fenestron, fenestrou, fenêtron n. m.
Surtout habitat rural "petite ouverture permettant d’éclairer et/ou d’aérer un bâtiment (stand. lucarne, œil-de-bœuf, vasistas) ; volet servant à fermer cette petite ouverture (stand. vantail)".
I. fenestron ou fénestron. 〈Loire (spor.), Hautes-Alpes, Provence, Gard, Hérault, Aude, Ardèche, Pyrénées-Orientales, Puy-de-Dôme,
Limousin, Dordogne, Gironde.〉 – La lumière chiche des fenestrons (J.-P. Chabrol, Le Bonheur du manchot, 1995 [1993], 257). Le fenestron du clocher (N. Calmels, L’Oustal de mon enfance, 1985, 95), de la cuisine (Panazô, L’Argent du ciel, 1987, 18), de l’écurie (Cl. Fourneyron, Les Rêves bleus, 1993, 43), des cabinets (R. Frégni, Le Voleur d’innocence, 1996 [1994], 209), de la souillarde* (R. Millet, L’Amour des trois sœurs Piale, 1997, 250). Fenestron barré d’un croisillon d’acier (J.-P. Leclerc, Les Brûlures de l’été, 200, 21).
1. Il ronflait inexorablement. Autant il était doux et discret dans le jour, autant il
était arrogant et redoutable la nuit, dans le sommeil. Les nuits d’été, les fenestrons de sa mansarde ouverts sur les étoiles, il secouait un coin de village de ses râles
de machine à battre. (L. Massé, Les Grégoire, 1943, t. 1, 26.)
2. Des deux côtés de la porte, il y avait un fenestron en quart de cercle au-dessus de la murette. (J.-P. Chabrol, Les Rebelles, 1965, 261.)
3. Un rai de soleil, traversant le fenestron, faisait danser les poussières dans l’obscurité de la pièce. (Th. Bresson, Le Vent feuillaret. Une enfance ardéchoise, 1980, 72.)
4. Avant la nuit, […] elle bouchait les fenestrons avec de la paille. (Cl. et J. Jeury, Le Crêt de Fonbelle, 1981, 108.)
5. […] un étroit fenestron qu’on bouche de paille, l’hiver. (M. Carlat, dans M. Carlat, L’Ardèche, 1985, 36.)
6. Des rais de soleil, à travers le fenestron ouvert, en vis-à-vis de la porte de la grange, semblaient chargés de poussière. (P. Cousteix,
« Une enfance », Bïza Neirà 57, 1988, 41.)
7. Par le fenestron, toutes les Provences entraient dans la pièce. Au-delà des toits du village couleur
d’abricot, elles s’étageaient en arc de cercle jusqu’à l’infini : la Crau, la Camargue,
les Alpilles, le Lubéron, le Ventoux, la Haute Provence, les Alpes. (Y. Audouard,
Lettres de mon pigeonnier, 1991, 44.)
8. Sur une tablette, devant un fénestron, un bouquet de dahlias s’épanouissait dans un pichet humoristique à l’effigie du président
Fallières. (H. Noullet, La Falourde, 1996, 79.)
9. – Vé* ! Là !… Sur le toit ! […] / C’est moi qui l’ai vu le premier. Le petit Titou est
sur le toit. Il a grimpé par le fenestron du grenier et court sur les tuiles[,] au risque de se fracasser la tête. (M. Albertini,
Les Merdicoles, 1998, 154.)
V. encore s.v. cantou, ex. 13.
II. fenestrou ou fénestrou. 〈Drôme, Gard, Hérault, Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot, Aveyron,
Lozère, Ardèche, Haute-Loire, Puy-de-Dôme (Thiers), Creuse, Haute-Vienne, Dordogne,
Gironde.〉 – Ouvre ce fenestrou, ça donnera un peu d’air (FréchetMartVelay 1993).
10. Il est rentré saoul. Il a trouvé le métayer de Martin avec sa femme […]. Il l’aurait
assommé si l’autre était pas monté au grenier et avait pas sauté dans le jardin d’en-dessous,
par un fénestrou. (G. de Lanauve, Anaïs Monribot, 1995 [1951], 35.)
11. La lumière arrivait toute neuve par l’étroit fenestrou donnant sur la courette aux murs humides et moussus. (R. Sabatier, Les Noisettes sauvages, 1983 [1974], 86.)
12. Parmi les fenestrous étroits, il en était beaucoup de bouchés avec des briques à cause de l’absurde impôt
sur les portes et fenêtres. (R. Sabatier, Les Noisettes sauvages, 1983 [1974], 224.)
13. Un vol de mésanges s’était posé sur le rebord du fenestrou et picorait familièrement les reliefs du goûter. (M.-A. Laurens, « Chandeleur », Lou Païs 216, 1976, 5.)
14. […] je vivais déjà mes aventures, accoudée au « fenestrou », alors que roulaient, au-dessus de moi, les gros nuages de juin, poussés par la traverse*. (Th. Bresson, Le Vent feuillaret. Une enfance ardéchoise, 1980, 144.)
15. Elle [Langogne (Lozère)] a conservé quelques souvenirs émouvants de son passé : fenêtres
à meneaux, fenestrous avec des vitraux à armature de plomb […]. (M. L. Barbaray, « Journal d’un villégiateur en Langonais », Lou Païs 253, 1982, 43.)
16. L’aération du grenier y est assurée par des ouvertures dans le mur, les « fenestrous ». (Pays et gens de France, n° 67, le Lot, 3 février 1983, 9.)
17. Il n’y a pas de miroir à Corbières, ni chez Apollonie ni dans les autres maisons.
Seulement de petites glaces rondes que les hommes utilisent le matin pour se raser.
Ils les suspendent entre la porte et le fenestrou pour recevoir sur leur visage la lumière du jour. (M. Rouanet et H. Jurquet, Apollonie, 1984, 111.)
18. Le nid que les chardonnerets avaient bâti dans l’épaisseur du fenestrou […]. (M. Rouanet, Bréviaire, 1994 [1987], 137.)
19. L’homme réussit à s’enfuir par un petit « fenestrou » qui donnait sur l’arrière de la ferme. (Th. Duret, Albertine au bord des chemins, 1988, 8.)
20. La baie, immense, et qui avait été, de toute évidence, agrandie, tenait presque la
moitié du mur. À l’opposé, un minuscule fenestrou faisait triste mine. (Y. Gimbert, Roche-Longue, 1994, 169.)
V. encore s.v. souillarde, ex. 13.
■ variantes.
1. 〈Aude, Toulouse, Lozère, Pyrénées-Orientales〉 finestrou (SéguyToulouse 1950 ; CampsLanguedOr 1991 ; CampsRoussillon 1991 ; BoisgontierMidiPyr
1992 ; MoreuxRToulouse 2000).
△△ EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Pyrénées-Orientales, 90 %. 2. 〈Haute-Loire (Velay), Puy-de-Dôme (Thiers)〉 fenêtrou (PotteAuvThiers 1993 ; FréchetMartVelay 1993).
III. fenêtron/fenètron ou fenétron. 〈Ain, Rhône, Loire, Isère (spor.), Drôme, Pyrénées-Orientales, Ardèche, Haute-Loire (Velay).〉 – Les voleurs sont passés par le fenétron de l’évier* (GononPoncins 1984). Le chat est passé par le fenêtron (MartinPilat 1989 ; VurpasLyonnais 1993). Avant de rentrer les vaches, va ouvrir les fenêtrons pour qu’il fasse moins chaud
dans l’écurie* (VurpasMichelBeauj 1992). Le miron [= chat] est rentré par le fenêtron (LaloyIsère 1995). Seuls quelques fenêtrons permettent d’aérer l’étable (FréchetMartAin 1998).
21. La vaisselle se fait sur la pierre d’évier, dans la grande salle – « la maison » – où l’on cuisine, mange et veille. Coin sombre, qu’un « fenètron » éclaire parfois, lieu de toilette superficielle, hâtive chaque matin d’hiver, plus
approfondie certains soirs quand tout le monde est au lit. (A. Mante, Le Temps s’élève, 1995, 84.)
◆◆ commentaire. Types lexicaux aujourd’hui en usage dans une vaste aire méridionale dont la limite
septentrionale est formée d’une ligne qui va de la Gironde à l’Ain, en passant par
la Dordogne, la Haute-Vienne, la Creuse, le Puy-de-Dôme, la Loire et le Rhône. À l’intérieur
de cette aire, la diversité des types et des variantes formelles (il arrive que des
types coexistent et parfois chez le même locuteur ou chez le même auteur ; v. ici
ex. 3 et 14) et leur distribution s’expliquent par la combinaison de facteurs horizontaux
(diffusion géographique) et verticaux (adaptation plus ou moins avancée dans le traitement
de l’initiale en [e] ou [ə], le maintien ou l’effacement de /s/ préconsonantique, et le traitement du suffixe)a.
Les deux premiers types sont clairement d’origine occitane. I est un transfert de l’occitan occidental (zone où ‑n caduc est amuï) attesté dep. 1785, d’abord sous la forme davantage francisée fénétrou (« fenëstrou […] un volet ; & non, une fénétrou » Sauvages, v. RézNorm 209). Dans la même zone, II, documenté dès les 16e et 17e siècles dans le français de Carcassonne (CaylaLanguedoc), représente dans l’essentiel
de la partie occidentale de son aire (où ‑n caduc est amuï) une intégration plus poussée du type autochtone fenestrou, tandis qu’en Provence, où ce type semble exclusif, il s’agit d’une adaptation superficielle
de pr. fenestroun ; les variantes finestrou (cf. notamment roussillonnais finestró BotetVocRoss 1997) et fenêtrou n’ont pas été dédialectalisées. Il est indéniable que I et II ont rayonné du sud vers le nord, ce que dénonce leur présence dans des régions où
les parlers occitans amuïssent généralement (Puy-de-Dôme, Dordogne) ou unanimement
(Haute-Vienne) /s/ devant consonne.
Le type fenêtron (III), attesté tardivement (dep. Mâcon 1926 seulement), présente une adaptation maximaleb et une répartition nettement lyonnaise ; il vient concurrencer I ou II dans les parties originellement occitanophones de son aire (Drôme, Ardèche, Velay)
où les parlers n’ont généralement pas amuï /s/ antéconsonantique. Toutefois, étant
donné l’absence d’attestations anciennes (dans une région pourtant bien documentée),
on peut légitimement se demander si ce type n’est pas lui aussi une importation méridionale
ayant subi un remodelage lyonnais. Une confirmation de cette hypothèse réside dans
l’existence de fenestron en variation libre avec fenêtron, dans le français de la Loire, du Beaujolais et de l’Ain, zones dans lesquelles, en
tout état de cause, le mot ne peut être endogène.
Le traitement réservé à ce mot dans les dictionnaires généraux contemporains est peu
adéquat (GLLF fenestron « dialect. » "fenêtre de petites dimensions" ; TLF fenestron "fenêtre de petites dimensions", sans marque, mais avec un exemple de Giono 1930 ; Rob 1985 fenestron "petite fenêtre ; petite ouverture" « régional (Sud de la France) », avec un exemple de Giono et un second, extrait d’un ouvrage concernant l’Extrême-Orient).
Les données de Frantext sont limitées à de rares exemples de Giono 1929, 1930 et 1931 (fenestron et fénestron), mais le cédérom Le Monde 1987-1998 témoigne d’une relative diffusion du mot, qu’on voit employé sans référence au sud
de la France, et notamment dans le registre familier, pour désigner la télévision,
surtout dans des contextes péjoratifs (« les blablateurs du fenestron », 28 novembre 1987 ; « les agités du fenestron », 3 avril 1989, 16 ; « les vedettes du fenestron » 13 mai 1991, 29)c.
a L’intégration est tout à la fois phonétique et morphologique.
b Connue indépendamment dans le Midi à date ancienne (VillaGasc 1802 ; JLBGironde 1823)
et aujourd’hui dans les Pyrénées-Orientales.
c Emploi relevé dans Télé-Sept-Jours, 24 novembre 1979 par Doillon, décembre 1979, 9. Le Provençal Y. Audouard est peut-être
l’auteur de cet emploi ; il l’a, en tout cas, diffusé par ses chroniques dans Le Canard enchaîné (v. Doillon, septembre 1980, 20), relayant la locution plaisante étranges lucarnes utilisée dep. 1960 (Rob 1965) dans ce même hebdomadaire.
◇◇ bibliographie. Sauvages 1785 ; VillaGasc 1802 fenêtron ; JBLGironde 1823 fenêtron ; MichelDaudet ; JoblotNîmes 1924 fénestron ; Mâcon 1926 fenêtron ; BrunMars 1931 fenestron ; BaronRiveGier 1939, 19 fenétron ; SéguyToulouse 1950 finestrou ; MazaleyratMillevaches 1959, fenestron, fenestrou ; PierdonPérigord 1971 fenestrou ; VincenzCombeL 1974, 29, § 55 fenétron ; NouvelAveyr 1978 fénestrou ; RLiR 42 (1978), 172 finestrou (Sud-Ouest) ; EspallBernisToulouse 1979 finestrou ; DuclouxBordeaux 1980 fénestron, fénestrou ; GononPoncins 1984 fenétron ; MeunierForez 1984 fenétron ; GermiLucciGap 1985 fenestron ; BouvierMars 1986 fénestron ; MartelProv 1988 fenestron ; MartinPilat 1989 fenêtron ; BlanchetProv 1991 fenêtron, fénestron ; CampsLanguedOr 1991 fenestron, finestrou ; CampsRoussillon 1991 fenestron, finestrou ; LangloisSète 1991 fenestrou ; BoisgontierMidiPyr 1992 fenestrou, finestrou ; ChaumardMontcaret 1992 fenestrou ; MazaMariac 1992 fenestron, fenestrou ; VurpasMichelBeauj 1992 fenêtron ; BlancVilleneuveM 1993 fenêtron ; FréchetMartVelay 1993 fene(s)trou, fenêtron « globalement usuel » ; PotteAuvThiers 1993 fenêtrou, fenestrou, fenestron ; VurpasLyonnais 1993 fenêtron « bien connu » ; FauconHérault 1994 fenestrou ; PolverelLozère 1994 fenestrou ; CovèsSète 1995 fenestron, fenestrou ; FréchetAnnonay 1995 fenêtron, fenestrou « usuel chez les informateurs de 40 ans et plus, attesté au-dessous » ; LaloyIsère 1995 fenêtron ; SalmonLyon 1995 fenestron, fenêtron, fenetron ; GermiChampsaur 1996 fenestron ; QuesnelPuy 1996 fenestrou ; FréchetDrôme 1997 fenêtron, fenestrou « globalement usuel » ; FréchetMartAin 1998 fenêtron, fenestron « globalement connu » ; MichelRoanne 1998 fenêtron « usuel » ; PlaineEpGaga 1998 fenêtron « encore utilisé » ; BouisMars 1999 ; FEW 3, 452b, fenestra.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Alpes-Maritimes, Corrèze, Dordogne, Var, 100 % ; Hautes-Alpes,
75 % ; Bouches-du-Rhône, 60 % ; Creuse, Pyrénées-Orientales, 55 % ; Alpes-de-Haute-Provence,
Vaucluse, 50 % ; Haute-Vienne, 40 %.
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