lauze n. f.
〈Saône-et-Loire, Haute-Savoie, Savoie, Ain, Rhône, Loire, Isère, Drôme, Provence, Gard,
Hérault, Ariège, Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot, Aveyron, Lozère, Ardèche, Haute-Loire,
Cantal, Puy-de-Dôme, Corrèze, Dordogne〉 usuel "pierre plate, obtenue par délitement de divers types de roches (notamment calcaire,
schiste et phonolite), utilisée surtout comme revêtement pour les toitures ou dallages".
1. […] la borne hectométrique sur le bord de la route, au milieu du virage. C’était une
lauze plantée de chant, peinte en blanc et timbrée du chiffre 9, en noir, au pochoir. (J.-P. Chabrol,
La Banquise, 1999 [1998], 272.)
V. encore s.v. toupine, ex. 3.
— Au sing., à valeur générique. La vieille lauze du toit (R.-A. Rey, La Passerelle, 1976, 15). Couvreur de lauze (J. Mallouet, Les Jours chiffrés, 1999, 98). Cette ferme restaurée a gardé ses toits de lauze (Le Guide rouge 2000, 2000, 1035 [Auberge de Pailherols, Cantal]).
2. – Mais il existe toujours, en Lozère, de la belle pierre à bâtir, de la lauze ?
– Oui, mais à quel prix ! Par exemple, le mètre carré de lauze revient à 75 francs, tandis que l’ardoise d’Angers ne coûte que 32 francs (« L’atelier lozérien d’architecture », Lou Païs 177, novembre 1971, 214.) 3. J’ai jeté, par la fenêtre, un regard rapide sur la dégringolade des toits de lauze grise… (Cl. Bourgendre, Le Tablier de sapeur, 1979, 13.)
4. Comme l’ardoise, la lauze s’obtient par délitage. Fendue dans son épaisseur à coups de burin, la dalle de schiste
ou de phonolite éruptive s’ouvre en plusieurs écailles, les lauzes, que le couvreur
retaille avec un marteau spécial ressemblant à une petite pioche. (Pays et gens de France, n° 18, le Cantal, 21 janvier 1982, 7).
5. Au-delà de la Loire, vers l’est, un autre type de couverture transforme le paysage
et s’intègre à lui bien mieux que ne le fait la tuile. C’est le toit de lauze, dont la nuance gris-bleu de myrtille se marie sans heurt avec les bois et les prairies.
La lauze, nom de terroir qui tend à se généraliser, n’a qu’une parenté d’aspect avec la fine
ardoise schisteuse de l’Anjou. C’est une plaque phonolitique épaisse et très lourde,
qui peut atteindre 1 m2 de surface et exige, en conséquence, des charpentes d’une robustesse à toute épreuve.
(Pays et gens de France, n° 22, la Haute-Loire, 18 février 1982, 6-7.)
6. Un prunier sauvage se dressait comme un drapeau sur l’arête de la grange où s’étageaient
de grosses pierres de lauze. (M. Peyramaure, L’Orange de Noël, 1996 [1982], 15.)
7. En Rouergue, comme dans bien des provinces françaises, toute construction en pierre
était, ainsi que la couverture de lauze, signe d’une certaine aisance. (Robert Aussibal, « L’église St-Pierre-d’Alzobre près de Ste-Eulalie-de-Cernon », Revue du Rouergue 9, 1987, 68.)
V. encore s.v. lauzier ci-dessous ; s.v. tuile, ex. 9.
— Au pl. Lauzes de schistes [sic] neuves (Ethnologia 24, 1982, 287) ; lauzes de schistes [sic] de récupération (ibid.). Carrières de lauzes. Le bruit de la pluie sur les lauzes du toit (J. Mallouet, De mes montagnes, 1997, 76). Terrasses aux lauzes luisantes comme des pièces d’eau (P. Magnan, Le Parme convient à Laviolette, 2000, 16).
8. Vous êtes descendu dans la cave du Cagnard ? C’est une seule voûte, immense, de lauzes – des pierres plates – collées les unes contre les autres comme les cartes dans un
paquet, sans une pincée de ciment. (J.-P. Chabrol, La Gueuse, 1966, 98.)
9. […] bergeries écrasées au sol sous le poids d’énormes lauzes que le soleil piétine et dont les débris blanchissent par terre comme des omoplates
[…]. (J. Carrière, L’Épervier de Maheux, 1972, 5.)
10. Son mas est l’un des plus beaux, des plus fidèles à la tradition cévenole. On y arrive
par un chemin creux […]. On chemine sous de hautes treilles de clinton* et d’isabelle jusqu’au portail qui donne sur une cour pavée de lauzes. (J.-P. Chabrol, Le Crève-Cévenne, 1993 [1972], 1057.)
11. La beauté des grands toits de pierre est réelle : avec leurs plaques de schistes,
leurs lauzes de lave, c’est tout un camaïeu gris-bleu. (A. Fel, L’Auvergne, le Bourbonnais, 1973, 36.)
12. Burons* à demi ensevelis dans l’herbe, petits oratoires bucoliques et païens couverts de
lauzes où on porte au son des clochettes les présents de la prairie : le lait blanc coagule
en meules sur le feu de bois […]. (J. Gracq, Lettrines 2, 1990 [1974], 15.)
13. Peu de forêts croissent dans cette partie du territoire, beaucoup de roches plus ou
moins volcaniques, de superbes lauzes […] bordent les chemins et routes de ces petits villages ou bien encore servent de
toitures aux fermes environnantes. (Didier Guillaumont, « Chanteloube », Per lou Chamis 22, 1977, 3.)
14. Puissantes bâtisses de granit de la Montagne caparaçonnées de lauses (une toiture de ce genre avait la réputation de durer cent ans), pour combattre le
froid d’un hiver de six semaines et la burle* qui balaie les grands plateaux silencieux. (Ch. Forot, M. Carlat, Le Feu sous la cendre, t. 2, 1979, 527.)
15. Le torrent est devenu courant d’été et il attend les pluies d’automne qui rouleront
sur ses galets comme elles crépitaient, jadis, sur le sentier de lauzes grises où tintait le bâton du vieux. (A.-M. Rey, Griotte, 1979, 17.)
16. Les toits de lauzes, hélas, deviennent de plus en plus rares, leur prix de revient étant prohibitif, comparé
à celui des matériaux plus modernes. (Pays et gens de France, n° 11, la Dordogne, 3 décembre 1981, 6.)
17. – La menthe, expliquait-elle à Antonin, tu la reconnaîtras à son parfum. Elle pousse
à l’ombre de nos murs de lauzes. (Chr. Signol, Antonin Laforgue, paysan du Causse, 1897-1974, 1981, 35.)
18. […] le toit couvert de lauzes de schiste, ornées d’étoiles de lichens vertes et jaunes (une couverture dont le
principe est celui des écailles de poisson) […]. (M. Rouanet, H. Jurquet, Apollonie, 1984, 131.)
19. Dans les hautes vallées d’Auzat, si sauvages dans leur âpreté minérale, les habitants
ont toujours construit des maisons de lauzes : murs de lauzes, toits de lauzes, sols de lauzes… (M. et D. Dejean, L’Ariège d’autrefois, 1992, 102.)
20. La couverture de chaume était la plus traditionnelle. Les lauzes se sont répandues à partir du xixe siècle : dans les massifs volcaniques, les phonolites qui se délitent facilement
sont des matériaux de choix. Ces dalles, qui peuvent atteindre 80 cm de large et 4
d’épaisseur, sont taillées sur place au marteau. (Itinéraires de découvertes. L’Auvergne, 1997, 93.)
21. Les toits [à Granile] sont en lauzes grises, mais, pour égayer les façades (et écarter les moustiques), les fenêtres sont
bordées d’une large bande bleue. (J. Onimus, Les Alpes-Maritimes, 1999, 117.)
22. Le bourg* – Maison de caractère toiture lauzes en BE [= bon état], cuis-séj avec cantou* […]. (Notaires d’Auvergne, n° 40, mars 2000, 11 [concerne Saint-Martin-Cantalès, Cantal].)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
23. Enfin, à travers les petits arbres, Angélo aperçut une bergerie. Ses murs étaient
couleur de pain et elle était couverte en lauze [sic, au sing.], qui sont d’énormes pierres plates très lourdes. (J. Giono, Le Hussard sur le toit, 1951, 15.)
24. Les toits sont en « lauzes », c’est-à-dire en pierres plates, si monstrueusement lourdes qu’il faut pour les supporter
des charpentes renforcées, en cœur de chêne, impérissables. (M. Bataille, L’Arbre de Noël, 1967, 60.)
25. On reconnaît Argentat [Corrèze] […] de loin à ses toits en lauze [sic, au sing.], ces pierres plates issues des carrières[,] que l’on fixait avec des chevilles
en bois. (Le Monde, 18 juin, 1994, 9.)
26. […] une cave aplatie couverte de lauzes, c’est-à-dire de pierres du pays disposées comme des tuiles […]. (M. Massalve, Marie du fond du cœur, 1998, 74.)
■ graphie rare lause « La lause adoucit la pente du toit (37 à 40°), mais nécessite, de par son poids, des charpentes
énormes en sapin […] » (M. Carlat, dans M. Carlat, L’Ardèche, 1985, 34). V. encore ici ex. 14 et s.v. burle, ex. 10.
■ remarques.
1. Dans le français de la Loire, le terme connaît des sens différents : 〈Saint-Étienne〉 "grès houiller micacé" (dans TLF) et 〈Poncins〉 "argile verte, compacte, qui se trouve en bancs tombant à pic dans le cours du Lignon
et du Vozézy" (GononPoncins 1984 s.v. lôze ; cf. GononPoncins 1947, 115a lôse).
2. Lauzes d’Auvergne "(nom d’une marque de petits biscuits, affectant la forme d’une lauze, fabriqués, d’après
une vieille recette familiale, de façon entièrement artisanale d’où leurs formes parfois
assez irrégulières, distribués par A. Ménès, 41 bd Malesherbes, 75008, Paris)" ; lauzes de Lioujas "petis biscuits analogues aux précédents, produits à Lioujas, commune de La Loubière
(Aveyron) par l’Épi du Rouergue, boulangerie-pâtisserie industrielle".
■ dérivés.
1. lauzeur n. m. 〈Ardèche〉 "artisan qui utilise la lauze". « Mais comme ces lauses*, extrêmement dures, ne peuvent pas être percées avec des moyens rudimentaires, le
lauseur leur taillait des encoches sur le toit, au moment de les placer […] » (M. Carlat, dans M. Carlat, L’Ardèche, 1985, 34).
2. lauzier n. m. "artisan qui utilise la lauze". En appos. « La lauze* est aujourd’hui hors de prix, les couvreurs-lauziers rarissimes : les toits de pierre du Cantal sont des monuments à préserver, il n’y
en aura pas d’autres » (L’Événement du jeudi, 29 juillet 1993, 99).
◆◆ commentaire. Ce type lexical, qui couvre dans le français de France une vaste aire méridionale
en forme de quadrilatère délimité par la Saône-et-Loire, la Dordogne, l’Ariège et
la Savoie (avec prolongement dans le Val d’Aoste) est emprunté à l’occ. (cf. lauza, lausa "pierre plate ; dalle" dep. 1174, Pans) ; attesté en français dep. 1616 à l’évêché de Clermont (« et par dessus desquelles chappelles y a un colombier couvert de lozes » visite épiscopale, citée par G. Fournier, « Notes historiques sur Ardes et sa paroisse », BullAuv 97, 1995, 501, n. 43), cf. pierre loze "ardoise" à Vevey, 1573 (FEW cité par TLF) ; 1790 (« pour la réparation des deux domaines ou à la maison tant en plancher[,] lauze et journée » Chr. Bertholet, « Bellecombe : une abbaye cistercienne en Velay au xviiie siècle », Per lou Chamis 44, 1984, 51) ; 1737 (« de bonnes lozes », à Vérizet, dans JeannetSLoire), 1798 lozes pl. (Dolomieu, dans Journal des mines, v. TLF), et 1801 lauze (Stendhal, v. TLF), il est entré dans les dictionnaires du français dep. Littré 1867
sous la forme lause et les dictionnaires contemporains enregistrent lause ou lauze comme un terme du « Sud-Est » (Rob 1985) ou du « Sud et Sud-Est » (GLLF et TLF). L’absence de marque dans NPR 1993-2000 et Lar 2000 indique probablement
que le terme est considéré comme dérégionalisé (cf. ici ex. 5 « nom de terroir qui tend à se généraliser »).
◇◇ bibliographie. VillaGasc 1802 ; RollandGap 1810 ; PomierHLoire 1834, 225 ; PomierHLoire 1835 ; GebhardtOkzLehngut
1974 et RLiR 38, 1974, 192 ; NouvelAveyr 1978 laouse ; BonnaudAuv 1979 ; MartinAoste 1984 "ardoise" ; BoisgontierMidiPyr 1992 ; FaraçaVans 1992, 39 lauzes dans la métalangue ; FréchetMartVelay 1993 « usuel » ; GagnySavoie 1993 ; PruilhèreAuv 1993 ; FréchetAnnonay 1995 « usuel à partir de 20 ans, connu au-dessous » ; MazodierAlès 1996 ; FréchetDrôme 1997 ; ValMontceau 1997 ; FréchetMartAin 1998
« globalement connu » ; MichelRoanne 1998 « connu » ; QuesnelPuy 1998 ; FEW 5, 211a, *lausa.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ardèche, Ariège, Aveyron, Drôme, Haute-Garonne, Loire, Haute-Loire,
Lot, Rhône, Savoie, Haute-Savoie, Tarn, 100 % ; Tarn-et-Garonne, 65 % ; Isère, 60 % ;
Ain, 20 %.
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