goumeau n. m.
〈Haute-Saône, Doubs, Jura.〉
1. vx "pâte à frire". La pâte préparée pour faire des beignets, le « goumeau » (GarneretLantenne 1959, 406). Synon. région. migaine*.
1. Je me souviens quand ma grand-mère faisait des beignets – des beugnots, comme on disait
– elle préparait le gommeau. C’était une pâte relativement liquide. (Ingénieur, 53 ans, originaire de Luxeuil,
Haute-Saône, dont la grand-mère était originaire de Faucogney, dans les Vosges saônoises,
Belfort, 8 mai 1999.)
2. usuel "mélange d’œufs battus et de crème fraîche ou de beurre, sucré ou salé, parfois enrichi
d’autres ingrédients, dont on garnit un fond de tarte". Synon. région. migaine*, meurotte*.
2. Le matin [du repas de fin des vendanges, à Arbois], on avait fait au four le pain
de ménage pour la semaine et, du même coup, on avait cuit d’épais gâteaux couverts
de goumeau ou de minces quartiers de pommes […]. (A. et J.-Chr. Demard, La Tradition franc-comtoise, 1981, t. 5, 134.)
3. Pour la fête, on faisait une grosse fournée de ces gâteaux, parfois 30 à 40. C’était
une bonne pâte aux œufs qu’on étalait en forme de gâteau sur du papier huilé, qu’on
relevait sur les bords d’un mouvement spécial des doigts. La gamine était chargée
de verser du « goumeau » sur chacun (c’était un mélange de sucre, de crème et d’œufs) et d’y disposer des
petits morceaux de beurre. On les enfournait ensuite. (Histoires et Traditions du Doubs, 1982, 216.)
4. […] l’heure s’avançant, apparaissait la tarte aux pommes. La table, débarrassée promptement,
avait reçu les assiettes à dessert et chacun savourait cette heure d’amitié avec d’autant
plus de plaisir que les pommes étaient plus douces et le « goumeau » plus onctueux. (J. Reyboz, Douceur d’automne, 1984, 156.)
5. En dessert, la rhubarbe […]. On l’aime en tarte avec un appareil de crème, d’œufs
et de sucre, le fameux « goumeau » franc-comtois. (L’Est républicain, éd. Besançon, 22 avril 1999, 154.)
V. encore ici ex. 7 et 13.
□ Dans un commentaire métalinguistique incident.
6. Les bras chargés de fromage, de vin, de conserves, les clients n’oubliaient cependant
pas d’emporter un gâteau* de ménage, ou un gâteau recouvert d’une délicieuse pâte liquide et sucrée nommée
goumeau […]. (M. Dussauze, Le Pont du lac Saint-Point, 1995, 83.)
7. Tarte au goumeau / Le goumeau est une préparation à base d’œufs, de crème ou de beurre, qui vient recouvrir une
simple galette, voire, comme autrefois, une pâte à pain, la galette ainsi enrichie
fait toujours office de gâteau de fête. Elle est traditionnellement servie à l’Epiphanie.
Dès les beaux jours, les premiers fruits de saison viennent quelquefois recouvrir
cette pâtisserie, devenue ainsi, pour tous, tarte au goumeau. (Cuisine du terroir, n° 7, la Franche-Comté, janvier-février 1996, 66.)
— Var. 〈Jura〉 com(m)eau ; 〈Haute-Saône〉 gaumeau.
8. – Là [dans une boulangerie-pâtisserie], disait Victor, si tu n’as jamais vu de la
brioche, Julien, tu en verras. Des baquets et des baquets. Et de la pâte feuilletée
à t’en dégoûter pour le reste de tes jours et du commeau… (B. Clavel, La Maison des autres, 1991 [1962], 280.)
9. Alors, c’est un fumet délectable qui rôde dans tout Cabrefontaine, comme le parfum
vanillé du four à Tapette, le boulanger, quand il cuit les brioches, les tartes au
comaud… (L.-A. Gauthier, Les Fidarchaux de Cabrefontaine, 1978, 8.)
10. […] les brioches, les tartes aux prunes, à la courge et les gâteaux au gaumeau. (P. Arnoux, Les Loups de la Mal’Côte, 1991, 161.)
11. En été, il arrivait que, le dimanche, la mère Broquin vienne prendre le repas de midi
avec nous. Mon père faisait soit une brioche, soit une tarte aux prunes ou au comeau. Et la sage-femme trouvait, pour en parler, des mots qui faisaient rougir d’aise l’ancien
boulanger. (B. Clavel, Les Petits Bonheurs, 1999, 92.)
— galette au/de goumeau, tarte au goumeau loc. nom. f. "(synon. de gâteau* de fête/de ménage)". – Des galettes au comeau (B. Clavel, Les Petits Bonheurs, 1999, 158).
12. La tarte au « goumeau », cette variante régionale de « tarte à la crème » [sic], se rencontre dans les pâtisseries en toute saison ; en janvier et durant tout un
mois, on lui substitue volontiers la galette au goumeau, pour y dissimuler les fèves traditionnelles. (L’Encyclopédie de la Franche-Comté, J. Boichard, dir., 1991, 178.)
13. […] il est clair que le goumeau est une préparation – en général à base d’œufs et
de crème ou de beurre – destinée à napper et ainsi enrichir la simple galette, appelée
aujourd’hui galette de ménage et autrefois réalisée à partir d’une pâte à pain […].
La galette enrichie au goumeau était […] un gâteau de fête. On la servait aussi pour
les fêtes patronales […]. C’était plus encore pour l’Epiphanie que la galette de goumeau était appréciée et on la préférait dans la région à la simple galette. En 1919, quatre
pâtissiers de Besançon […] s’associèrent pour fixer la recette actuelle de la galette de goumeau que les Bisontins, et plus généralement les habitants du Doubs, achètent encore aujourd’hui
pour l’Épiphanie. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Franche-Comté, 1993, 85.)
V. encore ici ex. 7.
■ encyclopédie. Recettes de « Galette de goumeau » et de « Tarte de goumeau » dans L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Franche-Comté, 1993, respectivement 86 et 237.
— Par méton. peu usuel "gâteau composé d’une abaisse de pâte levée, garnie de cet appareil". Pour le 21 juin, on va fêter l’été en mangeant un goumeau pour dessert (RobezMorez 1995).
■ variantes. En dehors de la forme retenue en entrée comme étant la plus usuelle, on relève gaumeau (ex. 10), gomeau (ColinParlComt 1992 ; déjà BeauquierDoubs 1881), gommeau (ex. 1, graphie suggérée par le témoin), ainsi que des formes répandues dans le Jura,
caractérisées par l’assourdissement de la consonne initiale [k-] : comaud (ex. 9), comeau (ex. 11), commeau (ex. 8 ; déjà MonnierJura 1823, MonnierDoubs 1857, BeauquierDoubs 1881 et DuchetSFrComt
1993) ou cumeau (P. Antoine, La Malatière, 1951, 14) et k’mau ou koumeau (GrandMignovillard 1977 ; déjà MonnierJura 1823, MonnierDoubs 1857, BeauquierDoubs
1881 kemeau).
◆◆ commentaire. Ignoré de la lexicographie générale, alors que de nombreuses attestations d’auteurs
régionaux et d’ouvrages culinaires ou touristiques témoignent de sa vitalité, ce terme
est caractéristique de la Franche-Comté où il est attesté dep. 1823. L’éventail des
variations phonétiques dénonce un emprunt aux variétés dialectales : largement représenté,
en effet, dans les patois de l’aire comtoise (ALFC 978*), ce type est également, surtout
au 19e siècle, enregistré dans une aire dialectale plus large comprenant en outre la Saône-et-Loire,
la Côte-d’Or, la Meuse, l’Isère et la Suisse romande. Le terme goumeau serait à rattacher à goumer d’abord "imbiber d’eau une futaille pour la rendre étanche" (dep. le 16e siècle en Suisse romande), puis en Franche-Comté, "humecter, tremper, imbiber" (v. FEW) ; les formes à initiale [k] sont expliquées par FEW 16, 27b, n. 2 par un croisement avec des formes kam‑, issues de lat. coagmen, mais ce croisement, bien que présenté comme une certitude, reste une hypothèse.
Quant à la finale ‑eau, qui identifie le suffixe avec une issue de ‑ellu, elle ne correspond en rien aux issues locales de ce suffixe, qui sont [-é ; ‑è]
pour le Doubs et le tiers nord du Jura et [-jo] pour l’extrême sud du Doubs, le centre
et sud du Jura (v. DondaineParlers, 326-333, avec carte). L’examen des données d’ALF
978* montre que les formes qui y sont relevées correspondent beaucoup mieux aux issues
de a accentué + l en finale romane (cf. DondaineParlers 232-236) ; l’issue de ‑ale étant généralement
[o:], le suffixe a été interprété comme ‑eau, l’emprunt s’accompagnant d’un remodelage morphologique.
◇◇ bibliographie. MonnierJura 1823 commeau, kemeau, goumeau ; MonnierDoubs 1857 commeau, goumeau, kemeau "bouillie de fromage blanc que l’on met sur les gâteaux ou les flans avant de les mettre
au feu" ; ContejeanMontbéliard 1876 gomeau ; BeauquierDoubs 1881 gommeau, goumeau et, « dans le Jura », commeau, kemeau ; PerronBroyePesmes 1888 goumeau "mélange sucré de courge, d’œufs et de farine, quelquefois de riz ou de semoule, qu’on
étend sur une feuille de pâte, et qu’on met cuire au four" ; GuilleLouhans 1894-1902 coumeau, comeau, kemeau ; FertiaultVerdChal 1896 coumeau ; BoillotGrCombe 1910, 145b et 154b ; CollinetPontarlier 1925 goumeau ; BoillotGrCombe 1929 « ce mot appartient à l’idiome local et personne n’imagine qu’il n’est pas français » ; GrandMignovillard 1977 k’mau ou koumau ; BichetRougemont 1979 goumeau ; DromardDoubs 1991 et 1997 goumeau ; TrouttetHDoubs 1991 ; ColinParlComt 1992 goumeau ou gomeau ; DuchSFrComt 1993 « partout » ; RobezMorez 1995 "galette" ; FEW 16, 26b, *gaumjan.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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