tant adv.
II. 〈Provence〉 tant adv. fam. "peut-être, si cela se trouve". Stand. fam. si ça se trouve.
1. […] c’est le même z’élu qui s’occupe de ça [la réhabilitation] depuis trente ans.
Tant, c’est lui qui les a fait construire au départ, il y a trente ans, toutes les barres
d’immeuble qu’ils démolissent maintenant. (Ph. Carrese, Trois jours d’engatse, 1995, 14.)
2. Sauf que petit Michel, avant-hier, il a vendu la mèche devant les condés [= policiers]
et que, tant, c’est les mêmes qui reviennent pour fermer le bar. (Ph. Carrese, Trois jours d’engatse, 1995, 83.)
3. Ma mère mettait un point d’honneur à faire pousser devant une palissade de cannes
de Provence, une superbe collection de dahlias et de glaïeuls qui tenaient [= donnaient]
des fleurs coupées tout l’été pour le cimetière. […] / – Ma foi, ça coûte pas plus
cher même si ça occupe, avec ce qu’ils se sont sacrifiés pour nous, on les oublie
pas et tant, ça fait plaisir ! (G. Ginoux, Gens de la campagne au Mas des Pialons, 1997, 48.)
4. – Putain, Laurent, tant je te vois pas pendant des semaines mais alors là, je te vois… (R. Merle, Treize reste raide, 1997, 131, 204.)
V. encore s.v. escaper, ex. 4.
III. 〈Loire-Atlantique, Vendée, Vienne, Charente〉 tant qu’assez loc. adv. fam. "passablement". Mon jardin est tant qu’assez grand ; il a tant qu’assez mouillé* cette année (RézeauOuest 1984). Tant qu’assez cher (BrasseurNantes 1993).
5. Moi, j’ai pris le verre de cave, culotté comme un sapeur[,] et je l’ai rempli au barricot* […]. J’ai bu le premier. Vraiment, il était tant qu’assez râpeux. (J. Syreigeol, Miracle en Vendée, 1991, 91-92.)
— Au fig. en avoir tant qu’assez (de) loc. verb. "être fatigué, lassé (de qqc.)".
6. On n’est pas à la Chambre des Députés, que lui dit Milien Cotinot, qu’en avait tant qu’assez d’écouter ses boniments ! (BrasseurNantes 1993).
IV. 〈Champagne, Lorraine, Franche-Comté〉 tant qu’et plus loc. adv. [tɑ̃keplys] fam. "en très grande quantité". Stand. tant et plus. – Il a plu tant qu’et plus (MichelNancy 1994). Je me suis foutu de sa fiole tant qu’et plus (Secrétaire lorraine, 46 ans, Nancy, 25 mai 1998).
■ remarques. Probablement limité au registre oral.
V. 〈Deux-Sèvres, Saône-et-Loire, Jura, Rhône, Loire, Auvergne〉 Dans des loc. fam. et vieilli
1. tant plus (que) … tant plus (que) … "plus…plus…".
7. Tant pus qu’on en [du blanc-cassis] boit, tant pus qu’on ait [sic] soif ! (M. Mazoyer, Les Aventures du Toine Goubard, 1982, 34.)
8. – […] Ma pauvre, tant plus que je rajoutais mon sucre, tant plus que c’était une horreur ! Alors je suis retournée à l’épicier avec mon restant de pochon* et je lui ai dit : mais qu’est-ce que c’est cette abomination que vous m’avez vendue ?
Eh bien, figurez-vous qu’il s’était trompé de sac et m’avait mis de la [sic] sulfate de soude. (M. Clément-Mainard, La Foire aux mules, 1989 [1986], 85..)
2. moins usuel tant plus (que) … tant moins (que) … "plus… moins…".
9. – Va falloir faire combien de voyages ?
– Ma foi, j’en sais rien […] : tant pus qu’on en mettra dedans [le camion], tant moins qu’on aura de voyages à faire… (M. Mazoyer, Les Aventures du Toine Goubard, 1982, 111.) ◆◆ commentaire. II. Non documenté à date ancienne, cette innovation qui semble limitée au français de
Provence, et notamment de Marseille, est d’origine incertaine. Absent de la lexicographie
générale du français. III. Ce renforcement de fr. assez, attesté dans le fr. pop. parisien au 18e sièclea, mais qui semble n’avoir jamais pénétré le français de référence, est aujourd’hui
en usage dans une aire compacte du Centre-Ouest. IV. Variante de fr. tant et plus, ce tour, absent de la lexicographie générale et enregistré de façon sporadique dans
les relevés régionaux de Champagne, Lorraine et Franche-Comté, est documenté dep.
1905 dans le français de Besançon sous la forme tant qu’est plus (« Y en a qui disent qu’il a un secret pour se faire aimer. Moi, je ne crois pas ça ;
c’est des bêtises. Mais ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il en a, il en a, le mâtin,
tant qu’est plus » E. Droz, Au petit battant, 91). Il a aussi été relevé dans les patois de Moselle et de Brie (respectivement
tant qu’ pus et tanque et plus, FEW). V. Attesté en fr. dep. le 14e s., mais blâmé par Vaugelas, qui le juge de « vieille mode » (v. Brunot), le tour tant plus… tant plus… (relevé au Québec, GPFC 1930) est aujourd’hui diversement apprécié par les principaux
dictionnaires généraux : « class. » (GLLF, citant Corneille), sans marque (TLF, citant A. France 1897 et Colette 1900),
« vx ou régional » (Rob 1985, citant Pascal) ; d’autre part, tant plus… tant moins (1530, Palsgr – Trév 1743 ; Brunot 3, 372 « ne semble pas avoir été d’un usage bien courant au xviie siècle. On le retrouve cependant dans Malherbe ») est donné sans marque par TLF qui cite Courteline 1888. Les recueils différentiels
enregistrent aujourd’hui ces locutions dans une petite aire lyonnaise que confirme
la documentation d’exemples (qui en donne également une trace dans les Deux-Sèvres).
a « maneselle, C’est ben domage que ce n’est pas tous les jours Dimanche comme le jour d’hier,
car j’aurions la consolance d’ nous voir tant qu’assez » (Vadé, Lettres de la Grenouillère, A la Grenouillère, s.d. [1749], 14) ; « catherine. – J’en allons donc ben vendre ? / margot. – Tant qu’assés… » (Dialogue entre deux poissardes, sur la prise du fort Saint-Philippes, s.l.n.d. [1756], 4). Comm. de P. Enckell.
◇◇ bibliographie. (II) BouvierMars 1986 ; BlanchetProv 1991 ; ArmKasMars 1998 ; RoubaudMars 1998, 89 ;
BouisMars 1999. – (III) MoisyNormand 1887 ; RézeauOuest 1984 et 1990 ; BrasseurNantes 1993 ; aj. à FEW 13/1, 87b, tantus. – (IV) LanherLitLorr 1990 « partout » ; DromardDoubs 1991 et 1997 ; RéginVallage 1992 ; MichelNancy 1994 ; FEW 13/1, 87b, tantus. – (V) JBLGironde 1823, 147-148 ; PomierHLoire 1835 ; GabrielliProv 1836 ; MègeClermF 1861 ;
JaubertCentre 1864 (citant Fénelon) ; MoisyNormand 1887 ; ConstDésSav 1902 ; VerrOnillAnjou
1908 (citant Amyot) ; BrunMars 1931, 75-76 ; DuraffHJura 1986 à tant plus… à tant plus ; VurpasMichelBeauj 1992 « usuel au-dessus de 40 ans, en déclin rapide au-dessous » ; GrevisseGoosse 1993, § 948 e « aujourd’hui populaire […]. Le type Tant plus… tant plus… a appartenu jadis à la meilleure langue » ; SalmonLyon 1995 (ex. de 1928 et 1932) ; MichelRoanne 1998 « bien connu au-dessus de 60 ans » ; FEW 13/1, 87b, tantus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : II. Ø. III. Charente, Vendée, 25 % ; Vienne, 20 % ; Deux-Sèvres, Charente-Maritime, 0 %. IV. Doubs, Meuse, Haute-Saône, 100 % ; Meurthe-et-Moselle, 85 % ; Vosges, 70 % ; Jura,
Territoire-de-Belfort, 65 % ; Moselle, 0 %. V.1. Puy-de-Dôme, 35 % ; Haute-Loire (nord-ouest), 15 % ; Cantal, 10 %.
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