dame interj.
〈Bretagne, Centre-Ouest, Loir-et-Cher〉 fam. "(pour renforcer une déclaration ; pour marquer une surprise, une déception ; pour
éviter de répondre nettement ; comme charnière de discours)". Souvent dans dame oui/dame non.
1. On les avait vues se pavaner, le jour du marché, avec des jupes de toutes les couleurs
(prune, amande, rose praline, café au lait) qu’elles laissaient traîner dans la poussière
ou qu’elles relevaient sans pudeur, montrant parfois, presque jusqu’aux mollets, leurs
jambes gainées de soie noire. Dame oui ! (Bl.-M. Depincé, Au Carillon de l’Ouest, 1975, 22.)
2. « Baptistine, attache-moi mon faux-col.
– C’est maintenant que tu me demandes ça ? – Dame, t’étais occupée. » (Bl.-M. Depincé, Au Carillon de l’Ouest, 1975, 39.) 3. J’avais la hantise de cette traversée [d’un étang sur une chaussée sans garde-corps] !
Je mettais mes mains pour cacher mes yeux. Mon père disait : « Ça y est, tu peux les enlever ! » Oui, dam [sic] il y avait encore de l’eau de chaque côté ! (Chr. Leray et E. Lorand, Dynamique interculturelle et autoformation. Une Histoire de vie en pays gallo, 1995, 322.)
4. « On ne dit pas de mal, hein… Oh, ça non. Mais dame ! on parle ! » […]
Le passage en revue s’épuise, la discussion s’oriente vers des considérations quotidiennes ponctuées de « Dame ! » à tout bout de champ. Je pense à mon oncle arrivant à Paris, à qui l’on demande si l’on dit toujours « Dame oui ! » en Bretagne, et répondant « Dame non ! » (J.-Cl. Bourlès, Une Bretagne intérieure, 1998, 34.) 5. « […] Et serviable il est, chaque fois qu’il peut aider, il aide, dame oui. » (I. Frain, La Maison de la source, 2000, 270.)
◆◆ commentaire. Attestée en français dep. ca 1655 (« Susanne. Cela seroit bon à dire, grosse sotte, si on estoit toujours à se regarder, mais que
penses-tu ? dame, on se touche quelquefois. […] Susanne. Dame ouy » [Millot], L’École des filles, Paris, La Bibliothèque privée, 8 et 170a ; 1665, Molière, Dom Juan, acte III, sc. 1, v. TLF), cette interjection, donnée sans marque d’usage par Lar 1870
et GLLF, est considérée comme n’appartenant plus aujourd’hui à l’usage général par
les autres dictionnaires généraux contemporains, qui la marquent « fam. et vieilli ou région. » (Rob 1985), « fam., vieilli » (TLF, avec des exemples de 1874 à 1936), « fam. et région. » (NPR 1993-2000) ou « région. » (Lar 2000). Elle semble en usage, sans restriction, dans de larges aires de l’Ouest
de la France, notamment en milieu rural. Peut-être, malgré le classement qu’en fait
le FEW, s’agit-il d’une ellipse de Notre-Dame ! (dep. 1579, DDL 38), par l’intermédiaire de tredame (Soties, dans Huguet).
a Comm. de P. Enckell, qui relève aussi le mot dans le parler rural des environs de
Paris en 1649 (Agréables conférences de deux paysans de Saint-Ouen et de Montmorency, Paris, Les Belles Lettres, 1961, 45, 49, 51 et 110).
◇◇ bibliographie. DuPineauR [1746-48] ; VerrOnillAnjou 1908 ; Nantes 1820 « l’emploi trop fréquent de cette exclamation populaire est du style niais » ; VerrOnillAnjou 1908 ; RougéTouraine 1931 ; RézeauOuest 1984 « interj. fréq. dans le discours oral » et 1990 ; BrasseurNantes 1993 « sa fréquence nous paraît remarquable dans le parler nantais » ; GallenBÎle 1997, 9 ; FEW 3, 131a, dominus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Charente, Charente-Maritime, Deux-Sèvres, Vienne, 100 % ;
Vendée, 75 %.
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