coursière n. f.
〈Indre (sud), Allier, Saône-et-Loire, Juraa, Ain, Rhône, Loire, Isère (peu usité)b, Drôme, Ardèche (peu usité), Haute-Loire, Cantal (peu usité)c, Puy-de-Dôme, Creuse, Corrèze (peu usité), Haute-Vienne, Dordogne〉 "chemin pédestre, sentier ou sente coupant au plus court en supprimant un ou plusieurs
lacets de la route ou du chemin principal ; itinéraire plus court que l’itinéraire
ordinaire pour se rendre quelque part". Stand. chemin de traverse, raccourci. – Tout le long de la coursière (L. Curtelin, Un bon élève, 1972 dans SalmonLyon 1995, 51). Par la coursière, tu en as pour cinq minutes (SabourinAubusson 1983). Prendre la coursière (MartinPilat 1989 ; VurpasMichelBeauj 1992 ; VurpasLyonnais 1993 ; FréchetMartVelay
1991).
a D’après l’ex. 1 (l’auteur est né à Lons-le-Saunier).
b Absent des sources lexicographiques consultées, mais connu de 20 % des témoins de
l’enquête DRF.
c Le mot est déclaré « connu » (mais non « employé ») par un seul témoin sur neuf ; celui-ci, né à Aurillac et y résidant, a effectué
une partie de sa scolarité à Clermont. A.-M. Méraville (ex. 3) est née à Condat-en-Féniers
[auj. Condat], dans le nord du département, à la limite du Puy-de-Dôme. Cf. aussi,
cependant, les toponymes les Coursières, comm. de Les Mars (Creuse), les Courcières (lieu-dit, comm. et cant. d’Arpajon-sur-Cère, Cantal, aux portes d’Aurillac – d’où
les Coursières, nouveau quartier dans la même commune – IGN 1 :25000, 2336E) et les Coursières (écart, comm. des Deux-Verges).
1. Il avait bien pensé à la coursière qui mène jusqu’au ruisseau et débouche sur la vieille route permettant ensuite de
regagner Sainte-Luce, mais s’il prenait par là, en sortant du bassin le patron pouvait
le voir. (B. Clavel, Malataverne, 1990 [1960], 63.)
2. Cependant le chemin faîtal des monts du Luguet se confondait vraisemblablement sur
une partie de son parcours avec la coursière de Clermont à Allanche, par Saint-Cirgues et Brion […]. (F. Imberdis, Le Réseau routier de l’Auvergne au xviiie siècle, 1967, 173 n. 1.)
3. – Ah ! pauvre mère, de peur de l’oublier, je répétais tout le long de la coursière : « Une coupe par setier », comme tu m’avais dit. (A.-M. Méraville, Contes populaires de l’Auvergne, Paris, 1970, 62.)
4. Mais Léger était plus leste qu’eux [les gendarmes]. Il s’engageait déjà dans une coursière du taillis. (M. Chaulanges, Les Mauvais Numéros, 1971, 120.)
5. Gaspard et Roland, du Bourg au Verdier, demi-heure de marche et de jeux par monts
et par vaux, par les « coursières », avec leur ami, le Franchi. (L. Gachon, La Petite Fille de Maria, 1974, 129.)
6. […] la coursière grimpant rejoindre la route qui, de Saint-Étienne, va au col de Chaubouret et à la
vallée du Rhône […]. (Ch. Exbrayat, Le Chemin perdu, 1982, 95.).
7. Il fallait aller le chercher au Vivarais… Ils en redescendaient tous les samedis…
Y’a une coursière… On passe par Présailles et on va tout droit au Chabanis… Au Pont du Chabanis… (Ex.
oral, Saint-Martin-de-Fugères, J.-L. Simon / J.-F. Simon, Là où le vent s’envole. Chroniques d’un bout de France 1850-1920, Le Monastier et
ses entours, 1983, 33.)
8. Cinq ou six ans après la dernière guerre. On allait par bandes bruyantes à l’école
communale du bourg*. Le trajet était long […]. On traînait tout au long du chemin, par la Creuse, une
coursière qui contrairement [sic] allongeait notre route. (A. Cuisinier, La Cuvée de Saint-Antoine, 1988, 137.)
9. […] alors j’ai demandé à faire la tournée [de facteur] de Molles, c’est moins pentu
là-bas […]. Mais les coursières et les chemins d’ici me manquaient. (G. Rey, La Montagne aux sabots, 1994, 78.)
10. On sait alors que le voyageur s’est engagé sur « la coursière » pour s’épargner un kilomètre sur les quatre que compte le trajet par la route. (R. Eckert,
Jeantou Supaud, manant auvergnat, 1995, 36.)
11. Sans demander son reste, il planta là le semoir et coupa au travers pour rejoindre
la coursière. (B. Gérard-Simonet, Contes du pays creusois, 1996, 76.)
12. On peut vraiment parler de coursières : s’il fallait faire les trajets à pied par les routes, tu mettrais trois fois plus
de temps. (A.-R. C., Puy-de-Dôme, 17 mai 1997.)
13. Pauvre fille, elle m’a confié être partie de Dauzat [Puy-de-Dôme] à nuit noire pour
m’attendre sur le chemin. Même par les coursières, Dauzat n’est pas la porte à côté. (J.-P. Leclerc, D’un hiver à l’autre, 1997, 119.)
14. […] c’est la coursière qui fait gagner plusieurs kilomètres sur le trajet séparant le village et la gare
la plus proche […]. (M. Jouvency, « Momies », dans Vents d’Auvergne, 1998, 92.)
15. C’est une coursière d’Estival. (Ex. oral, Langeac [Haute-Loire], 25 janvier 1999, employé S.N.C.F., env.
45 ans.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
16. Germain, son frère, fut chargé de quérir le médecin : à pied il prit les « coursières » (les chemins de traverse) le plus rapidement qu’il pouvait. (É. Méallet, D’une fougère… à l’autre, 1992, 102.)
17. Depuis des heures, plié par son fardeau, Mathieu marche dans les coursières, ces chemins tracés par mulets et vaches maigres, coupant droit d’une bosse à l’autre,
sans souci de la pente. (G. Rey, Le Sac à musique, 1997, 47.)
◆◆ commentaire. Diatopisme répandu aujourd’hui, de façon plus ou moins intense, sur une bande centrale
de l’espace français, de la Dordogne à l’Isère (v. carte)a, représenté depuis Lar 1869 dans la lexicographie générale, sans marque (GLLF) ou
comme régionalisme, mais sans indication géographique précise (TLF, Rob). L’aire de
plus forte vitalité se situe aujourd’hui dans la Loire, la Haute-Loire et le Puy-de-Dôme.
Dans ce dernier département où les données disponibles sont les plus nombreuses, coursière est employé par les auteurs régionaux de tous niveaux (v. ex. 5, 8, 10, 12, 13 ;
cf. aussi H. Pourrat, 1922-1930, Frantext ; C. Dravaine, Nouara, 1927, 144 ; R. Combe, L’Auvergne littéraire 56, mars-avril 1931, 21 ; J. Malègue, 1933, Frantext ; J. Anglade, Un front de marbre, 1970, 13), mais aussi par P. Bourget (1889, Frantext), marqué par son séjour clermontois ; le mot n’est exclu ni de l’écrit sérieux (v. ex. 2 ;
cf. encore A. Achard RA 26, 1909, 241), ni de l’usage familier des personnes cultivées
(v. ex. 12). Il s’agit donc d’un régionalisme de plein exercice qui ne subit aucune
stigmatisation.
Formé comme charrière* (FEW 2, 412-3, *carraria ; Baldinger FestsRohlfs 91-2) et par opposition à lui (v. FEW 2, 1581 n. 4), coursière est représenté d’abord au nord de la Loire en français médiéval et préclassique :
en Franche-Comté (corsiere, 1286-1290, Jean Priorat, FEW et TLF), en Normandie (courciere, s.d., FEW)b et dans Estienne (Gdf ; avec les synonymes français a(d)dresse, abbregement de chemin). En revanche, lorsque le mot apparaît de nouveau, en français moderne, dans la documentation,
il est déjà régionalisé sur son aire actuelle dès les premières attestations : on
le trouve, en effet, au 18e s. à Clermont-Ferrand (ChambonMatAuv 1994, 26), puis dans la première moitié du 19e s. en Limousin (SaugerPr 1825), en Haute-Loire (Pomier 1835) et sous la plume de
George Sand (Berry 1840, TLF ; v. aussi Frantext) ; dans la seconde moitié du 19e s. et dans la première moitié du 20e, il est noté dans le français de Mâcon, de Vaux, de Lyon, de Roanne, du Puy, et de
Clermont-Ferrandc (FEW et ci-dessous bibl.)d. Telle qu’on peut l’appréhender, de façon plus systématique, dans la seconde moitié
de notre siècle, l’aire lexicale correspond dans l’ensemble aux zones d’influence
de Lyone, de Clermont-Ferrand (il est peu connu dans le Cantal) et de Limoges : v. la cartef. FEW relève en outre Guign. (Ardennes) coursière, nettement excentré (dans une source non publiée, en principe patoise, que nous n’avons
pu contrôler). L’ensemble des données conduit à penser qu’on a affaire à la préservation,
sur une aire régionale, d’un mot autrefois d’usage plus général en français.
L’analyse géolinguistique des données occitanes a montré, d’autre part, que le type,
loin d’être autochtone dans les régions de langue d’oc où il est représenté, y a été
emprunté au français par les parlers (ChambonÉtudes 1999, 71-85). Comme il s’agit
manifestement dans une partie de ce domaine (Haute-Loire) d’une importation de la
région lyonnaise, il y a tout lieu de croire, étant donné la configuration générale
de l’aire, que le mot s’est répandu, notamment vers l’ouest, à partir de Lyon, responsable
également de la diffusion, plus ancienne, du synonyme dressière. Pour une processus de diffusion similaire, v. ici s.v. boge* et gâte*.
On propose donc, malgré les auteurs, de considérer coursière comme un archaïsme d’abord préservé, puis diffusé par le français de Lyon.
a La documentation du DRF contient deux attestations de coursière chez L. Massé (Les Grégoire, t. 1, 1943, 41 ; Galdaras, éd. 1984, 62-3). Mais, selon une aimable indication de notre collègue Chr. Camps,
le mot ne paraît pas être en usage dans le français du Roussillon.
b On ne possède pas d’attestations médiévales dans les autres langues galloromanes dans
le même sens. Le même type a eu le sens de "chemin de ronde" en ancien languedocien (14e s.), v. FEW ; mfr. coursière a été calqué dans ce sens (Nîmes 1366, Gdf).
c Cf. aussi, dans le Puy-de-Dôme, noté en 1854 (Bouillet), le nom de maison Coursière-de-Chez-Vasson, commune d’Orcines (sur le toponyme Chez-Vasson).
d Le type est relevé aussi, au 19e siècle, dans les parlers de la Saintonge (Saint-Seurin dans MussetSaint), du Poitou
et du Centre (FEW). Gdf indique l’existence du mot dans la Creuse (ce qui est vraisemblable)
et en Suisse romande (où, en revanche, selon une communication d’A. Thibault, le mot
n’a jamais été relevé).
e Le type est pratiquement inconnu (français et patois) dans l’Isère et dans les deux
départements savoyards (cf. Ø ALJA 1548, attesté cependant à Cruseilles dans DuraffGloss)
où ConstDésSav 1902 n’enregistre frm. corsiére que dans un autre sens.
f Le mot ne semble pas représenté dans le français de la Saintonge et du Poitou ni dans
celui de la région Centre (sauf sud de l’Indre), du moins dans les sources lexicographiques
disponibles (zones dans lesquelles le type a été connu autrefois).
◇◇ bibliographie. FEW 2, 1576b, cursus, et n. 4 ; Gdf ; TL ; Lar 1869 s.v. coursier, ière (« terme en usage dans certaines parties du sud-est de la France, pour désigner un sentier
qui coupe à travers champs ou le long des flancs d’une montagne, et raccourcit ainsi
les courses qu’on serait obligé de faire par le grand chemin » ; « en ce sens l’étymologie de ce mot est court ») ; Lar 1929 (sans marque diatopique ; "sentier qui coupe à travers champs ou sur les flancs d’une montagne") ; GLLF (sans marque diatopique ; "sentier coupant au plus court, à flanc de montagne ou à travers champs" ; ex. de Balzac, « dans les pays de montagne » 1843, cf. Frantext, et de G. Duhamel, 1941, cf. Frantext) ; TLF (« région. » ; "sentier qui coupe à travers champs et à flanc de colline" ; ex. de Balzac, 1844, « dans les pays de montagne ») ; Rob 1985 (« régional » ; "sentier coupant à travers champs, à flanc de colline")a ; DuraffGloss, § 5613 (et dans la métalangue : "coursière, chemin qui coupe les contours [région. = ‘tournants’], raccourci") ; ALLy 5, 521 ; SaugerPrLim 1825 (prendre la coursière ou l’écoursière "prendre le chemin le plus court") ; PomierHLoire 1835, 33 (courcière et courche "sentier, traverse") ; MègeClermF 1861 (coursière ou courcière "chemin ou sentier par où passent les voyageurs non chargés lorsque la route principale
fait des sinuosités") ; VinolsVel 1891 s.v. couÜrcha (dans la métalangue ; Le Puy) ; PuitspeluLyon 1894 ("sentier qui coupant d’un lacet d’une route en pente à un autre, permet d’abréger le
chemin") ; Mâcon 1903-1926 ("chemin de traverse") ; VachetLyon 1907 ("chemin de traverse qui raccourcit un trajet" ; coursière, « qu’il faudrait plus régulièrement écrire courcière, parce qu’il vient de court, raccourcir ») ; « comme je connaissais les endroits je suis descendus une gare avant l’arrivée à destination
ce qui m’à raccourçit de 5 kilomètres en passant par des chemins de coursières » (13 janvier 1916, VandrandPuyD, 129 [sic en tous points]) ; ChataingEglis 1934, 32 (dans la nomenclature française) ; PrajouxRoanne
1934 ("sentier plus court que le grand chemin [s’applique ordinairement aux raccourcis qui,
en escaladant la montagne, permettent aux piétons de supprimer les lacets d’une grande
route]") ; BaronRiveGier 1939, 53 ("sentier plus court qu’une route") ; ParizotJarez [1930-1940] ("chemin qui raccourcit un trajet") ; DuraffVaux 1941, 70 ("chemin rapide, en montagne, pour aller d’un point à un autre") ; ManryClermF 1956, 402 ("chemin raccourci") ; GagnonBourbonn 1972 ("chemin de traverse") ; M. Gonon, « État d’un parler franco-provençal dans un village forézien en 1974 », Ethnologie française 3, 1973, 282 : coursière "raccourci" est « connu des enfants » ; BonnaudAuv 1977 ("raccourci") ; BridotVSioule 1977 ("raccourci, chemin ou sentier plus court pour en joindre un autre") ; RLiR 42 (1978), 166 ; BonnaudAuv 1979 (dans la nomenclature française ; article
supprimé dans BonnaudAuv 1999) ; BecquevortArconsat 1981 s.v. coursèiro ("raccourci évitant les sinuosités d’une route") ; SabourinAubusson 1983 et 1998 ("chemin de traverse, raccourci") ; GononPoncins 1984 ("raccourci, chemin de traverse" ; « cru français [standard] ») ; MartinPilat 1989 ("raccourci" ; « usuel » ; synon. desserte) ; TavBourg 1991 ("raccourci" ; « usuel en Saône-et-Loire ») ; VurpasMichelBeauj 1992 ; DubuissBonBerryB 1993 (« 1. Chemin de traverse [Allier : nord et est]. / 2. Raccourci [Allier : nord-ouest ;
Indre : sud » ; ex. de Guillaumin ; « du latin cursus, course » ; synon. dressière) ; FréchetMartVelay 1993 ("raccourci" ; « usuel à partir de 20 ans, inconnu au-dessous » ; du latin cursus "course", s[ubstrat] d[ialectal] corseira) ; PotteAuvThiers 1993 ("chemin de traverse, raccourci") ; Ø QuesnelLePuy 1993 ; VurpasLyonnais 1993 ("raccourci" ; « bien connu en patois lyonnais et beaujolais, dérivé de cursus "course" ») ; ChambonMatAuv 1994, 26 ; SalmonLyon 1995 ("chemin de traverse, raccourci", ex. 1972 ; « variante : courcière ») ; FréchetDrôme 1998 ("raccourci" ; « usuel à Anneyron, globalement attesté ailleurs ») ; FréchetMartAin 1998 ("raccourci" ; « attesté sauf à Saint-Étienne-du-Bois (inconnu) ») ; ChambonÉtudes 1999, 71-85, 117, 219 ; Frantext.
a Dans les trois grands dictionnaires généraux, les définitions (qui paraissent remonter
à Lar 1869) sont assez peu adéquates : le définisseur "sentier" paraît trop limité, les précisions "à flanc de montagne" ou "à flanc de colline" semblent superflues (de même "à travers champs" : on pourrait ajouter "à travers bois", etc.).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Loire, Haute-Loire, 100 % ; Puy-de-Dôme, 80 % ; Rhône, 65 % ;
Dordogne, 60 % ; Creuse, 55 % ; Haute-Vienne, 40 % ; Ardèche, Drôme, 30 % ; Corrèze,
Isère, 20 % ; Cantal, 10 % ; Ain, 0 %. EnqCompl. 1999 : Taux de reconnaissance : Gard, 10 %.
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