poche1 n. f.
I. 〈Vendée〉 usuel fausse poche loc. nom. f. "poche intérieure d’un vêtement de dessus (veste, manteau, imperméable, blouson, etc.)".
1. – Tiens, mon gars, j’ai ce qu’il te faut ! Le journal est là, dans ma fausse poche. (J.-F. Bourasseau, Le Rosé de Pissotte, 1988, 93.)
II. 〈Mayenne, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire〉 rural, vieillissant "grand sac de jute, destiné à transporter des céréales, de la farine".
2. Sous la bruine par contre nous restions des journées entières, les juments trempées
de pluie et de sueur, le fumier collant à mes pas. J’avais un vieux chapeau de feutre,
une poche à blé par-dessus mon paletot, attachée avec un clou. (J.-L. Trassard, Des cours d’eau peu considérables, 1981, 197.)
3. Il rejoignait Heurtebise pour donner son avis sur la qualité de sa récolte en plongeant
la main dans les poches de cent livres, égrenant l’échantillon en une belle pluie
d’or. / Monter le grain au grenier était l’affaire des plus solides gaillards. Le
porteur commençait par rassembler les rebords de la poche qu’il nouait solidement avec de la ficelle de lieuse. Après quoi il empoignait la
rosette des deux mains tandis qu’un autre gars costaud saisissait les oreilles du
fond. Les deux hommes balançaient la poche de grain en accentuant progressivement,
mais prudemment, le mouvement. Et, soudain, le porteur pirouettait sur lui-même, en
ployant les jambes. La poche devait retomber en équilibre sur son épaule droite. […]
Quand notre homme réapparaissait à la porte du grenier, la poche vide pliée sur l’avant-bras, il attendait de la cantonade ce clin d’œil, cette considération
furtive, cet hommage que les campagnes ont toujours voué à la robustesse, qui est
tout le contraire de la brutalité. (G. Mercier, Le Pré à Bourdel, 1982. 153.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
4. Pour monter les sacs, un élévateur composé d’une grosse corde munie à son extrémité
d’un nœud coulant en cuir : nous attachions le haut du sac (de la poche), nous tirions sur une autre corde qui commandait une sorte de tasseau fixant une
poulie folle sur laquelle s’enroulait la corde du sac. (Cl. Rivals, Pierre Roullet, La vie d’un meunier, 1983, 68.)
— Par métonymie "sac rempli". Une poche de grain (G. Mercier, Le Pré à Bourdel, 1982, 34). V. encore ici ex. 3.
III. 〈Val d’Oise, Essonne, Seine-et-Marne, Bretagne, Mayenne, Sarthe, Maine-et-Loire, Centre-Ouest,
Indre-et-Loire, Eure-et-Loir, Loir-et-Cher, Loiret, Rhône, Isère, Hérault, Pyrénées-Orientales,
Aquitaine, Aveyron, Haute-Loire (Velay), Puy-de-Dôme, Limousin, Dordogne, Lot-et-Garonne,
Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde〉 usuel
1. "sac d’emballage en papier ou en plastique". Stand. sachet. Synon. région. cornet*, pochon1* . – Je vous donne une grande poche ? comme cela, vous pourrez y mettre vos autres courses (Maraîcher de Coussay-les-Bois, env. 50 ans, au marché de La Roche-Posay, Vienne,
20 juillet 1999). Les poches d’Intermarché (A. Yzac, Le Dernier de la lune, 2000, 17).
5. J’ai travaillé dans une papeterie. On faisait des poches pour les chapeliers. (R. Guérin, La Peau dure, 1982 [1948], 17.)
6. Elle était essoufflée. Elle s’était allongée [= avait fait un détour et mis du temps]
à faire ce qu’ils appellaient du « lèche-vitrines ». […] elle emportait sous son bras des poches bourrées de guenilles qu’elle s’était achetées. (Y. Viollier, La Mariennée, 1980, 76.)
— Dans les syntagmes poche de / en papier ; poche en plastique.
7. Il [le père] songea aussi à fabriquer des poches en papier. A ce mot, je sursautai. Une fois, à Ossun [Hautes-Pyrénées], mon oncle avait gonflé
d’air une poche en papier. Je m’étais approché, sans méfiance. Il l’avait crevée d’un coup brusque des deux
mains. La détonation m’avait glacé. Je classai désormais les poches en papier parmi les traquenards des brutes. (P. Guth, Mémoires d’un naïf, 1953, 133.)
8. La Malvina portait un arrosoir d’eau et un peyradet [= piochon], et Denise une poche de papier pleine d’oignons de jacinthes pour les planter sur la tombe de mon pauvre père. (G. de
Lanauve, Les Mémoires d’Anaïs Monribot, 1969, 142.)
9. Drame au zoo de Pessac [Gironde] : Sabu l’éléphant avait avalé par gourmandise des
poches en plastique. Il succombe à une occlusion intestinale. (La France, éd. Bordeaux, 17 septembre 1984 [titre], dans BoisgontierAquit 1991.)
□ En emploi autonymique ou métalinguistique. Une « poche », autrement dit un sac en plastique (G. Borgeaud, Le Soleil sur Aubiac, 1987, 174).
10. En temps de détresse, où on « racle les fonds de tiroir », nous savons bien ce que nous disons à Paris si nous proclamons qu’hélas ! il faut retourner les poches. Mais savez-vous ce que ça veut dire – juste les mêmes mots – à Poitiers ou à Niort ?
Ça veut dire : il faut rapporter les sacs en papier. (M. Cohen, Regards sur la langue française, 1950, 34.)
11. Quel pays étrange [le Lot-et-Garonne], où nos escargots se muent en limaçons, où les
volets aux façades des maisons deviennent contrevents, où les commerçants vous sortent
une « poche » en papier de dessous leur comptoir pour ranger vos achats ! (R. Iss, … Et les roses ont menti, 1993, 123.)
V. encore s.v. torchon de plancher, ex. 1.
— 〈Deux-Sèvres, Vienne, Charente〉 poche à farci loc. nom. f. "filet dans lequel on fait cuire le farci* (ou parfois une poule au pot)".
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
12. […] déposer l’ensemble des ingrédients dans plusieurs grandes feuilles de choux préalablement
ébouillantées, puis dans une poche à farci, véritable filet fabriqué par les cordiers de la région. (M. Valière, dans Poitou (Haut-Poitou). Deux-Sèvres, Vienne, 1983, 94.)
V. encore s.v. farci, ex. 7.
2. Par méton. "contenu de ce sac". Une poche de café (Cl. et J. Heury, Le Crêt de Fonbelle, 1981, 236).
13. – Je vous fais bon poids. Demain, j’aurai des lentilles. Je vous en garde une grande
poche. Elles seront plus chères, que voulez-vous, c’est la guerre. (J. Cayrol, Les Enfants pillards, 1989 [1978], 153.)
14. Ici, c’est les anciens qui viennent acheter des échaudés. J’ai eu vendu des échaudés
à des touristes, là, qui passaient : « Qu’est-ce que c’est que ça ? – C’est des échaudés. – C’est bon ? – Je leur dis : Pff… si on veut ; c’est régional. » […] Un beau jour on vient, un mardi – je faisais des échaudés – ils en achètent une
poche. Ils étaient tout chauds, au point et tout… et ils les prennent. Je les ai vus, ils
les ont foutus en l’air […]. (Témoignage recueilli par A. Merlin et A.-Y. Beaujour,
Les Mangeurs de Rouergue, 1978, 66-67.)
15. – Je pourrais peut-être lui acheter une poche de bonbons à ce drôle*, il serait content. (Y. Viollier, La Cabane à Satan, 1982, 191.)
16. Nora était restée un bon moment à regarder les yeux et les bouches des enfants du
bourg* devant ma vitrine. Et le lendemain elle était revenue avec des poches de bonbons. (Chr. de Rivoyre, Crépuscule, taille unique, 1989, 63.)
17. – Et elle vous devra combien, Léa ?
– Rien, une poche de cèpes quand ils se trouveront. (H. Noullet, La Falourde, 1996, 44.) ◆◆ commentaire.
I. Lexie non documentée à date ancienne et absente de la lexicographie générale et régionale ;
aj. à FEW 16, 640b, *pokka.
II. Attesté dep. l’afr. et mfr., ca 1180 puche "bourse, petit sac" (Marie de France, TLF), poche "grand sac de toile pour le blé, l’avoine" (1352, Calais, GdfC), 1457 à Saint-Michel-le-Cloucq [Vendée] (« une poche ou sachet de linge, en laquelle avoit certaine quantité de monnoye » AHP 35, 1906, 26), ce type lexical ne semble s’être conservé en ce sens que dans
quelques aires de l’Ouest, où son usage est d’ailleurs en déclin. Il était déjà d’un
usage restreint au 18e siècle comme l’indiquent des témoignages sur le français du Canadaa (cf. Dunn 1880 et Dionne 1909, dans la métalangue s.v. pochetée ; DQA 1992).
III. Cet emploi particulier du précédent, avec modification du matériau du référent (surtout
papier ou plastique et non plus exclusivement tissu), s’observe principalement aujourd’hui
dans le français du Grand Ouest et du Sud-Ouest de la France, où son usage est quotidien
– et aussi dans le français de Saint-Pierre-et-Miquelon ; mais il a été aussi relevé
dans l’Isère (DucMure, qui le signale aussi en Savoie) et à Lyon (Cl. Fréchet ; J. Serme).
Les dictionnaires généraux rendent mal compte du caractère diatopique du mot (Littré,
GLLF, NPR 1993-2000 et Lar 2000 sans marque ni exemple ; Rob 1985 poche en papier, en matière plastique présentés en syntagmes, sans aucune définition), sauf TLF (« région. (surtout Ouest) », avec exemple d’un auteur vendéen contemporain, ex. 6 ci-dessus).
a V. PotierHalford 1743-1744, 25 et 1755 : « Ils [les Canadiens] disent une poche pour un sac » (Jean-Baptiste d’Aleyrac, Aventures militaires au xviiie siècle d’après les Mémoires de Jean-Baptiste d’Aleyrac, publ. par Charles Coste, Paris, Berger-Levrault, 1935, 31 (FichierTLFQ).
◇◇ bibliographie. DuPineauR [1746-48] s.v. pouche, dans la définition ; DuPineauC [ca 1750] ; JaubertCentre 1864 ; « le mot poche employé chez les confiseurs de la Ville pour sac de bonbons » (P. Eudel, La Gastronomie à Nantes, 1908, 10) ; LambertBayonne 1928 ; PichavantDouarnenez 1978 et 1996 ; SabourinAubusson1983
et 1998 ; RézeauOuest 1984 et 1990 ; DucMure 1990 « régionalisme conscient » ; BrassChauvSPM 1990 ; BoisgontierAquit 1991 ; BrasseurNantes 1993 ; PotteAuvThiers
1993 ; CovèsSète 1995 ; SimonSimTour 1995 ; MoreuxRToulouse 2000 « régionalisme inconscient et général » ; QuesnelPuy 2000 ; SuireBordeaux 2000 ; FEW 16, 638a-b, *pokka.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I) Ø. (III) Ariège, Aveyron, Charente, Charente-Maritime, Corrèze, Dordogne, Essonne, Haute-Garonne,
Gers, Gironde, Landes, Loir-et-Cher, Loire-Atlantique, Lot, Pyrénées-Atlantiques,
Hautes-Pyrénées, Sarthe, Seine-et-Marne, Deux-Sèvres, Tarn, Tarn-et-Garonne, Val-d’Oise,
Vendée, Haute-Vienne, 100 % ; Creuse, Ille-et-Vilaine, Indre-et-Loire, 90 % ; Loiret,
Vienne, 80 % ; Eure-et-Loir, Maine-et-Loire, 50 % ; Lot-et-Garonne, 40 %. – poche à farci : Charente, Deux-Sèvres, 25 % ; Vienne, 20 % ; Charente-Maritime, Vendée, 0 %.
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