cantou n. m.
〈Charente (est), Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot, Aveyron, Lozère,
Cantal, Puy-de-Dôme, Limousin, Dordogne〉 rural, vieillissant.
1. "lieu de convivialité aménagé sous le manteau d’une cheminée suffisamment vaste, avec
sièges rustiques". Stand. coin du feu. – Assis au « cantou » de la cheminée de la grande cuisine (J. Remize, La Médecine sur le plateau de l’Aubrac, 1949, 23). Au coin du feu, dans le cantou (M. Secondat, Contes et Légendes du Périgord, 1970, 8). Le Parrain, assis au cantou, épluchait les châtaignes (M. Massalve, Marie du fond du cœur, 1998, 87). À la campagne, le soir, on se réunissait au cantou (MoreuxRToulouse 2000).
1. […] au cantou, d’un côté, une salière en bois sur laquelle on s’assied pour se chauffer, et de l’autre
coté, un cadeyrou [en note : petite chaise de paille]. (G. de Lanauve, Anaïs Monribot, 1995 [1951], 185.)
2. […] François et la mère restèrent seuls à la veillée. Tous deux dans le cantou, assis en vis-à-vis […]. (M. Chaulanges, Les Mauvais Numéros, 1971, 73.)
3. Ils se sont assis au « cantou » l’un en face de l’autre. Malgré la cuisinière qui ronfle, ils ont ranimé le feu de
bois. (J. Jaussely, Deux saisons en paradis, 1979, 656.)
4. Assis dans le cantou, le grand-père pelait méticuleusement des châtaignes. (Cl. Michelet, Des grives aux loups, 1979, 21.)
5. Le grand-père […] parle plus depuis longtemps. Regardez-le fumer sa pipe dans le cantou. Il en bouge pas, sinon pour aller pisser, et encore… (M. Peyramaure, L’Orange de Noël, 1996 [1982], 41.)
6. Elle [la cheminée] abritait sous son vaste manteau le cantou, où l’on se rassemblait, le soir, pour la veillée. De chaque côté de l’âtre, un coffre
à sel, sur lequel on s’asseyait pour être au plus près du feu, places favorites des
enfants et du pépé. (Pays et gens de France, n° 99, la Haute-Vienne, 13 octobre 1983, 11.)
7. C’est un peu avant Noël, un soir, à la veillée, que l’Adrien Boudarias vint s’asseoir
devant le feu, dans notre « cantou ». (J. Vinatier, Jean de la Rose, berger des Monédières, 1999, [1985], 53.)
8. […] le père et le fils se tenaient en demi-cercle devant le cantou ardent. Avec amabilité, ils m’invitaient à les y rejoindre pour m’y réchauffer. (A. Coralli,
L’Ébréchure, 1988, 190.)
9. […] il y avait dans la cuisine un grand cantou, lui aussi remis en état, où l’on pourrait brûler le bois des chênes de notre garenne.
(Chr. Signol, Marie des brebis, 1989, 65.)
10. Confortablement installé dans le cantou, pieds au chaud près des braises, il discutait pour le seul plaisir de faire un peu
enrager les trois femmes […]. (Cl. Michelet, L’Appel des engoulevents, 1990, 126.)
11. Sous la vaste cheminée de pierre, les deux boîtes à sel du « cantou » se faisaient vis-à-vis de chaque côté des landiers de fer. (H. Noullet, La Destalounade, 1998, 20.)
● Dans le syntagme cheminée à cantou.
12. Une cheminée à cantou occupait les trois quarts d’un mur. Les deux sièges à couvercle, de chaque côté,
étaient cernés de cendre et de poussière. Je soulevai un des couvercles et sortis
un sac de sel […]. (M. Jeury, Une odeur d’herbe folle, 1989, 194-195.)
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident.
13. La grande cheminée patinée de suie, le « cantou », avec son fenestron* rond qui donnait sur la campagne vers les pentes dégradées ouvrant au nord sur la
vallée […]. (Cl. Duneton, Le Diable sans porte, 1981, 54.)
14. Ce qui frappe, dès l’entrée, c’est la vaste cheminée, le cantou, au sol carrelé. (Pays et gens de France, n° 67, le Lot, 3 février 1983, 9.)
15. Une grande cheminée, le cantou, y trône [dans la salle commune], flanquée de deux petits bancs permettant de s’installer
près du feu, le soir, à la veillée. (Pays et gens de France, n° 100, la Corrèze, 28 octobre 1983, 5.)
16. Il aimait cette grande cheminée que tout le monde appelait le cantou, où les flammes dansaient sans cesse sur des bûches énormes. (Chr. Signol, Les Chemins d’étoiles, 1988 [1987], 63-64.)
17. Ma grand-mère vivait seule, dans cette petite maison composée d’une grande cuisine
où trônait un cantou, cette cheminée sombre dans laquelle ronronnaient ses faitouts, et [de] deux chambres
en enfilade […]. (Chr. Signol, Bonheurs d’enfance, 1998 [1996], 104-105.)
18. Il les conduit dans l’habitation, ancien bâtiment de ferme, démesuré pour un couple.
On ne voit d’abord qu’une cheminée large et profonde, le cantou, qui semble prendre tout l’espace avec ses énormes chenets de fer et des bancs de
chaque côté de l’âtre. Mais au centre ne brûle qu’un feu minuscule. (G. Rey, Le Sac à musique, 1997, 174 [La scène est située dans le Cantal].)
□ En emploi métalinguistique.
19. La chaleur qu’on y ressent [dans la cheminée] n’est pas seulement celle du feu de
bois, mais aussi la chaleur humaine, la joie de se retrouver réunis pendant les froides
soirées d’hiver. C’est cette chaleur humaine que traduit le terme assez vague de « cantou » pour désigner le coin du feu, et aussi l’intimité, le chez-soi. (R. Béteille, La Vie quotidienne en Rouergue avant 1914, 1973, 79.)
— faire cantou loc. verb. "se réunir dans cet espace".
20. […] le goût de la convivialité, des conversations au coin du feu (en Corrèze, ça s’appelle
« faire cantou ») comme nos ancêtres les pratiquaient. (B. Franck, dans Le Monde, 18 novembre 1987, 18.)
■ variantes. 〈Charente, Dordogne, Lot-et-Garonne〉 canton n. m. "id." Le canton de la cheminée (R. Blanc, Clément, noisette et autres Gascons, 1984, 71).
2. Par méton. "siège, dont l’assise tient souvent lieu de coffre, installé sous le manteau de la
cheminée".
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
21. Jusqu’à une date relativement récente, la vie de famille s’est concentrée, pendant
les mois d’hiver, autour de l’âtre, dont la vaste hotte abritait les fameux « cantous » (sièges à dossier). Certains servaient aussi de coffres à sel. (Pays et gens de France, n° 18, le Cantal, 21 janvier 1982, 13.)
22. Les veillées ordinaires se tenaient au coin du feu : on y faisait cercle, assis sur
des tabourets, sur des chaises basses ou sur le « cantou », coffre à dossier calé dans la cheminée et dans lequel on tenait au sec le gros sel
[… ]. (Pays et gens de France, n° 20, 4 février 1982, le Puy-de-Dôme, 19.)
■ remarques. Le changement des modes de vie rend progressivement obsolètes ce mode ou ce lieu de
convivialité. Mais, depuis quelques années, le mot est employé dans les milieux de
la gériatrie, par métaphore, au sens de "lieu d’accueil pour les personnes âgées psychiquement dépendantes" : « L’équipe [soignante] visite des cantous, effectue des stages sur le terrain et le projet peu à peu prend corps » (Fondation de France, n° 64, janvier 1991, 24) ; « Autres variantes [d’hébergement pour personnes âgées] : les cantou [sic] » (Bulletin de la Mutuelle générale de l’éducation nationale, janvier 1993, 27) ; « Les unités cantou […] de la maison de retraite médicalisée du Chênois à Bavilliers [Territoire-de-Belfort]
accueillaient hier beaucoup plus de monde que d’habitude. Il s’agissait en effet de
l’officialisation du lancement des ateliers équilibre, réalisés avec les résidents
atteints de maladies du type Alzheimer » (Le Pays, 27 mai 2000, 26).
◆◆ commentaire. Caractéristique d’une aire compacte qui s’étend de la Charente au Puy-de-Dôme, au
Nord, jusqu’à la Haute-Garonne et à l’Ariège, au Sud, cantou s’est diffusé du sud vers le nord sur une très large portion de cette aire (Charente,
Lozère (partie), Cantal (partie), Puy-de-Dôme, Limousin, Dordogne), dans des zones
connaissant la palatalisation de k devant a où le mot ne peut être autochtone (k < ch). Il est un transfert de lang. cantou, de même sens (FEW ; ALG 1292), lui-même par restr. de ⌈ cantou ⌉ "angle, coin" (FEW), qui s’est imposé par-dessus des variantes du type ⌈ contou ⌉ (Lot, Cantal, Aveyron ; v. ALMC 777) ou ⌈ cantoun ⌉ (Haute-Garonne, pts 669NO, 760 et 781, de l’ALG 1292) ; ALF 308. Le mot est absent
des dictionnaires généraux contemporains ; la seule attestation qu’en donne Frantext est de J. Vautrin, Billy-ze-Kick, 1974, 100 « feu de bois dans le Cantou [sic pour la majuscule] » (scène située dans le Quercy).
◇◇ bibliographie. PierdonPérigord 1971 canton ; OlivierEgliseneuved’Entraigues 1981 ; G. Gonfroy, dans B. Barrière et al., Limousin, 1984, 187 ; ChaumardMontcaret 1992 ; BoisgontierMidiPyr 1992 ; PénardCharentes 1993
canton ou cantou ; PruilhèreAuv 1993 ; PolverelLozère 1994 ; MoreuxRToulouse 2000 « occitanisme conscient » ; aj. à FEW 2, 231a, canthus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ariège, Aveyron, Corrèze, Haute-Garonne, Lot, Tarn, 100 % ;
Dordogne, Haute-Vienne, 85 % ; Tarn-et-Garonne, 65 % ; Creuse, 45 %.
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