donner v.
I. 〈Surtout au sud d’une ligne qui va de Bordeaux à Belfort〉 rural donner à + nom d’animal domestiquea (souvent au pl.) emploi tr. indir. "donner à manger à, nourrir". Donner aux chevaux (R. Collin, Les Bassignots, 1969, 30). Tu donneras aux lapins (B. Clavel, Le Tambour du bief, 1970, 179). J’ vais donner aux poussins ! (L. Semonin, La Madeleine Proust, 1990, 188). Tu as donné aux cochons ? (Panazô, Le Traînard, 1994, 71). Dépêche-toi d’aller donner aux lapins ! (Cl. Vincent, Fossoyeurs d’étoiles, 1999, 93).
a Il s’agit moins souvent d’animaux de compagnie, comme le chat ou le chien (ainsi dans
l’exemple 8).
1. – Allons, Jeannette, prends la corbeille, on va aller donner aux lapins. (B. Clavel, L’Espagnol, 1968 [1959], 178.)
2. Pour finir […], elle annonça qu’elle devait « aller donner aux lapins », tout en se harnachant avec le tablier-poche en toile de sac. (J.-P. Chabrol, Les Rebelles, 1965, 49.)
3. « Excuse-moi, dit-elle. Faut que j’aille donner à mes lapins. » (J. Anglade, Une pomme oubliée, 1969, 236.)
4. De bon matin, Magali avait donné aux poules et protégé les clapiers de la chaleur. (R. Sabatier, Les Enfants de l’été, 1986 [1978], 25.)
5. […] au bout de quelques semaines[,] elle s’est ennuyée beaucoup. Quand elle donnait aux lapins, elle leur disait :
– Je vous aime bien mes petits lapins… Mais je voudrais vous savoir au diable ! (Cl. Duneton, Le Diable sans porte, 1981, 121.) 6. Elle s’était levée avec le jour, comme de coutume, pour donner aux poules […]. (Chr. Signol, Antonin Laforgue, paysan du Causse, 1897-1974, 1981, 140.)
7. Quand la saison se refroidissait, elle ajoutait sous sa robe trois jupons dont aucun
n’était de la même taille. Elle les relevait pour travailler son jardin et « donner aux cochons », traverser les champs mouillés, sortir la litière des poules et des lapins. (G. Borgeaud,
Le Soleil sur Aubiac, 1987, 194.)
8. Première des choses, il donnait à la Mirka [une chienne]. C’était lui qui lui composait sa pâtée minutieusement, qui
lui regardait les dents, qui grattait la tête quelques minutes. (P. Magnan, L’Amant du poivre d’âne, 1988, 67.)
9. – Avant d’ partir, tu vas donner aux poules et aux lapins […]. (J.-Cl. Ponçon, La Braconne, 1989, 26.)
10. Y m’aidait bien aussi ; sitôt rentrés [sic] de l’école, y v’nait me r’trouver. Y donnait aux veaux, s’occupait des poules, des lapins. (M. Vuillemin, La Mort de Fany, 1994, 62.)
11. – Ah, disait-elle, c’est mon heure de donner aux poules. (J.-Cl. Libourel, Antonin, 1997 [1996], 185.)
12. Lucienne était montée […] dans sa chambre. Sa mère était restée dehors pour « fermer* les poules » et donner aux lapins. (H. Noullet, La Falourde, 1996, 79.)
13. La fille se tourna d’un coup et sortit dans la cour. […] Il entendit la volaille piailler
et battre des ailes tandis qu’elle modulait des piou, piou, piou à voix basse.
– Elle te fera voir pour donner aux poules, dit Bleyrieux en s’asseyant. (J.-P. Demure, Fin de chasse, 1998, 154.) 14. Femme d’abord, agricultrice ensuite, Madeleine Schwalm est aussi une militante du
monde agricole. À Vétrigne, dans la proche banlieue belfortaine, on la retrouve souvent
à la traite, « à donner aux veaux », ou sur son ordinateur. Jamais sur les tracteurs. Elle laisse les gros travaux à ses
frères […]. (L’Est républicain, éd. Belfort, 19 janvier 1999, 208.)
II. 〈Haute-Savoie, Savoie, Ain, Rhône, Loire, Isère, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques,
Landes, Gironde〉 emploi tr. usuel "produire du pus (d’une plaie)". Stand. suppurer. – Il a un abcès qui donne (GuichSavoy 1986). La plaie de sa jambe donne toujours (VurpasLyonnais 1993).
III. 〈Loire, Haute-Loire (Velay), Puy-de-Dôme〉 ça donne loc. verb. impers. fam. "l’atmosphère est animée ; il y a du mouvement (dans un groupe de personnes, dans une
fête)". Stand. fam. ça y va, (il) y a de l’ambiance. – Au mariage de Pétrus, ça a donné (MartinPilat 1989). Ça va donner pour sa fête (FréchetMartVelay 1993). À la vogue*, ça a donné toute la soirée (MichelRoanne 1998).
— Par antiphrase. E bé [v. eh], j’ te dis pas, hier soir ça donnait chez la voisine (on se disputait ferme) (QuesnelPuy 1994).
◆◆ commentaire.
I. Régionalisme d’une large extension (ellipse de fr. donner de l’herbe, du foin, du grain, etc. à manger à un animal), qui a été relevé également en Suisse romande (Pierreh, avec cit. de 1869 ;
GPSR 5, 861b-862a), mais qui n’est pris en compte dans les dictionnaires généraux
que par Rob 1985 (« région. », avec un exemple de Giono [1930]) ; le même type a été relevé en patois (ALB 1009
YonneS. ; ALFC 594*a ; ALP 699). Comme le montrent les exemples, cet emploi relève essentiellement de
l’oralité.
II. Accueilli par Littré 1864 (sens n° 24, sans marque) et par Lar 1870-1929 comme terme
de chirurgie, ce sens est absent des dictionnaires généraux contemporains. Il est
aujourd’hui caractéristique du français de la zone d’influence de Lyon (aussi en Suisse
romande, v. LengertAmiel ; Pierreh ; GPSR 5, 864b) et du Sud-Ouest. III. Non pris en compte par la lexicographie générale, ce sens a été relevé en France
dans une aire restreinte à l’ouest et au sud-ouest de Lyon, mais il est aussi en usage
en Suisse romande (DSR).
a Avec cette indication, non localisée : « On a relevé […] donner (aux bêtes) ».
◇◇ bibliographie. (I) BoillotGrCombe 1929 ; MédélicePrivas 1981 « courant » ; TuaillonRézRégion 1983 (Thiers) ; TuaillonVourey 1983 « peut-être […] commun au français rural de toutes les régions » ; GononPoncins 1984 donner aux bêtes « très courant » ; MeunierForez 1984 ; MartinPilat 1989 ; RouffiangeAymé 1989 « appartient au vocabulaire de la vie quotidienne » ; TavBourg 1991 donner aux bêtes ; VurpasMichelBeauj 1992 « usuel » ; BlancVilleneuveM 1993 ; DuchetSFrComt 1993 ; FréchetMartVelay 1993 ; PotteAuvThiers
1993 ; FréchetAnnonay 1995 ; LaloyIsère 1995 ; RobezMorez 1995 ; GermiChampsaur 1996 ;
DromardDoubs 1997 donner aux bêtes ; FréchetDrôme 1997 « globalement usuel » ; ValMontceau 1997 ; FréchetMartAin 1998 ; MichelRoanne 1998 « usuel » ; FEW 3, 136a, donare. – (II) DornaLyotGaga 1953 ; GononPoncins 1984 « très courant » ; MeunierForez 1984 ; GuichSavoy 1986 ; MartinPellMeyrieux 1987 ; MartinPilat 1989
« bien connu à partir de 20 ans » ; VurpasMichelBeauj 1992 « usuel » ; FréchetMartVelay 1993 « usuel » ; VurpasLyonnais 1993 « bien connu » ; LaloyIsère 1995 ; FréchetMartAin 1998 « globalement usuel » ; MichelRoanne 1998 « usuel au-dessus de 40 ans » ; PlaineEpGaga 1998 « encore utilisé » ; FEW 3, 136a, donare. – (III) MartinPilat 1989 « bien connu à partir de 20 ans, connu au-dessous » ; FréchetMartVelay 1993 « usuel » ; QuesnelPuy 1994 ; DSR 1997 avec bibliographie ; MichelRoanne 1998 « usuel » ; J.-P. Chambon (Puy-de-Dôme) ; aj. à FEW 3, 136a, donare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I) Haute-Saône, Territoire-de-Belfort, Haute-Vienne, 100 % ; Dordogne, 90 % ; Corrèze,
80 % ; Creuse, 70 % ; Doubs, 65 % ; Jura, 30 %. (À propos d’un animal de compagnie)
Haute-Vienne, 85 % ; Dordogne, 60 % ; Corrèze, Creuse, 45 %. (II) Hautes-Pyrénées, 100 % ; Landes, 65 % ; Pyrénées-Atlantiques, 50 % ; Gironde, 40 % ;
Gers, Lot-et-Garonne, 0 %.
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