds et Combrailles, n° 62, 1991, 46.)
17. Bien qu'on y ait vu parfois une variante et un homonyme du Yaudet, village* de Ploulec'h, et du Guéodet, rue de Quimper, le village du Guiaudet, au nord-est
du bourg, ne rappelle pas comme eux le souvenir d'une ancienne « cité », sens du vieux-breton keodet, issu du latin civitatem. (B. Tanguy, Dictionnaire des noms de communes, trèves et paroisses des Côtes d'Armor, 1992, 120.)
18. Saint-Georges-la-Garenne était une commune plutôt originale. / Composée de trois villages*, elle avait trois corps de sapeurs-pompiers, deux syndicats agricoles, deux sections
de vote pour les élections municipales. / Les mentalités différaient selon que l'on
fût du bourg, de Ceyssac ou de Lignac. (Cl. Fourneyron, Les Rêves bleus, 1993, 168-169.)
19. Le bourg de Novavelles [sic pour Novacelles, Puy-de-Dôme] n'était qu'à deux kilomètres de Saint Bonnet. […] Le reste
de la population résidait dans les hameaux situés sur les collines qui surplombaient
ce bourg encaissé au fond d'un ravin. (J.-L. Chantelauze, Monsieur le Curé dans ses campagnes, 1994, 260.)
20. En 1930, pour vingt francs par habitant, il décide de faire installer l'électricité
au bourg, et en 1932 l'école et la mairie seront éclairées d'une seule ampoule par pièce. […]
Encore deux ou trois ans, et on commencera à électrifier les écarts. (L. Lebourdais,
Les Choses qui se donnent…, 1995, 213.)
21. Durenque. – Décès : M. Roger Fabre, menuisier au bourg, 60 ans. (L'Auvergnat de Paris, 14 décembre 1996, 2.)
22. Saint-Paul-le-Gaultier […] Des bacs à fleurs vont être disposés sur le C. D. 15 aux
entrées du bourg près des panneaux d'agglomération. (Le Maine libre, 31 décembre 1996, 8.)
23. […] la célèbre Piste aux Etoiles que nous allions regarder chez l'oncle Rémi, à l'époque
où il était un des rares dans le bourg à avoir un appareil de télévision […]. (J. Rouaud, Le Monde à peu près, 1996, 186.)
24. Plusieurs communes du Grand-Angoulême ont entrepris (ou vont entreprendre) d'importants
travaux pour remettre en valeur leurs bourgs. A Nersac, par exemple, l'ensemble église-mairie a été superbement restauré et d'autres
projets sont dans les cartons. (Charente libre, 30 septembre 1998, 1.)
V. encore ici ex. 25 ; s.v. assemblée, ex. 4-5, 23 ; attraper1, ex. 4 ; beurrée, ex. 10 ; borde, ex. 4 ; bourrasse, ex. 4 ; buron, ex. 10 ; chartreuse, ex. 2 ; chef-lieu, ex. 10 ; coinche, ex. 9 ; coursière, ex. 8 ; cuvage, ex. 8 et 12 ; foirail, ex. 2 ; fossé, ex. 9 ; lauze, ex. 22 ; mazet, ex. 6 ; montagne, ex. 17 ; penn-ti, ex. 1 ; placitre, ex. 1 ; poche1, ex. 17 ; quartier, ex. 4 et 5 ; rilles, ex. 5 ; service, ex. 9 ; société, ex. 11 ; tirer, ex. 7 ; village, ex. 1-3, 5-8, 10-17, 19-21, 23, 26 ; taure, ex. 8 ; tirer, ex. 9 ; tonne, ex. 1.
— En emploi métalinguistique. Voir s.v. chef-lieu, ex. 7.
— Dans le syntagme centre bourg ou centre-bourg (sur le modèle de fr. centre-ville). Maintien des services en centre-bourg (Charente libre, 23 septembre 1999, 15).
25. Depuis bien longtemps, le comice avait été chassé du centre bourg (circulation oblige) pour être relégué dans un champ à la périphérie. En 1993, les
dollonais [= habitants de Dollon (Sarthe)] avaient, avec succès, réintégré les exposants
dans les rues du village. Les élus vibraysiens [= de Vibraye] renouvelleront l'expérience
en 1998. / Compte tenu du succès de la formule, le dernier comice du siècle aura lieu,
comme le précédent, dans le bourg. (Le Maine Libre, 27 août 1999, 7.)
26. […] le centre-bourg de Thorigné-Fouillard […]. Réalisés en deux tranches depuis 1996, les travaux de
réaménagement du centre bourg touchent à leur terme. (Ouest-France, éd. Rennes, 17 septembre 1999, REN 16).
— Dans le syntagme maison de bourg (Dans des annonces notariées) "maison située dans le bourg".
27. Petite maison de bourg compr 1 pce avec four à pain au rdc, 2 pces au 1er (Notaires d'Auvergne, n° 40, mars 2000, 5 [concerne Authezat, Puy-de-Dôme].)
V. encore s.v. cuvage, ex. 12.
■ graphie. Parfois écrit avec une majuscule, parce que senti comme le nom propre de l'une des
agglomérations de la commune.
■ prononciation. [buʁk] au sud de la Garonne (BoisgontierAquit 1991).
◆◆ commentaire. Régionalisme sémantique enregistré dans la lexicographie française dep. Lar 1960 (« dans l'ouest de la France » ; « dans l'ouest et le centre de la France » TLF, avec définition incohérente et citation de Jules Romains de 1908 ; « dans les régions d'habitat dispersé » Rob 1985 ; sans marque dans Lar 2000 ; Ø NPR 2000). Dénomination médiévale d'une
agglomération d'habitations, de taille inférieure à celle d'une ville, centre d'un
marché et souvent associée à un château et à une église, de fondation seigneuriale
dans la France de l'Ouest et du Centre et parfois fortifiée (G. Fourquin, loc. cit., v. ici ex. 6 ; J. Dupâquier, Histoire de la population française, Paris, t. 1, p. 227-228 ; Hollyman 82-84), le mot apparaît dès le moyen français
comme attaché à un groupement intermédiaire entre la ville et le village (cf. « Labourages Et villages, Bourgs, villes, chasteaulx, passages, Ars, destruis, et mis
au bas » 1426, ChartO EPL 414 [Alain Chartier] ; « et ot plusieurs villes, bourgs et villages ars et destruiz » 1460, RoyeChronScand 340, tous deux dans la base MF), comme jusqu'à aujourd'hui.
Cette hiérarchie a été autrement organisée dans les pays d'habitat dispersé où bourg a été utilisé pour dénommer l'agglomération de taille immédiatement supérieure au
hameau. Cette évolution sémantique se constate tant au plan dialectal (FEW 15/2, 17a, *burg- ; ALCe 1038 ; ALB 322 ; ALAL 1164 ; ALLy 671 ; ALMC 621 ; ALLOc 810) qu'à celui du
français des régions de l'Ouest et du Centre, où bourg s'oppose à village qui y a pris le sens de "hameau" (opposition documentée dep. 1639 en Bretagne, v. infra s.v. village ; dep. env. 1650 en Auvergne, DrouotDocLivradois 5, 127 ; 1679, ibid. 5, 123 ; dep. 1552 dans le Rouergue, EnqCommRouergue 180, 181 ; dep. 1558 en Aunis,
v. infra s.v. village). Dès 1543, dans l'actuelle Indre-et-Loire, bourg semble bien signifier "chef-lieu de paroisse" (« Une maison au bourg de Lussac-les-Églises », cité par Thomas R 36, 341). Au 17e s., bourg dénomme en Auvergne l'agglomération principale de très petits villages ; « enquis du nombre des églises annexes de la dite paroisse ont respondu que la chapelle
du prieuré, autres fois l'esglise paroissiale, distante de mille pas du bourg, est
maintenant en ruine […] » visite épiscopale du 10 juin 1636, commune de Joze, Puy-de-Dôme, cité dans G. Fournier,
Le Peuplement rural en Basse Auvergne durant le haut moyen âge, 1963, 613, n. 7). Dans le Lot et le sud de la Gironde (BoisgontierAquit 1991) bourg s'oppose à quartier*, cf. « ce qu'on appelle ici un quartier : quelques métairies, sans église ni mairie, ni cimetière,
disséminées autour d'un champ de seigle, à dix kilomètres du bourg de Saint-Clair
auquel les relie une seule route défoncée » (1927, Fr. Mauriac, Thérèse Desqueyroux 185, Frantext). Mauriac opposait également dans le même sens bourg et métairies : « Ceux du bourg avertissent ceux des métairies […] » (1922, Le Baiser au lépreux 156) ; « Peu compris des métairies, il est aimé du bourg […] » (ibid. 164) ; « Déjà les coqs du bourg répondaient à leurs frères des métairies perdues » (1933, Le Mystère Frontenac 109, tous Frantext).
◇◇ bibliographie. GuilleLouhans 1894-1902 ; TuaillonRézRégion 1983 ; RézeauOuest 1984 ; BoisgontierAquit
1991 ; BrasseurNantes 1993 ; GagnySavoie 1993 documente seulement le sens du français
général ; ValMontceau 1997 ; MichelRoanne 1998 dans l'ex. s.v. village « Il habite un village* loin du bourg, on ne le voit pas souvent », mais Ø à la nomenclature ; BlanWalHBret 1999 ; ChambonÉtudes 1999, 109-110 (Pourrat,
Gaspard des montagnes).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Charente, Charente-Maritime, Corrèze, Creuse, Dordogne,
Gers, Gironde, Landes, Morbihan, Deux-Sèvres, Vendée, Vienne, Haute-Vienne, 100 % ;
Finistère, 95 % ; Côtes-d'Armor, 65 % ; Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, 50 % ;
Lot-et-Garonne, 40 %.
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