souillarde n. f.
〈Au sud d’une ligne allant de la Loire-Atlantique à la Franche-Comté〉 habitat rural traditionnel "pièce attenante à la cuisine, où l’on fait la vaisselle et divers travaux salissants". Stand. arrière-cuisine. Synon. région. bassie*, évier*, patouille*. – Table de la souillarde (J. Anglade, Un front de marbre, 1970, 67) ; buffet de la souillarde (R. Deforges, La Bicyclette bleue, 1981, 192), étagère de la souillarde (L. Pujol, Le Temps des fleurs, 1989, 45). Souillarde humide et obscure (F. Buffière, « Ce tant rude » Gévaudan, 1985, 157). La souillarde où Louise faisait la cuisine (P. Moinot, Le Matin vient et aussi la nuit, 1999, 106). Toilette à l’eau froide, rapide, dans l’évier de la souillarde (J.-Cl. Carrière, Le Vin bourru, 2000, 35).
1. Il sortit de la souillarde avec une bouteille d’un liquide blanc comme de l’eau […]. (J. Giono, Le Hussard sur le toit, 1951, 52.)
2. Claudine était sortie de la souillarde. Elle s’approcha en s’essuyant les mains dans un torchon de vaisselle. (B. Clavel,
La Maison des autres, 1991 [1962], 116.)
3. Françoise découvre la vaste cuisine, l’office immense et la souillarde où un tonneau de vin est en perce sur des X de bois. (M. Lebrun, Les Ogres, 1990 [1971], 16.)
4. […] l’agitation incessante des femmes d’autrefois, sans cesse en déplacement entre
la table et le feu, entre la cuisine et la souillarde, entre le fricot dans sa cocotte et on ne savait quoi, mangeant debout comme si elles
venaient de voler de temps à autre un morceau. (R. Béteille, La Vie quotidienne en Rouergue avant 1914, 1973, 12.)
5. […] elle a buté sur la petite marche qui sépare la cuisine de la souillarde et elle s’est affalée de tout son long. (J.-Cl. Coursaud et al., Gens du bord de Sèvre, 1979, 30.)
6. […] dans un coin de la souillarde, il y a la mère poule, la grise, toute gonflée de plumes chaudes et de tendresse.
(J. Jaussely, Deux saisons en paradis, 1979, 16.)
7. Courtois s’attendait à découvrir une souillarde d’homme seul – boîtes de conserve jonchant les tables et vaisselle de trente repas
dans les bacs de l’évier. (P. Magnan, Le Tombeau d’Hélios, 1985 [1980], 197.)
8. Autrefois, il n’y avait pas l’eau courante ; avec de la flotte qu’on prenait au puits,
on faisait la vaisselle dans la souillarde et ça faisait évier. (Agriculteur de Montbel [Lozère], dans Ph. Bonnin et al., « Habiter et se déplacer en Margeride », Ethnologie française 11, 1981, 11.)
9. […] la souillarde, avec son évier de pierre monolithe, dont l’eau s’écoule au-dehors de la maison […].
(Pays et gens de France, n° 7, la Côte-d’Or, 5 novembre 1981, 7.)
10. […] la souillarde, un recoin dont l’élément principal est l’évier, creusé dans une grosse pierre et
dont les eaux usées s’écoulent directement à l’extérieur, généralement sur l’arrière
de la maison, par un conduit également en pierre. (Pays et gens de France, n° 12, la Dordogne, 10 décembre 1981, 33.)
11. […] même si vous n’avez pas la chance de conserver dans une souillarde aérée un parfait jambon de la vallée enfermé dans un sac en toile de lin, vous pouvez
préparer cette spécialité […]. (Chr. Bernadac, La Cuisine du Comté de Foix et du Couserans, 1982, 75.)
12. […] des grands pots de grès où elle conservait son miel, bien au frais dans la souillarde. (R. Béteille, Souvenirs d’un enfant du Rouergue, 1984, 85.)
13. Certaines maisons ont une souillarde, d’autres pas. La souillarde est une petite pièce isolée ou un simple recoin, séparé par un rideau […]. Dans la
souillarde on fait la vaisselle, on range le matériel du fromage, le caillé s’y égoutte, certains
aliments y attendent car il y fait frais, un fenestrou* grillagé l’aère et donne une lumière verte et grise de citerne. (M. Rouanet, H. Jurquet,
Apollonie, 1984, 139.)
14. La cuisine qu’elle appelait amoureusement sa kitchenette ressemble maintenant à la
souillarde de ses parents [à Lyon]. La vaisselle s’entasse – les verres surtout – et un fond
de bouteille disperse dans toute la pièce ses relents surs. (N. Avril, La Première Alliance, 1986, 279.)
15. La souillarde est le lieu des préparations de la pâtée des hommes et des animaux, de la toilette
dominicale. On y fait bouillir de l’eau pour les ablutions corporelles et les lessives.
On y stérilise les fruits et les légumes de saison, lave les fûts et les bouteilles.
On y déplume [= plume] les poules, rince la serpillière… (G. Borgeaud, Le Soleil sur Aubiac, 1987, 152.)
16. La chambre donnant sur le patus [= communal] deviendrait cuisine, puis en se délabrant
faute d’entretien, souillarde, où s’accumuleraient au cours d’un demi-siècle toutes les poussières, tous les relents
avec la dominante du tomatat [v. tomata]. (G. J. Arnaud, Les Moulins à nuages, 1988, 243-244.)
17. – Quatre pièces, une souillarde et des dépendances au fond de la cour, s’il te plaît ! (C. Tessier, Eugénie du Château-vert, 1988, 111.)
18. […] elle entendit du bruit dans l’appentis, posé à l’ouest contre la maison. Cet appentis
servait de « souillarde » pour ranger les seaux, les bassines, le linge et les sacs. (L. de La Bouillerie,
Le Chemin de la rote aux loups, 1989, 91.)
19. […] il entra dans la souillarde, pour y déposer le poisson sur la pierre d’évier. (P. Arnoux, Les Loups de la Mal’Côte, 1991, 251.)
20. La cuisine, les chambres, la réserve, le garde-manger, la souillarde, la grange ou la cave, avaient des parfums de fleurs, de fruits, de bois, tabac, cuir,
tissu, épices. (Cl. Fourneyron, Les Rêves bleus, 1993, 55.)
21. […] un placard très ancien, de bois rouge, qui à lui seul, formait la cloison du fond.
Ce mode de construction se voit fréquemment dans les vieilles fermes de chez nous.
Derrière ce mur de bois il y a souvent une cave, ou bien un cellier ou une souillarde, parfois même une chambre. (Y. Gimbert, Roche-Longue, 1994, 164-165.)
22. […] la souillarde, pièce où l’on gardait l’eau dans des seaux, car il n’y en avait pas au robinet, il
fallait aller la chercher à la fontaine. (P. Chevrier, La Haute-Bigue, 1996, 12.)
23. À la Bastide, et bien que nous ayons déjà l’électricité, il n’y avait l’eau qu’à la
pompe à main de la souillarde. (J.-Cl. Libourel, Le Secret d’Adélaïde, 1999 [1997], 51.)
24. […] la souillarde où tante Louise va décrocher le saucisson gris […]. (M. Jouvency, « Momies », dans Vents d’Auvergne, 1998, 92.)
25. Ensemble immobilier sis à marion, comp. de maison d’hab. Rdc : cuis, souillarde, cave voûtée à la suite […]. (Notaires d’Auvergne, n° 40, mars 2000, 15 [concerne Chassignoles, Haute-Loire].)
V. encore s.v. baquet, ex. 7 ; échoppe, ex. 1 ; patouille, ex. 4 et 6 ; pigne, ex. 20 ; sauce, ex. 6 ; tomata, ex. 2.
□ En emploi métalinguistique ou autonymique.
26. Une pièce me remplissait d’horreur. On l’appelait la souillarde, ou, en patois, ét oursé. Elle était carrelée de grosses ardoises. Elle sentait les eaux grasses, qu’on jetait
dans l’évier et dont des surplus mystérieux s’échappaient par des trous, par terre.
(P. Guth, Mémoires d’un naïf, 1953, 17.)
27. Je la pousse vers la cuisine. Au fond de celle-ci se trouve un réduit qu’en Savoie
on nomme « la souillarde » et qui sert de garde-manger. (San-Antonio, Les Doigts dans le nez, 1972 [1956], 147.)
28. Il se dirigea vers la bassi [v. bassie], ainsi nommait-on en patois la souillarde où se tenaient la pierre d’évier, les étagères, les casseroles et, jadis, le seau
d’eau que la Francine avait remplacé par un robinet. (R. Fallet, La Soupe aux choux, 1980, 66-67.)
29. […] à côté de celle-ci [la cuisine] un local appelé la « souillarde » (de souillon, je suppose ?) où se trouve l’évier, le matériel à fromage, des denrées,
des ustensiles, des caisses vides, des bidons pleins… (San-Antonio, Le Casse de l’oncle Tom, 1987, 129.)
30. À côté de cette pièce commune, la plus grande de la maison, il y avait une souillarde, comme on disait alors, dans laquelle ma mère accumulait ses pauvres trésors domestiques,
ses pelhes [v. peille], et qui donnait sur une petite cour […]. (J.-L. Magnon, Les Larmes de la vigne, 1996 [1991], 39.)
V. encore s.v. échoppe, ex. 10.
◆◆ commentaire. Ce régionalisme d’une grande extension, largement répandu au sud d’une ligne allant
de Nantes à la Franche-Comté, est attesté d’abord dans le français de Lyon (1731 dans
Hav 1890, FEW) puis du Languedoc (1756 Sauvages) ; de fr. souillard, ‑arde ("marmiton, laveur de vaisselle", dep. 1331 solhart, à Maguelonne [Hérault], TLF ; aujourd’hui vx ou littér.) désignant, par métonymie,
le local où cette personne exerce son activité. Il est accueilli dans les dictionnaires
généraux contemporains avec une marque diatopique : « Dans le Midi de la France » (GLLF) ; « régional » (Rob 1985 et NPR 1993-2000) ; « région. (sud de la Loire) » (TLF).
◇◇ bibliographie. DuPineauV [ca 1750] ; Sauvages 1756, 344 ; MolardLyon 1792-1810 ; JBLGironde 1823, 136 ; ReynierMars
1829 ; 1832 « dans la souillarde ou lavoir », à Saint-Point, JeannetSLoire ; PomierHLoire 1835 ; GabrielliProv 1836 ; MègeClermF
1861 ; ChambonVayssier 1879 ; OffnerGrenoble 1894 ; PuitspeluLyon 1894 ; LambertBayonne
1902-1928 ; Mâcon 1903-1926 ; ClouzotNiort 1907-1923 ; VachetLyon 1907 ; DauzatVinz
1915, § 4247 ter ; BrunMars 1931 ; PrajouxRoanne 1934 ; MiègeLyon 1937 ; ParizotJarez [1930-40] ;
ManryClermF 1956, 402 ; JamotChaponost 1975, 55 ; BonnaudAuv 1976 ; NouvelAveyr 1978 ;
RLiR 42 (1978), 184 (Vendée, Isère, Lyon) ; GonthiéBordeaux 1979 ; BonnaudAuv 1980 ;
DuclouxBordeaux 1980 ; BecquevortArconsat 1981 s.v. soulhairdo ; OlivierMauriacois 1981, dans la définition d’occ. basseire ; StrakaProbl 1983, 49 et carte 5 ; RézeauOuest 1984 et 1990 ; JaffeuxMoissat 1987,
40 ; SuireBordeaux 1988 et 2000 ; ArmanetVienne 1989 ; MartinPilat 1989 « bien connu à partir de 60 ans, en déclin au-dessous » ; BoisgontierAquit 1991 ; CampsLanguedOr 1991 ; TavBourg 1991 ; BoisgontierMidiPyr
1992 ; ChaumardMontcaret 1992 ; VurpasMichelBeauj 1992 « usuel » ; BrasseurNantes 1993 ; DubuissBonBerryB 1993 ; FréchetMartVelay 1993 « globalement connu » ; PotteAuvThiers 1993 ; VurpasLyonnais 1993 « bien connu » ; FréchetAnnonay 1995 « bien connu à partir de 20 ans » ; SalmonLyon 1995 ; CottetLyon 1996 s.v. pièce ; MazodierAlès 1996 ; FréchetMartAin 1998 ; MichelRoanne 1998 « bien connu au-dessus de 20 ans » ; ChambonÉtudes 1999, 51 (DauzatVinz) et 137 (Pourrat, Gaspard des montagnes) ; MoreuxRToulouse 2000 ; Wiedemann MélJeune, 383 (Fr. Mauriac, Génitrix) ; ALO 694* ; ALLy 629 ; ALLOc 883 (titre de la carte) ; ALMC 717* « Un local contigu à la cuisine sert d’office et de laiterie ; on le dénomme couramment,
en français régional, la souillarde » ; FEW 12, 62a-b, solium.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ariège, Aveyron, Charente, Charente-Maritime, Gers, Hérault,
Landes, Lot, Lozère, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, Deux-Sèvres, Tarn, Vendée,
100 % ; Aude, Cantal, Gironde, Puy-de-Dôme, 90 % ; Gard, 80 % ; Haute-Garonne, 75 % ;
Haute-Loire (nord-ouest), Tarn-et-Garonne, 65 % ; Vienne, 60 % ; Lot-et-Garonne, 20 %.
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