les citations
intérieur n. m.
Moselle, Alsace Parfois avec une majuscule l’intérieur (de la France) usuel "le reste de la France, par opposition à l’Alsace et à la Moselle". Habiter l’intérieur.
1. En 1918, nous avions déjà suivi, quatre années durant, un enseignement allemand avec M. Geyer, notre maître d’école. Après l’armistice, M. Henri Klein fut nommé à Bischtroff. C’est à lui que devait incomber la lourde tâche de nous familiariser avec la langue française […]. Après un stage de recyclage à « l’intérieur », M. Klein reprit sa classe […]. (Témoignages de retraités de Bischtroff-sur-Sarre, Bas-Rhin, dans Revue lorraine populaire, n° 62, février 1985, 109.)
2. Hélas ! dès 1938, paniqué par les bruits de bottes du voisin allemand, mon père assiégeait les bureaux parisiens du ministère de l’Instruction publique pour obtenir une mutation à « l’intérieur ». (Ph. Husser, Journal d’un instituteur alsacien (1914-1951), 1993 [1989], préf. de Fr. Ténot, 9.)
3. Aussi nombre de Juifs alsaciens quittèrent-ils volontairement notre province en 1871, à la suite de l’annexion à l’Empire allemand. Ils tentèrent avec succès de se créer une nouvelle existence à « l’Intérieur », en Lorraine, en Bourgogne, dans le Nord, à Lyon comme à Paris. (Cl. Vigée, Un panier de houblon. La Verte Enfance du monde, 1994, 377.)
4. Il faudrait quitter l’Alsace, rejoindre ses parents installés à l’Intérieur. (É. Fischer, Les Pommes seront fameuses cette année, 2000, 40-41.)
V. encore s.v. tarte, ex. 10.
□ En emploi métalinguistique.
5. En d’autres lieux, l’annonce publique de cet accord aurait déclenché des salves de cocoricos. Mais l’Alsace n’est pas la France – ici on dit « l’Intérieur ». (L’Événement du jeudi, 12 septembre 1996, 31.)
Loc. adj. de l’intérieur (de la France).
● [En parlant d’une personne] Les français [sic, sans majuscule] de « l’intérieur » (G. Mathécowitsch, Les Loustics des glacis, 1994, 123). Le Voyage en Alsace d’un Français de l’intérieur (Titre d’un documentaire de Fr. Compain, diffusé sur ARTE le 17 octobre 1996).
6. […] la veuve Herrgott, disais-je, ne demanderait pas mieux que de donner sa fille à un Alsacien du Florival, doublé d’un directeur d’usine de l’intérieur se déplaçant en limousine avec un chauffeur en casquette. (J. Egen, Le Hans du Florival. Une enfance alsacienne, 1984, 27.)
7. L’angoisse instantanément se répandit partout. Les gens de l’intérieur ne pouvaient se rendre compte de la panique qui gagna aussitôt les pays frontaliers. (A.-M. Blanc, Pays-Haut, 1988, 410.)
8. Don des prêtres du diocèse. En comptant leur prélèvement sur salaire […] et leurs dons pour les prêtres de l’Intérieur, ils ont donné [en 1992] 3.270.000 F. […] Aide aux prêtres de l’intérieur de la France […]. (Tract de l’archevêché de Strasbourg lors d’une quête pour les séminaires et la pastorale du diocèse, septembre 1993.)
9. […] allez donc dire à un Mulhousien que vous vous sentez assez Alsacien pour aller de temps en temps faire des courses rue du Sauvage, place de la Réunion ou aux Maréchaux. Il vous répondra gentiment que le Belfortain, pour lui, est « de l’intérieur ». (L’Est républicain, éd. Belfort, 3 avril 1999, 252.)
□ En emploi métalinguistique.
10. […] les Français « de l’intérieur », comme on dit en Alsace […]. (E. Rossignol, Une enfance en Alsace, 1907-1918, 1990, 275.)
● [En parlant d’un inanimé concret]
11. De cet amour de l’ordre, les villages alsaciens eux-mêmes nous offrent le spectacle. Les maisons y sont nettes et propres […]. Dans les villes, point de ces quartiers délaissés et sales qui déparent tant de cités de l’ « intérieur ». (Fr. Hoffet, Psychanalyse de l’Alsace, 1977 [1951], 78.)
12. […] le nom de Fohr est aussi peu répandu en Allemagne qu’en France – où il est cependant porté par quelques dizaines d’abonnés au téléphone, y compris dans des départements de l’intérieur. (P. Fohr, Les Vergers de Morhange, 1986, 35.)
13. Les trains roulent à droite en Alsace et en Moselle, mais à gauche dans les départements « de l’intérieur ». Une curiosité qui perdure depuis 1871. (Dernières Nouvelles d’Alsace, 27 décembre 1996, TE 5.)
V. encore s.v. winstub, ex. 6.

remarques.
1. Employé aussi parfois par les populations maritimes (particulièrement en Bretagne) pour désigner l’intérieur des terres continentales par opposition à la côte ou aux îles : « Ma grand-mère était née Thérèse Auffret – nom “étranger”. L’un de ses propres grands-pères, soldat de l’intérieur, venu ici “faire son temps” s’y était, comme d’autres, marié et fixé, absorbé fatalement par l’île et sa population maritime » (A. Pollier, Femmes de Groix ou la Laisse de mer, 1983, 82-83) ; v. encore s.v. grève, ex. 14. À rapprocher également de fr. de Savoie intérieur "le territoire situé au-delà du cordon douanier délimitant la zone franche, de 1860 à 1914, c. à d. la France moins la Savoie" (DuprazSaxel 1975, 77).
2. Alsace Français de France loc. nom. m. "(synon. moins usuel de Français de l’intérieur)". « On reconnaissait les “Français de France” à leur teint pâle, à la maigreur de leurs enfants et à la pagaille bruyante qui s’élevait de leurs groupes » (G. Schoettel, Les Clarines du Wiedenbach, 1995, 197).
◆◆ commentaire. Par restriction de frm. intérieur "partie centrale d’un pays" (dep. Ac 1835 seulement, FEW). Attesté en Alsace dep. 1794 : « Comme les Français de l’intérieur, ceux de la ci-devant Alsace gémirent longtemps sous le despotisme royal, nobiliaire et sacerdotal […]. […] j’ai vu avec satisfaction qu’une partie des familles patriotes [d’Alsace] envoyoient leurs enfans dans les contrées voisines où la langue française est usitée, et j’ai dit : pourquoi ne pas faire une espèce de levée en masse de tous les jeunes citoyens et citoyennes de la ci-devant Alsace, et les placer pour un temps, et par réquisition, chez les Français de l’intérieur ? » (Rousseville, « Dissertation sur La francilisation de la ci-devant Alsace », 1er ventôse an II [19 février 1794], dans P. Lévy, Hist. ling. de l’Alsace et de la Lorraine, Paris, 2, 4 et 13, d’après WolfFischerAlsace 1983). C’est surtout à partir de 1871 que cet emploi s’est diffusé en Alsace et en Moselle ; il a aussi pénétré l’alsacien où im Intérieur est parfois l’équivalent de im Innere. Absent de la lexicographie générale et des relevés régionaux.
◇◇ bibliographie. RLiR 42 (1978), 175 ; aj. à FEW 4, 755a, interior.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Bas-Rhin, 100 % ; Moselle (est), Haut-Rhin, 80 %.