sanquet, ‑ette ; sanguet, ‑ette n.
rural, vieillissant "préparation à base du sang d'un animal tué à la maison (surtout volaille, chevreau,
porc ou lapin), que l'on fait cuire à la poêle avec divers assaisonnements et/ou ingrédients".
1. sanquet, ‑ette.
1.1. 〈Isère (spor.), Gard, Hérault, Aveyron, Lozère〉 sanquet n. m.
1. Quand on tue les oies dans une maison où on aime bien manger, c'est quelque chose !
Ce jour-là, on mange du sanquet […]. (Témoignage recueilli par A. Merlin et A.-Y. Beaujour, Les Mangeurs de Rouergue, 1978, 115.)
2. Le sang [du lapin] pissait, puis gouttait au-dessus de l'assiette à vinaigre, persil,
ail et croûtons, posée par terre. Je mangeais le sanquet cuit à la poêle […]. (J. Thieuloy, Les Os de ma bien-aimée, 1980, 94.)
3. […] il […] agita la galette en train de coaguler. […].
– Sûr que voilà un beau sanquet ! (P. Sogno, Le Serre aux truffes, 1997 [1993], 38.) 4. Ce sanquet, beaucoup l'ont vu préparer dans leur enfance, avec le sang du poulet qu'on venait
de tuer dans la basse-cour pour le repas du lendemain. (A. d'Arces et Vallentin du
Cheylard, Cuisine du Dauphiné de A à Z, 1997, 125.)
1.2. 〈Aude, Pyrénées-Orientales, Ariège, Haute-Garonne, Aveyron, Lozère, Landes, Gironde〉 sanquette n. f. – Elle découpait une sanquette pour le repas de midi (D. Crozes, La Fille de La Ramière, 1998, 288.)
5. Un bon jour que celui du sacrifice des dindons ! De la sanquette à discrétion aux repas de midi et du soir, rehaussée de sel, d'épices et de lardons…
et frite à point dans la poêle. (G. Laporte-Castède, Pain de seigle et vin de grives, 1989, 56.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
6. La tante commençait le sacrifice des canards maigres […]. D'un petit couteau fin comme
une dague, la lame usée par vingt ans d'aiguisage sur la pierre bleue de l'évier,
elle en saignait six par jour. C'était une orgie de sanquettes, cette crêpe de sang qu'elle faisait frire avec de l'ail. D'ordinaire, celle du poulet
ou du canard du dimanche était réservée au petit déjeuner du père, mais là chacun
avait droit à la sienne à chaque repas. (G. J. Arnaud, Les Moulins à nuages, 1988, 35.)
7. […] la sanquette, ce sang de poule frit avec du persil et de l'ail […]. (J.-B. Pouy, Palmiers et crocodiles, 1995 [texte d'abord paru en 1992], 95.)
8. – La sanquette ?
– Vous ne faites pas ça ? Le sang, avec du lard, un peu de mie de pain, du persil. Tourne, retourne dans la poêle. (M. Rouanet, Je ne dois pas toucher les choses du jardin, 1993, 123.) — faire (la) sanquette loc. verb. "récupérer le sang d'un animal qu'on abat, pour cuisiner cette préparation".
9. Pendant qu'on le saignait, toutes les femmes se rassemblaient, leur terrine à la main,
dans l'intention de récupérer un peu de sang pour « faire la sanquette ». Le bœuf était partagé entre toutes les familles du village afin que chacune pût
préparer la daube traditionnelle. (P. Gougaud, L'Œil de la source, 1978, 162.)
10. Quand la vie se tarissait en un mince filet rouge, les voisines conviées à « faire sanquette » approchaient leurs plats remplis de mie de pain liée d'œufs et de lardons finement
hachés. Cette sorte d'omelette était comme un gage de civilité et d'amitié.
– Vous viendrez faire sanquette ? On ne refusait jamais. L'affront était de taille si l'une des femmes du hameau se trouvait ignorée. (R. Béteille, Souvenirs d'un enfant du Rouergue, 1984, 167.) 2. sanguet, ‑ette.
2.1. 〈Provence, Ardèche (sud)〉 sanguet n. m.
11. […] le “sanguet” ou “sanguette”. On égorge le pauvre animal [un chevreau] sur des herbes (épinards) coupées et salées.
On fait cuire à la poêle avec du pain trempé dans du lait. On fait rissoler d'autre
part des morceaux du cœur, du foie, des rognons. On prépare un roux et on y verse
herbes et viande qui cuisent doucement dans une sauce relevée d'un peu d'ail. (Ch. Forot,
Odeurs de forêt et fumets de table, 1987, 199).
2.2. 〈Deux-Sèvres, Vienne, Charente-Maritime, Charente, Allier (nord-ouest), Rhône (Beaujolais),
Loire (Pilat), Isère, Drôme, Hautes-Alpes, Provence, Hérault, Lozère, Ardèche, Haute-Loire
(Saugues, Velay), Puy-de-Dôme (peu usuel), Creuse, Dordogne, Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques〉 sanguette n. f. – La sanguette au sang de lapin [dans les Charentes] (R.-J. Courtine, La Cuisine des terroirs, 1989, 180).
12. La sanguette peut être saupoudrée à la sortie de la poêle d'un peu d'ail et persil hachés. Le
sang [de l'animal] peut être versé sur un petit hachis de lard, ciboulette, ail poivré
et muscadé. Chacun utilise à son goût la possibilité de ce sang coagulé de se cuire
en gâteau parfumé de diverses façons. (L'Encyclopédie de la cuisine régionale. La cuisine du Périgord, 1979, 38.)
13. […] les « sanguettes » des poulets qu'on mangerait à midi. Elle préparait dans une poêle des lardons, des
oignons coupés, de l'oseille, recouverts d'un peu de farine et faisait couler là-dessus
le sang des volatiles égorgés. Une fois cuit, ce mets, peu raffiné d'apparence, était
un régal. (Th. Bresson, Le Vent feuillaret. Une enfance ardéchoise, 1980, 222.)
14. Nombreuses sont les recettes de « sanguettes ». Toujours à base du [sic] « sang ». On y ajoute [selon les recettes] : du pain trempé dans du vinaigre, du lard, des
œufs […] ; du pain, des pommes, du sel, du poivre […] ; de la mie de pain, un lit
de pommes, du lard, du sel, du poivre, des échalotes, des oignons […]. (L'Aubrac 6/2, 1982, 183, n. 47.)
15. Paul serrait la tête [de la poule] dans son poing pour la tenir immobile et André
tenait l'assiette pour recueillir la giclée vermeille. Ce soir, Pierre aurait sa « sanguette » qu'il assaisonnait de sel, de poivre, d'ail et de persil. (M. Peyramaure, L'Orange de Noël, 1996 [1982], 222-223.)
16. En ce qui concerne les poulets et les poules, le sacrifice est plus long et autrement
cruel. Je dois maîtriser la victime avec les deux mains, l'une tenant les pattes et
l'autre les ailes. Je place la tête au-dessus d'une assiette creuse dans laquelle
on recueille le sang qui sera cuit sous forme de « sanguette ». La tante saisit le bec fermement pour empêcher toute respiration puis, avec un couteau
extrêmement effilé, elle perce le cou de part en part, sectionnant la carotide. (J. Roger,
Le Fils du curé, 1998, 44.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
17. Vers midi, ma mère quittait le local [où l'on plumait les oies] pour aller préparer
le déjeuner ; traditionnellement, il comportait la « sanguette » (cuisson du sang des oies avec oignons, échalotes, ingrédients divers…). C'était
un délice de déguster cette « sanguette » généralement suivie d'un ou deux confits d'oie de l'année précédente (Aguiaine 17, 1983, 55 [Récit concernant les environs de Rouillac, Charente].)
■ encyclopédie.
1. Recette de « La Sanguète » dans LaMazillePérigord 1929, 96, de « Sanguette » dans L'Encyclopédie de la cuisine régionale. La cuisine du Périgord, 1979, 38 et dans L'Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Limousin, 1998, 172 ; recette de « Sanquette » dans E. et J. de Rivoyre, Cuisine landaise, 1980, 160.
2. « La sanquette constitue aussi [à Toulouse] un appât ou une amorce pour la pêche en
rivière. On l'achète encore au marché […]. La connaissance du mot, générale lors de
l'enquête d'Espallac et Bernis en 1979, est maintenant limitée aux pêcheurs et aux
amateurs de cuisine traditionnelle (les volaillers du marché V. Hugo l'emploient encore) » (MoreuxRToulouse 2000).
◆◆ commentaire. Type lexical largement répandu dans la partie méridionale de la France, d'où il est
originaire, et où il est attesté sous la forme 1.1. dans le français de Montpellier dep. 1802 (« sanquèt du sang d'agneau ou de chevreau qu'on frit à la poile » Villa), empruntée à l'occ. (dep. 1785, sanké, Sauvages), et sous la forme 1.2. dep. 1900 (ALFSuppl). Si ces formes en ‑k- n'apparaissent que dans les régions occitanophones,
les formes avec ‑g–, qui s'y rencontrent aussi parfois (y compris en occitan, v. FEW,
Honnorat, Mistral) en alternance avec elles, sont de règle en dehors de ces régions ;
2.2. est attesté dep. 1895 (« sanguette […] sang de volaille cuit à la poêle avec des échalottes » PépinGasc) et 2.1. dep. le milieu du 20e siècle (v. ici ex. 11). La progression du type en dehors de son aire d'origine s'est
probablement faite par le français (cf. DauzatVinz, qui répute le mot patois emprunté
au fr.). La base Frantext ne donne qu'un seul exemple de ce type (sanquette, Pesquidoux 1923), non utilisé par le TLF qui n'indique que la forme sanguette (sans indication diatopique, mais avec une pompeuse marque « art culin. ») ; il est absent de GLLF, Rob 1985, NPR 1993-2000 et Lar 2000.
◇◇ bibliographie. sanquet : VillaGasc 1802 sanquèt ; JoblotNîmes 1924 ; NouvelAveyr 1978 ; LangloisSète 1991 ; FauconHérault 1994 ;
PolverelLozère 1994 sanquette ou sanquet ; CampsLanguedOr 1991 sanguette, sanquet, sanquette. sanquette : ALFSuppl pt 760 (Léguevin, Haute-Garonne) « fr. local » ; LarGastr 1938 sanguette ou sanquette ; SéguyToulouse 1950 ; RLiR 42 (1978), 189 (Sud-Ouest, Provence, Isère, Ardèche)
sanquette, sanguette ; EspallBernisToulouse 1979 ; GonthiéBordeaux 1979 sanquéte, sanguéte ; DuclouxBordeaux 1980 sanguette, sanquette ; SuireBordeaux 1988 sanguette ou sanquette ; BoisgontierAquit 1991 sanquette, sanguette ; CampsLanguedOr 1991 sanguette, sanquet, sanquette ; CampsRoussillon 1991 ; BoisgontierMidiPyr 1992 ; MoreuxRToulouse 2000. sanguette : PépinGasc 1895 ; DauzatVinz 1915, § 3984 ; LarGastr 1938 sanguette ou sanquette ; ParizotJarez [1930-40] sanglette ; PierdonPérigord 1971 sanguète ; BonnaudAuv 1976 ; RLiR 42 (1978), 189 (Sud-Ouest, Provence, Isère, Ardèche) sanquette, sanguette ; GonthiéBordeaux 1979 sanquéte, sanguéte ; DuclouxBordeaux 1980 sanguette, sanquette ; ManteIseron 1980 ; MédélicePrivas 1981 « rural » ; RézeauOuest 1984 et 1990 ; MartinPellMeyrieu 1987 ; SuireBordeaux 1988 sanguette ou sanquette ; MartinPilat 1989 ; BlanchetProv 1991 ; BoisgontierAquit 1991 sanquette, sanguette ; CampsLanguedOr 1991 sanguette, sanquet, sanquette ; VurpasMichelBeauj 1992 « emprunté au patois » ; BlancVilleneuveM 1993 « usuel » ; FréchetMartVelay 1993 « globalement connu » ; PotteAuvThiers 1993 ; PruilhèreAuv 1993 ; FréchetAnnonay 1995 « globalement connu » ; GermiChampsaur 1996 ; FréchetDrôme 1997 « globalement connu ». – HöflerRézArtCulin ; ChambonÉtudes 1999, 34 ; FEW 11, 172b, sanguis.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (sanguette) Charente, Charente-Maritime, 100 % ; Deux-Sèvres, 50 % ; Vienne, 40 % ; Vendée,
0 %. – (sanquette) : Ariège, Aveyron, Aude, Haute-Garonne, Hérault, Lot, Lozère, Tarn, Tarn-et-Garonne,
100 % ; Roussillon, 90 % ; Gard, 65 %. – (sanguette ou sanquette) Gers, Gironde, Landes, Hautes-Pyrénées, 100 % ; Lot-et-Garonne, 40 % ; Pyrénées-Atlantiques,
0 %.
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