coinche, coinchée n. f.
I. 〈Surtout Essonne, Val d’Oise, Normandie, Côtes-d’Armor, Finistère, Loire-Atlantique, Mayenne,
Maine-et-Loire, Centre-Ouest, Indre-et-Loire, Eure-et-Loir, Loir-et-Cher, Loiret,
Saône-et-Loire (Bresse louhannaise), Côte-d’Or, Lorraine, Territoire-de-Belfort, Doubs〉 usuel coinchée "jeu de cartes populaire, variété de manille où l’on contre l’adversaire (on dit Je coinche ! en tapant du poing sur la table)". Stand. manille coinchée.
1. Installés autour du tapis Quinquina, on professait tous les quatre le même amour des
cartes, la manille, la coinchée ou la chouine dont Julien était si friand. (M. Chabot, L’Escarbille, 1978, 102.)
2. Notre table est restée là ; à sa place près de la croisée. C’est le coin des vieux
kroumirs qui, chaque vesprée, se tapent la coinchée et la manille aux enchères. (L.-A. Gauthier, Les Fidarchaux de Cabrefontaine, 1978, 11.)
3. Olivier qui ne savait jouer qu’au pouilleux et à la bataille tentait toujours vainement
de comprendre la règle de ces jeux comme le bridge auquel on jouait à l’appartement
ou la coinchée, la manille, la belote tout-atout ou sans-atout qu’on appréciait au café. (R. Sabatier,
Les Fillettes chantantes, 1980, 157.)
4. Un samedi après-midi, il y avait bien une dizaine de bonshommes au bistrot, chez Pierre
Bonenfant ; ils jouaient à la coinchée et à l’aluette en buvant force bolées de cidre. (L. Petiot, La Bretagne rit, 1982, 113.)
5. Commencé vers quatre ou cinq heures le matin, le jour du porc allait se terminer fort
tard dans la nuit car le repas de gratons* était très souvent suivi d’interminables parties de belote et de « coinchée ». (R. Béteille, Souvenirs d’un enfant du Rouergue, 1984, 169.)
6. Pour les joueurs de poker ou de bridge, Abel avait une tout autre considération que
pour les batteurs de coinchée. (C. Tessier, Eugénie du Château-vert, 1988, 109.)
7. – […] Le Justin […] joue à la coinchée ou au tarot. (M.-Th. Boiteux, Le Secret de Louise, 1996, 171.)
8. Originaire de Normandie, il fut champion de belote il y a une dizaine d’années. Taper
le carton, ça lui plaît. Rue de Mulhouse [à Belfort], Francis est réputé pour sa chance
au cours des parties de coinchée. (L’Est républicain, éd. Belfort, 10 octobre 1999, 253.)
9. Les réunions qui se tenaient à l’Union, traditionnellement le dimanche, à la sortie
de la messe de onze heures, donnaient l’occasion aux gens de la campagne et du bourg* de se réunir pour parler récolte, prix des denrées, cours du bétail, colporter les
menus potins et débattre des affaires publiques, en jouant à la belote ou à la coinchée, dans la grande salle ménagée à cet effet. (P. Malet, Médecin d’ vaches.Paroles d’un véto de l’Ouest, 1999,146.)
V. encore ici ex. 12.
● Dans le syntagme concours de coinchée.
10. Lucien reçoit la visite de Maurin, le fermier voisin :
– Viens-tu au concours de coinchée, demain, Lucien ? (C. Paysan, L’Empire du taureau, 1982 [1974], 126.) 11. Et puis, ce dimanche-là il y avait des concours de coinchée, de quilles, de palets*, à Daumeray […]. (L. Boutin, Louis Rougé, le braconnier d’Anjou, 1979, 42.)
12. Liernais / Coinchée. – Le club Regain vous propose un concours de coinchée dimanche à la salle du mille clubs [sic] à partir de 14 heures […]. (Le Bien public/Les Dépêches, éd. Haute Côte-d’Or, 7 février 1998, 12.)
— Par méton. "partie de coinchée".
13. Les hommes ne partaient pas sans avoir joué le vin chaud en des « coinchées » fort animées. (Aguiaine 6, 1972, 366.)
14. Ils sortaient alors les cartes en recommandant un café arrosé puis se concentraient
sur leur coinchée ou manille à quatre. (S. Anne, Victorine ou le Pain d’une vie, 1985, 61.)
■ dérivés. peu usuel coincheur n. m. "joueur de coinchée". « […] il pourrait, avec la Zabelle, manger à la table d’hôtes chez l’aubergiste Bonin
“Au Rendez-vous des coincheurs” […] » (L.-A. Gauthier, Les Fidarchaux de Cabrefontaine, 1978, 144).
II. 〈Haute-Savoie, Ain, Rhône, Loire, Isère, Drôme, Ardèche, Haute-Loire (Velay)〉 usuel coinche "variété du jeu de belote dans laquelle on annonce le nombre de points escomptés". Jouer à la coinche (VurpasMichelBeauj 1992). Partie de coinche (Cl. Lucas, Suerte, 1998 [1995], 250). La Coinche stéphanoise, nom d’une association (Annuaire électronique 1999).
15. La coinche s’accompagnait de coups de poing rageurs et haussait le ton jusqu’à ce que la dernière
levée fasse venir l’injure. (R. Wallet, Portraits d’automne, 1998, 43.)
● Dans le syntagme concours de coinche.
16. La soirée s’est conclue par un dîner dansant aux « Deux perdrix » [à Villefontaine, Isère]. Une belle façon de terminer une belle journée avant d’entamer
le concours de coinche qui aura lieu en fin d’année. (Le Dauphiné libéré, 2 octobre 1996, 9.)
17. cailloux-sur-fontaine. – Concours de coinche organisé par le Football-club, ce samedi à 14 heures à la salle des fêtes. Nombreux
lots. […] lyon. – Ce vendredi à 18 h 30, concours de coinche de l’Amicale des Espaces verts de la Ville de Lyon […]. Toutes les doublettes seront
primées. (Le Progrès, éd. Lyon, 28 novembre 1997, 18.)
18. Foyer des anciens de la Serinette […] ; mercredi 21 à 14 heures 30, concours de coinche au foyer […]. (Var-Matin, 3 octobre 1998.)
— Par méton. "partie de coinche". Faire une coinche (FréchetMartAin 1998).
◆◆ commentaire. Deux dénominations de jeux de cartes montrant une nette répartition spatiale ont été
tirées du verbe coincher* (en usage dans l’Ouest et dans les environs de Lyon) : I. (dep. 1934, v. RézeauOuest), par ellipse sur manille coinchée (dep. Genevoix 1928 [né à Decize, enfance à Châteauneuf-sur-Loire] ; dans la lexicographie
dep. Lar 1931), est attesté sur une large aire occidentale ainsi que dans le Centre-Est ;
II., déverbal documenté à l’écrit dep. 1992 seulement, est représenté dans la région lyonnaise.
Les deux mots sont très probablement nés au 20e siècle ; cf. les dates d’apparition de manille (dep. 1883, TLF) et de belote (dep. 1926, TLF ; jeu signalé pour la première fois en 1906, v. FEW 22/1, 189a, n. 6). GLLF enregistre coinchée ("manille où l’on peut coincher"), sans date, sans exemple et sans marque ; Rob 1985 (avec un exemple de Sabatier
1975 et de L’Express 1977) et TLF indiquent, outre belote/manille coinchée, le substantif coinchée sans marque diatopique. Le terme coinche est ignoré de la lexicographie générale.
◇◇ bibliographie. (I) RézeauOuest 1984 et 1990 ; Lorraine (comm. A. Litaize). – (II) VurpasMichelBeauj 1992 « usuel au-dessus de 20 ans » en Beaujolais viticole et « bien connu au-dessus de 60 ans » en Haut-Beaujolais ; FréchetMartVelay 1993 « usuel à partir de 20 ans » ; FréchetAnnonay 1995 « usuel » ; SalmonLyon 1995 ; FréchetDrôme 1997 ; FréchetMartAin 1998 « usuel » ; MichelRoanne 1998 « usuel » ; PlaineEpGaga 1998 « très fréquent ».
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I) Charente, Charente-Maritime, Deux-Sèvres, Essonne, Indre-et-Loire, Loir-et-Cher,
Val-d’Oise, Vienne, 100 % ; Eure-et-Loir, 80 % ; Vendée, 75 % ; Côtes-d’Armor, Normandie,
65 % ; Finistère, 60 % ; Loiret, 40 % ; Morbihan, Seine-et-Marne, 0 %. (II) Ain, Ardèche, Isère, Loire, Haute-Loire (Velay), Rhône, 100 % ; Drôme, Haute-Savoie,
50 %.
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