sauce n. f.
〈Surtout Provence, Aude, Ariège, Haute-Garonne, Dordogne, Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées,
Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde〉 usuel "mets fait de morceaux de viande, de poisson ou de légumes cuits avec une sauce". Stand. ragoût.
1. Au souper*, il [mon père] mangeait bien. Ma mère faisait toujours un plat de sauce. Il y ajoutait des grillons* de notre cochon, des fois du boudin ou des andouilles, il faisait dessert de noix
ou de châtaignes bouillies. Moi j’en mange pas, elles me reprochent*. (G. de Lanauve, Les Mémoires d’Anaïs Monribot, 1969, 44.)
2. Les épinards sont le légume-roi de la Provence intérieure, du Rhône au Var. Epinards
en gratin à Apt, en « sauce » (dénomination du ragoût à Apt), à Sainte-Cécile dans le Comtat Venaissin, à Arles,
à Fontvieille, à Collobrières, en tarte encore à Apt. (A. Bouverot-Rothacker, Le Gros Souper en Provence, 1982, 30.)
3. Un plat unique [après la soupe], le plus souvent une sauce que ma mère répartit équitablement. (G. Laporte-Castède, Pain de seigle et vin de grives, 1989, 80.)
V. encore s.v. toupin, ex. 13.
□ Dans un commentaire métalinguistique incident.
4. Concernant les plats de résistance [de la cuisine méridionale], certains confectionnés
aujourd’hui couramment étaient jadis des plats de fête. C’est le cas de la daube (viande
de bœuf) agrémentée d’olives noires, plat dominical par excellence, et des ragoûts
d’agneau et de porc, appelés parfois « sauces ». (D. Bottani, Le Guide des routes de l’olivier, 1996, 62.)
V. encore s.v. gardiane, ex. 2 ; trier, ex. 4.
— sauce de + subst. précisant le végétal ou la viande dont il s’agit. Sauce de cèpes (E. et J. de Rivoyre, Cuisine landaise, 1980, 201), sauce de pommes de terre fortement aillée (G. Laporte-Castède, Pain de seigle et vin de grives, 1989, 215), sauce de poule (M. Gurgand et J.-N. Gurgand, L’Histoire de Charles Brunet, 1982, 160). Croûte garnie d’une sauce de poulet ou d’autre viande (BoisgontierAquit 1991, définition de tourtière). Sauce de porc frais (BoisgontierMidiPyr 1992, définition de fricassée). Sauce de cochon (A. Aviotte, Artichaut, 1996, 41).
5. S’il passait quelqu’un[,] on lui donnait à manger des haricots, de la salade, ou un
poulet, une sauce de poule… ce qu’on avait ! on faisait avec ce qu’on avait !… (Témoignage d’une patronne
de café-épicerie, dans G. Charuty et al., Gestes d’amont, 1980, 89.)
6. Faire les lits, ranger la souillarde*, éplucher les légumes de la soupe, surveiller la sauce de haricots sur le feu, […] repriser les fonds de culotte de ses frères, ça ne prend
pas toutes les heures de la journée. (Chr. de Rivoyre, préf. à E. et J. de Rivoyre,
Cuisine landaise, 1980, 29.)
7. La coquelle* est pratique aussi pour cuire vite une sauce de pommes de terre à l’ail, des haricots aux pruneaux ou bien des pommes de terre
à l’étouffée. (G. Laporte-Castède, Pain de seigle et vin de grives, 1989, 79.)
8. Midi a sonné depuis longtemps déjà. On s’attable pour faire un sort à la sauce de porc. (G. Laporte-Castède, Pain de seigle et vin de grives, 1989, 200.)
9. La sauce de veau ou de lapin ne prenait place entre le bouilli et le rôti qu’à l’occasion
des principales fêtes de l’année : Noël, Rameaux, Pâques, Pentecôte, et le jour de
la fête patronale. (A. Paraillous, Le Chemin des cablacères, 1998, 166.)
V. encore s.v. fricassée, ex. 12.
● 〈Charente-Maritime, Charente〉 sauce à la/de pire loc. nom. f. vieilli "ragoût à base de poumons (pire blanche/molle) ou foie (pire noire/dure) de porc".
10. On commençait [le repas de cochon] par une soupe et un morceau de tête ou un pot-au-feu.
Suivait le boudin […] ; puis c’était la « sauce à la pire ». Il y avait deux sortes de « pires » : la « pire molle » désignant le poumon et la « pire dure », le foie. Découpées en morceaux, on les faisait « revenir » dans du saindoux en y ajoutant des morceaux de rate et de cœur […] ; le tout devait
mijoter au moins trois heures. Ce mets était alors très réputé et tout à fait indispensable
à une telle festivité. (M. Mathé, Les Sentiers d’eau, 1978, 126.)
■ encyclopédie. Recettes de « Sauce à la pire » dans L’Encyclopédie de la cuisine régionale. La Cuisine de Vendée, Poitou, Charentes, 1980, 92. Recettes de « Sauce de pire » dans J.-E. Progneaux, Les Spécialités et recettes gastronomiques charentaises, 1980, 123 et dans Aguiaine 7, 1973, 135 et 15, 1981, 354-358.
● sauce aux lumas. Voir s.v. luma.
— 〈Ain〉 sauce noire loc. nom. f. "civet de porc" La sauce noire faisait invariablement partie du menu de la saint-cochon (FréchetMartAin 1998).
◆◆ commentaire. Cet emploi, par méton. de fr. sauce "préparation liquide ou semi-liquide qui accommode ou accompagne certains mets" (dep. ca 1165 sause, Chrétien de Troyes, v. TLF), est absent de la lexicographie générale et n’a guère
été retenu dans la lexicographie régionale que par MussetAunSaint "ragoût, civet" (cf., parallèlement, dans les patois, susa "brouet de pommes de terre et de lait", Val d’Aoste, et sosa "tout plat où il y a de la sauce", Crémine [canton de Berne], tous les deux dans FEW). Il ne semble guère en usage
que dans la partie méridionale de la France (notamment Sud-Est et Sud-Ouest), certaines
lexies apparaissant restreintes, ainsi que leur référent, à des aires en limite (sauce de poule dans les Deux-Sèvres ; sauce de pire dans les Charentes) ou à l’extérieur (sauce noire dans l’Ain) de ces zones. L’absence de signalement de ce sens dans les relevés régionaux
récents, alors qu’il est utilisé dans la métalangue, témoigne à l’évidence en faveur
de sa parfaite légitimitéa.
a Confirmé par cette communication de Cl. Martel : « Sauce n’est pas perçu comme un régionalisme ».
◇◇ bibliographie. MussetAunSaint 1948 ; SéguyToulouse 1950, 76 « sauce à la pampane (pommes de terre et persil) » ; RézeauOuest 1984 sauce de pire s.v. pire ; BoisgontierAquit 1991 dans la définition de tourtière ; SuireBordeaux 1991 dans la métalangue s.v. mauguette ; BoisgontierMidiPyr 1992 dans la définition de fricassée ; FEW 11, 108-109a, salsus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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