rabote ou rabotte n. f.
〈Picardie, Champagne, Ardennes, Lorraine (vx)〉 vieillissant "pomme ou poire enrobée de pâte et cuite au four". Synon. région. bourdelot*, bourdon, douillon*. – De simples « rabotes » faites d’une pomme entière, enrobée de pâte à pain (J. Rogissart, Le Temps des cerises, 1942, 99). Rabote picarde […]. Déguster chaud ou froid (R.-J. Courtine, La cuisine des terroirs, 1989, 413).
1. On raconte que l’impératrice Joséphine, passant à Rethel avec le prince Eugène, fit
arrêter sa voiture devant l’étal d’un pâtissier et demanda une rabote qu’elle trouva fort délicate. (M. Esquerré-Ancieux, Cuisine des Ardennes, 1988, 119.)
2. […] rares sont probablement ceux qui confectionnent ce dessert simple, mais pourtant
délicieux, qu’était la « rabotte ». (D. Bontemps, Au temps de la soupe au lard. La vie traditionnelle en Lorraine autrefois, 1993, 91.)
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
3. Notons en passant la « rabote ». C’est une belle pomme cuite tout entière avec sa peau dans la pâte qui forme une
demi-sphère avec deux oreilles. (A. Dhôtel, Lointaines Ardennes, 1979, 46.)
□ Dans un commentaire métalinguistique incident.
4. Après les repas, Lina cuisait, comme dessert, de belles pommes rouges entourées d’une
pâte blanche comme de la neige et, après la cuisson, c’étaient des « rabottes » […]. (Chr. Ryelandt, Mémoires de Victor Droguest, le roi des contrebandiers, 1951, 140.)
■ encyclopédie. Parfois à l’affiche dans certaines pâtisseries ardennaises. Recettes de « Rabote picarde » dans R.-J. Courtine, Le Guide de la cuisine des terroirs, t. 1, 1992, 106, de « Rabottes champenoises » dans C. Schindler, Les Recettes oubliées de Champagne-Ardenne, 1996, 148, et de « Rabotes ou taliburs » dans L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Picardie, 1999, 205 (cf. L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Champagne-Ardenne, 2000, 69-70 s.v. gomichon).
◆◆ commentaire. Terme du nord-est de la France, attesté à Reims dep. 1845 (« Rabotte. Pomme cuite enveloppée d’une pâte cuite au four » Saubinet), rabotte a aussi été relevé en Suisse romande (FEW) et dans le sud de la Belgique (ALW 4,
324-327, où le domaine wallon préfère rabosse).
Quant à l’étymologie du mot, on sait que le rattachement à fr. rabot proposé par Bauer (cf. FEW 21, 480), a été mis en doute par Haust (BWall 11, 86) et rejeté par Wartburg (FEW 16, 732a, n. 12), mais apparemment on n’a rien proposé d’autre depuis. Cependant, le caractère
ramassé sur soi-même des réalités dénommées paraît apparenter le mot à normand rabotte f. "masse d’un bâton" (FEW 15/2, 40a, *butt-) et afr. rabot m. "nabot" (GCoincy, TL), qui selon Wartburg (FEW 10, 70b, rapum et n. 16) est à distinguer des formes modernes comparables de Sologne, Berry, Suisse
romande et occitan moderne et serait à classer sous *butt-, où on ne le trouve pas. De même, Olivier Collet (Glossaire et index critiques des œuvres d’attribution certaine de Gautier de Coincy, Genève, Droz, 2000, 399-400) rattache le subst. de Coincy à ce même étymon, qui serait
un sens développé par métaphore à partir du sens de "crapaud" qu’il faudrait supposer très antérieur aux uniques données wallonnes modernes (FEW 15/2, 40b), ce qui est peu probable, le rattachement à *butt- de celles-ci étant douteux (v. ALW 8, 238). Si l’on considère que les familles rattachées
à des étymons onomatopéiques rabb- et rag-, qui se meuvent dans des champs sémantiques semblables, ont pu se développer parallèlement,
on trouve curieux que rabb- + -ottu n’ait donné qu’un maigre paragraphe (FEW I 1 b g). Cela est dû à la décision de rattacher
fr. rabot à robbe (16, 730-731 ; tout repose uniquement sur Centr. rabotte m. "lapin ; trou que fait le lapin dans la terre" inconnu de toutes les autres sources de la région et qui doit s’expliquer comme frm.
garenne m. "lapin de garenne"), mais aussi qu’on n’a pas rassemblé les données qui seraient parallèles de frm.
ragot adj. "court et gros (d’une personne)" etc. (FEW 10, 30b), qui sont rangées sous rapum (FEW 10, 70b) et auxquelles il conviendrait d’ajouter des dérivés tels que, par ex., Sologne rabotin m. "petit homme ; individu dont la taille est en dessous de la moyenne" ; wall. rabodé "trapu" (FEW 1, 423a, *bod-, à compléter par ALW 8, 238). On notera aussi que le type rabosse "pomme dans la pâte" connaît des variantes ragosse (FEW 21, 480a ; ALW 4, 325). On voit donc que toute une famille, où rabotte a sa place, peut être organisée autour de la base rabb-.
Si le mot a été relevé dans les dictionnaires de la fin du 19e siècle (ainsi Littré 1869 « se dit dans les Ardennes et à Genève »), il est peu pris en compte par la lexicographie générale contemporaine : GLLF rabote ou rabotte sans marque ; Rob 1985 rabote « régional » ; Ø TLF, NPR 1993-2000 et Lar 2000.
◇◇ bibliographie. SaubinetReims 1845 ; LarGastr 1938 « rabote ou douillon » ; TamineArdennes 1992, râbotte ; TamineChampagne1993 râbote ; HöflerRézArtCulin ; FEW 21, 480a ‘chausson’.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Meuse (nord), 100 % ; Ardennes, 85 % ; Marne, 55 % ; Haute-Marne,
25 % ; Aube, 0 %.
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