gobie, gobi n. m.
I. gobie. 〈Surtout Côte méditerranéenne〉 "poisson du littoral, de petite taille, au corps allongé et de forme arrondie, dont
il existe plusieurs espèces difficiles à distinguer les unes des autres".
1. […] les « gobies », c'est ainsi que nous dénommions le menu fretin qui se prélassait entre les algues
dans l'eau fraîche. (M. Bernard, Pareils à des enfants, 1994 [1941], 117.)
— Au sing. à valeur générique.
2. […] beaucoup d'autres qui sortaient le dimanche, accoutrés comme des terre-neuvas,
pour pêcher le gobie à moins d'un kilomètre de la côte. (Fr. Joly, L'Homme au mégot, 1990, 212.)
II. gobi [ˈgɔbi] "id.".
1. 〈Côte méditerranéenne.〉 Stand. gobie*, goujon de mer. – Des gobis ébahis et des rougets affairés (Fr. Thomazeau, Qui a noyé l'homme-grenouille ?, 1999, 11).
3. – Au fond, tu as toujours été timide, toi ?
– C'est que tu avais la claque facile, tu sais. Ne t'approchait pas qui voulait. – Et tu voulais m'approcher ? – Eh ! ça m'aurait plu, mais je n'aimais pas les claques, et comme je n'étais pas un garçon à battre une fille, j'allais pêcher les gobis [en note : petit poisson appelé « goujon de mer »]. (N. Ciravégna, Le Pavé d'amour, 1978 [1975], 26.) 4. La prise importe peu. […] La preuve ? Ce prix [d'une partie de pêche] offert pour
la plus petite prise : un « gobi » d'un seul gramme ! (A. Medam, Blues Marseille, 1995, 119.)
V. encore s.v. cabanon, ex. 9.
— Au sing. à valeur générique.
5. […] le regard impassible des trois pêcheurs de gòbi permanents à l'entrée du port. (Ph. Carrese, Trois jours d'engatse, 1995, 175.)
— Dans divers syntagmes ou locutions faisant allusion à la morphologie de ces poissonsa figure/yeux de gobi "air ahuri, stupide". T'as vu ses yeux de gòbi ? (BouvierMars 1986) ; faire le gobi "prendre un air ahuri, stupide" (BouvierMartelProv 1982).
a « Leur tête est large et aplatie, avec une bouche pourvue de grosses lèvres et des yeux
globuleux placés assez haut » (Inventaire de la faune de France, Paris, Nathan, éd. 1997, 340).
6. Je ne vous dis pas combien de fois on a fait des yeux de gòbi à la suite des papinades de notre ami J.P.P. [un joueur de football]. (BouisMars
1999).
■ graphie et prononciation. La graphie avec ‑ò- indique l'accent tonique sur la première syllabe. « […] celui qui accentue le mot sur la dernière syllabe ne mérite pas le label de sétorité
[= qualité de Sétois]. Si, au contraire, il accentue la première syllabe en prononçant
un O largement ouvert, donnez-lui l'accolade : c'est un vrai » (LangloisSète 1991).
2. 〈Hautes-Alpes〉 "goujon ; par ext. petit poisson". Aujourd'hui, ça ne pitait [= mordait] pas, j'ai pris deux ou trois gobis ! (GermiLucciGap 1985).
— Par métaph. Tu as vu les pêches [= fruits] cette année, des gobis ! (GermiChampsaur 1996).
◆◆ commentaire. Emprunté au lat. sc. gobius (Linné), I appartient au français de référence (Rob 1985, TLF, NPR 1993, Lar 2000, sans marque
diatopique ; GLLF Ø) où sa tradition remonte à Boiste 1803 (FEW et TLF) ; donné, sans
doute à raison, comme « rare » par Rob 1985a, il est cependant employé par des auteurs de Nîmes et de Béziers (ex. 1 et 2) et
sans doute par les locuteurs Sétois stigmatisés par LangloisSète 1991 (v. ci-dessus
II.1. en rem.). Il est donc probable que gobie possède en français actuel une connotation régionale, liée sans doute à la distribution
géographique du référent. Largement usité sur la côte méditerranéenne (où il est attesté
de Nice à Sète, dep. BrunMars 1931), il a donné lieu à divers syntagmes phraséologiques.
II.1. est au contraire un patoisisme, transféré, sans adaptation accentuelle, de l'occ.
gobi "goujon", de même aire (dep. 1433 à Toulon, v. MeyerDoc 27, n. 5 ; pr. Aix, mars. Cassis,
Grau, Sète dans FEW). Son emploi constitue probablement un démarcateur social. 2 est probablement un autre occitanisme, d'aire restreinte.
a Seulement Cuvier 1805, Lamarck 1809 et Caullery 1992 dans Frantext ; exemple de 1841 dans TLF, sans exemple dans Rob 1985. Noter par ailleurs la graphie
gobis pl. dans H. Queffélec, Un recteur de l'île de Sein, 1944, 114 (Frantext).
◇◇ bibliographie. (II.1.) BrunMars 1931 faire le gobi ; LarGastr 1938 ; BouvierMartelProv 1982 ; BouvierMars 1986 ; MartelProv 1988 ; CaprileNice
1989 ; BlanchetProv 1991 ; LangloisSète 1991 ; CouCévennes 1992 ; ArmanetBRhône 1993 ;
CovèsSète 1995 ; ArmKasMars 1998 ; BouisMars 1999. II.2. GermiLucciGap 1985 ; GermiChampsaur 1996 ; FEW 4, 183a, gobius.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (sens confondus) Hautes-Alpes, 100 % ; Alpes-maritimes,
85 % ; Bouches-du-Rhône, Var, Vaucluse, 80 % ; Alpes-de-Haute-Provence, 50 %.
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