dialecte n. m.
〈Moselle (est), Alsace〉 usuel "parlers germaniques d’Alsace (stand. alsacien) et de Lorraine germanophone".
1. Il y a d’ailleurs des sons que le larynx français est incapable de rendre. Il y faut
un gosier cuivré par le raifort, le munster, la choucroute, le kirsch et le dialecte lui-même qui a précisément la fière saveur des produits du terroir. (J. Egen, Les Tilleuls de Lautenbach, 1979, 29.)
2. Ceux [des professeurs de lettres qui exercent en Alsace] qui sont originaires d’Alsace
ne sont pas dialectophones*, ne le sont plus ou comprennent vaguement le dialecte mais ils ne le parlent pas. (G. Schilling, table ronde « Situation pédagogique du français en Alsace », dans G.-L. Salmon (éd.), Le Français en Alsace. Actes du colloque de Mulhouse (17-19 novembre 1983), 1985, 351.)
3. C’est le dialecte alsacien que j’utilisais en tant que langue orale de travail […]. Dans les premiers
temps de ma présence dans l’entreprise, mes collègues et interlocuteurs suisses alémaniques
faisaient l’effort de me parler en haut allemand jusqu’à ce qu’ils se fussent rendu
compte que j’étais dialectophone*. (N. Muré, « L’alsacien, langue des affaires ? », Saisons d’Alsace, n° 133 (Le Dialecte malgré tout), automne 1996, 136.)
4. – On n’y arrivera pas, Mamema [v. mamama]. Il faut que les jeunes et les bébés mangent à la cuisine.
– Si tu veux, mais André il doit rester avec ses parents, autrement il fera son timide avec ses cousins, il paraît qu’il ne connaît pas un seul mot de dialecte. (D. Zimmermann, Nouvelles du racisme ordinaire, 1996, 107.) 5. Le dialecte n’est pas (encore) une langue morte dont on ferait l’autopsie grammaticale. Allez
au marché, dans les Stammtisch* de nos villages, chez le boulanger : […] c’est bien le dialecte qui est la langue de communication. (Lettre d’un lecteur d’Andlau, Dernières Nouvelles d’Alsace, éd. Strasbourg, 13 mars 1998, TE 2.)
● En alternance avec parler local et parler régional.
6. À la campagne [en Alsace], la langue utilisée le plus souvent est le parler local.
Comme le français est une langue d’une structure et d’un fonctionnement tout à fait
différents, il n’exerce aucune influence sur la prononciation du dialecte ; au contraire les parlers régionaux influencent fortement la prononciation française
des bilingues. (M. Philipp, « La prononciation du français en Alsace », La Linguistique, 1967/1, 63.)
● Par opp. à patois [roman].
7. Nous avons ainsi une caractéristique remarquable de l’Alsace. De façon générale, aussi
bien les patois que le dialecte sont bien conservés et mieux conservés que dans d’autres régions. (M. Philipp, dans
G.-L. Salmon (éd.), Le Français en Alsace. Actes du colloque de Mulhouse (17-19 novembre 1983), 1985, 346.)
8. Louis Offenbourger [de Neuviller-la-Roche (Bas-Rhin), né en 1923] est l’un des derniers
habitants de la vallée de la Bruche à parler couramment le patois. « Ici, on ne s’est jamais vraiment considérés comme alsaciens, puisqu’on ne parlait
pas le dialecte. On se sentait plutôt français […]. » (Cl. Keiflin, Gens de Bruche, 1998, 88 [sic pour la graphie].)
— parler le dialecte loc. verb. "s’exprimer dans un parler germanique alsacien ou mosellan".
9. Dans les magasins et dans les bureaux, où l’on aurait eu honte jadis de parler le dialecte devant un visiteur « de l’intérieur* », on le fait aujourd’hui sans « se gêner ». (Fr. Hoffet, Psychanalyse de l’Alsace, 1977 [1951], 156.)
10. Un Alsacien est celui qui, sans parler nécessairement ou seulement connaître passivement le dialecte, sent en lui un attachement quelconque avec l’Alsace, soit par son ascendance, soit
par son lieu de naissance, éventuellement par son éducation. (G. Straka, « Préface », dans G.-L. Salmon (éd.), Le Français en Alsace. Actes du colloque de Mulhouse (17-19 novembre 1983), 1985, 6.)
11. Les habitants ne se comprenaient pas très bien entre eux. Les autochtones des fermettes
patoisaient franc-comtois ; les Alsaciens, dans les maisons neuves, parlaient le dialecte. (E. Rossignol, Une enfance en Alsace, 1990, 17.)
12. Patron recommande jeune fille (27 ans) / Excellente présentation, parlant dialecte [sic] et l’allemand, pour un poste d’accueil, standardiste, caissière, etc. (Dernières Nouvelles d’Alsace, éd. Strasbourg, 11 janvier 1997, n.p.)
13. Le dialecte : un état des lieux [titre] / […] C’est parmi les retraités (73 %) et
les ouvriers (51 %) qu’on trouve le plus de personnes parlant couramment le dialecte. (Dernières Nouvelles d’Alsace, éd. Strasbourg, 2 juillet 1998, TE 1.)
— en dialecte loc. adj. ou adv.
14. Je me plaisais bien pourtant en Alsace. Je parvenais à présent à comprendre quelques-uns
des mots que Jos et Renata échangeaient entre eux en dialecte. (G. Pudlowski, Le Voyage de Clémence, 1987, 160.)
15. La ville de Strasbourg offre de nouveau cette année aux personnes âgées une représentation
en dialecte interprétée par le cabaret « La Budig » et deux représentations interprétées par la troupe du théâtre alsacien de Strasbourg.
(Dernières Nouvelles d’Alsace, éd. Strasbourg, 4 janvier 1996, LO 5.)
16. Les Alsaciens ont peur d’être mal jugés par les Français « de l’intérieur »* s’ils réclament la défense de leur parler… Je suis frappé par le fait que les gens
de ma génération, nés dans l’immédiate après-guerre, parlent souvent mal l’alsacien.
[…] Je suis atterré de voir que les Alsaciens ont entériné la lente désagrégation
de leur langue. La télévision régionale diffuse de moins en moins d’émissions en dialecte […]. (R. Werner, « Appel à la mobilisation », dans Saisons d’Alsace, n° 133 (Le Dialecte malgré tout), automne 1996,, 123-124.)
V. encore s.v. recevoir, ex. 1.
■ dérivés. 〈Moselle (est), Alsace〉 dialectophone n. souvent didactique "celui/celle qui pratique un parler germanique d’Alsace ou de Moselle". « L’évolution actuelle de la situation linguistique en Alsace est préoccupante : de
plus en plus nombreux sont les dialectophones qui se trouvent sans véritable moyen de communication et d’expression » (R. Stocklé, « Enseignement de la langue française en milieu dialectal : aperçu d’une expérimentation
en cours », dans G.-L. Salmon (éd.), Le Français en Alsace. Actes du colloque de Mulhouse (17-19 novembre 1983), 1985, 317) ; « Combien de fois le francophone, en fin de repas alsacien, quand viennent les bonnes
blagues dialectales, se sent un peu handicapé ? “C’est intraduisible”, lui explique-t-on gentiment […]. Et si un dialectophone dévoué tente la traduction, on sent bien qu’elle casse le ressort de ce qui fait
une vraie histoire drôle » (Dernières Nouvelles d’Alsace, 21 décembre 1999, re 8). – Emploi adj. « La prononciation du français par les Alsaciens dialectophones » (M. Urban, Travaux de l’Institut de phonétique de Strasbourg 7, 1975, 133 [titre]) ; « Méthode de prononciation anglaise à l’usage des Alsaciens dialectophones » (P. Adolf, « Passerelle vers l’anglais », Saisons d’Alsace, n° 133 (Le Dialecte malgré tout), automne 1996, 80) ; « […] les garçons avaient des instituteurs laïcs, mais nous les filles, avec les sœurs
enseignantes, on passait plus de temps à lire la Bible qu’à apprendre. Elles venaient
de la plaine et étaient dialectophones. Elles nous disaient que parler le patois est inculte, bête et arriéré » (Cl. Keiflin, Gens de Bruche, 1998, 68). V. encore s.v. dialecte, ex. 2 et 3. – Le mot est absent des dictionnaires généraux contemporains et des relevés
régionaux.
◆◆ commentaire. Attesté en emploi absolu dep. 1921 (« En 1921 et 1926 les deux premiers recensements français demandèrent à chaque individu
quelle était sa langue usuelle, avec en question auxiliaire : “français… dialecte… allemand… autre – laquelle ?” » M.-N. Denis, « Le français en Alsace », dans G.-L. Salmon (éd.), Le Français en Alsace. Actes du colloque de Mulhouse (17-19 novembre 1983), 1985, 174) ; 1924 (« J’apprends que M. l’inspecteur Jeanty, celui-là même qui avait puni des élèves ayant
parlé le dialecte, est déplacé et remplacé par M. Antric, un Alsacien » Ph. Husser, Journal d’un instituteur alsacien, 294). À l’origine de l’usage caractéristique qui est fait du mot en Alsace (et qui
n’est enregistré ni par la lexicographie générale ni par les relevés régionaux), on
pensera moins à un emploi par restriction de fr. dialecte qu’à une influence d’all. Dialekt "Mundart ; Gruppe von Mundarten mit gewissen sprachlichen Gemeinsamkeiten. Elsässer
D." (Duden), comme c’est aussi le cas en français de Suisse romande pour désigner les
parlers alémaniques de Suisse (DSR 1997). Un article dialekt manque au FEW (qui n’offre pas non plus d’article dialectus).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Moselle (est), Bas-Rhin, Haut-Rhin, 100 %.
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