tourin n. m.
〈Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot, Aveyron, Dordogne, Lot-et-Garonne,
Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde〉 usuel "soupe à l’ail et/ou à l’oignon, souvent avec tomates ou œuf, parfois épaissie de tranches
de pain ou de vermicelle, aux recettes variées". Synon. région. aillade*, eau* bouillie. – Tourain avec de fines tranches de pain (Chr. Dardé, Moi, Justine, enfant de l’Assistance Publique, 1992, 51). Un tourin bien aillé et poivré (G. Laporte-Castède, Pain de seigle et vin de grives, 1989, 114).
1. […] faire roussir un oignon et trois gousses d’ail pour son « tourain » […]. (P. de Cerval, Terre acide, 1962, 195.)
2. […] un poulet froid, une salade, une crème au chocolat et une grande soupière d’où
s’échappait le fumet délicieux d’un tourrain à l’ail. (R. Deforges, 101, avenue Henri-Martin, 1987 [1983], 230 [Scène située à Bordeaux].)
3. Terre de gastronomie, ainsi pourrait-on définir le Quercy, où les plats les plus simples
ont la saveur des produits cultivés naturellement. Le repas du soir commence toujours
par un potage, bien souvent le « tourin », soupe « nationale » des régions méridionales. (Pays et gens de France, n° 67, le Lot, 3 février 1983, 11.)
4. […] elle l’invita à manger une assiettée de tourin à l’oignon qui vous aurait ressuscité un mort et qu’il enfonça de quatre grandes
goulées d’un ample chabrot*. (R. Blanc, Clément, Noisette et autres Gascons, 1984, 155.)
5. On mangeait chez elle du pâté, du boudin gras, du tourin à l’ail, du farci* de poule […]. (M. Jeury, Le Vrai Goût de la vie, 1989 [1988], 106.)
6. Le tourin bordelais est au saindoux, et l’on n’y ajoute généralement pas d’ail. / Le tourin du Périgord est à la graisse d’oie. On y ajoute souvent de la purée de tomates et
quelquefois aussi du vermicelle. […] Dans le Quercy enfin, on pratique le tourin aux raves (celles-ci, émincées, remplaçant les oignons), le tourin « à la poulette » (aux oignons, mais lié d’un peu de farine roussie) […]. (La Reynière, dans Le Monde sans visa, 3 mars 1990, 14.)
7. La mémé, cassée en deux devant la cheminée, tournicotait dans une cocotte l’ail d’un
tourain. (H. Noullet, La Falourde, 1996, 140.)
8. Madeleine avait préparé un tourin, la soupe préférée de son fils […].
– Ouah, c’est chaud… Merci, maman… pour le tourin. – Et après ça, chabrot* ! Rien de tel pour repartir du bon pied. (Fr. Pons, Les Troupeaux du diable, 1999, 64.) V. encore ici ex. 11, 13, 14, 18, 24 ; s.v. aillet, ex. 3 ; chabrot, ex. 18 ; chabroter, ex. de Blanc.
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
9. On se retrouve au café de la place pour le traditionnel « tourrin », sorte de soupe à l’oignon gratinée. (M. Thourel, Vivre à Marengo, 1985, 150.)
10. Sarlat, en Périgord noir, reste le pays des honnêtes agapes et des grandes beautés
naturelles. […] Voici le tourin, pour mettre en appétit, soupe à l’ail blanchie, onctueuse à souhait. (Le Monde, 14 janvier 1996, 24.)
V. encore ici ex. 20 et 22.
□ En emploi métalinguistique ou autonymique.
11. Dans tout le Sud-Ouest on pratique le tourin. (Ou faut-il écrire le tourain, comme certains ?), c’est une soupe à l’oignon en quelque sorte. (R. J. Courtine,
La Cuisine des terroirs, 1989, 94.)
12. J’ignore l’origine du mot mais, de reste, il est multiforme, et selon les régions
du Sud-Ouest, sa patrie, on le trouve écrit tourain, tourrin, thourin et aussi touril en Rouergue, touri en Béarn. Et le cher Raymond Oliver prononçait,
avec une pointe d’accent bordelais et une pointe d’ironie : touring ! (La Reynière, dans Le Monde sans visa, 3 mars 1990, 14.)
— tourin d’archevêque/de l’archevêque loc. nom. m. "tourin avec un morceau de confit d’oie".
13. On peut ajouter dans le tourin un morceau de confit d’oie, c’est le tourin d’archevêque. (L’Encyclopédie de la cuisine régionale. La Cuisine du Périgord, 1979, 11.)
14. […] le tourin à l’ail […]. Avec un morceau de confit d’oie, c’est le tourin de l’archevêque. (Cuisine actuelle, n° 34, octobre 1993, 57.)
— tourin blanchi loc. nom. m."tourin avec des œufs incorporés au bouillon".
15. Et le manger était son seul plaisir. Il fallait voir la mine qu’il faisait devant
un tourrin bien blanchi. Jamais j’ai vu un homme aussi heureux. (G. de Lanauve, Anaïs Monribot, 1995 [1951], 84.)
16. Ah, il vous aurait fallu déguster ses tourins blanchis dont la saveur, dit-on, a réveillé des morts […]. (R. Blanc, Clément, Noisette et autres Gascons, 1984, 74.)
17. Sarlat / À la carte de l’hôtel-restaurant St-Albert figurent des plats difficiles
à trouver ailleurs ; ainsi le tourain blanchi, et le millas*, gâteau de farine de maïs et de potiron. (Prima, n° 138, mars 1994, 149.)
— tourin à l’ivrogne loc. nom. m. (par référence à l’efficacité du tourin contre la “gueule de bois” ; cf. eau bouillie, ex. 5).
18. À propos de tourins […], un lecteur fidèle me signale la recette du « tourin à l’ivrogne », du côté d’Eauze en Armagnac : gousses d’ail revenues à la graisse d’oie (ou de canard),
eau bouillante, blancs d’œufs puis les jaunes battus avec un filet de vinaigre, le
tout versé sur des tranches de vieux pain. Pourquoi à l’ivrogne ? Sans doute parce
que, après, le « chabrot »* est de rigueur. (Le Monde, 7 avril 1990, 22.)
— tourin (des noces) loc. nom. m. "tourin, fortement épicé, que l’on apporte parfois, en milieu rural, selon une vieille tradition,
aux nouveaux mariés pendant la nuit de noces". Stand. soupe à l’oignon. Synon. région. aillade*, rôtie*.
19. Avant le repas principal, toute la noce, mariés en tête, sont accueillis par un « tourin » copieusement poivré, qui mettra tout le monde en appétit. Nul ne peut entrer manger
s’il n’en a pas avalé une bonne cuillère. (D. Lavaud-Ribette, « Mœurs et coutumes actuelles dans un canton du Périgord [Saint-Astier], [1961] », Lou Bournat, 1985, n° 4, 14.)
20. Le rite du « tourin » (une soupe à l’ail battue avec un jaune d’œuf) se perpétue aujourd’hui et n’est plus
réservé aux seuls jeunes mariés. (Pays et gens de France, n° 17, le Lot-et-Garonne, 14 janvier 1982, 11.)
21. On y pratique aussi [dans le Quercy] le tourin des noces, au vermicelle. (La Reynière, dans Le Monde sans visa, 3 mars 1990, 14.)
22. Parlerai-je du « tourin », cette soupe à l’ail que les jeunes portaient aux époux pendant leur nuit de noces ?
[…] relevé d’une copieuse dose de poivre et essentiellement constitué d’ail, le tourin passe pour aphrodisiaque. Aussi le rite qui l’accompagne est-il toujours assaisonné
de clins d’œil malicieux et de propos égrillards. Cette tradition s’est perpétuée
jusqu’à nos jours […]. (A. Paraillous, Le Chemin des cablacères, 1998, 64.)
● Dans la loc. verb. porter le tourin. Synon. région. porter la rôtie*.
23. Quelques jeunes gens ont quitté le bal à un moment, pour aller préparer le tourrin [en note : soupe à l’ail], qu’ils voulaient porter aux mariés quand ils seraient dans leur lit, pour le leur faire manger, suivant la
coutume de la campagne. (G. de Lanauve, Anaïs Monribot, 1995 [1951], 259.)
24. Lionel vient de préparer un petit tourin. C’est un truc tout simple, souvenir de sa grand-mère. Tu fais revenir trois ou quatre
oignons et après tu fais ta soupe. Au vermicelle ou trempée. Tu peux la faire au fromage.
Ou à la tomate. Ou blanchie (avec un œuf battu et du vinaigre). En tout cas, c’est
un fricot qui te remonte le moral. La preuve : là-bas, en Dordogne, en Gironde, dans
le Sud-Ouest, on fait ça les lendemains de java. Ça requinque. Ou même la noce le
porte aux jeunes mariés pendant leur première nuit. Pour les remettre en train. (G. Coulonges,
Pause-café, 1984 [1980], 199.)
■ graphie. Faute d’une tradition lexicographique suffisante, l’orthographe du mot est flottante ;
on a retenu en vedette la plus courante, qui se trouve être la plus simple.
■ encyclopédie. Recettes du « Tourain périgourdin ou Tourain des mariés » dans LaMazillePérigord 1929, 26-28 ; « Tourain à l’oseille » dans L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Le Limousin, 1998, 150.
■ remarques. 〈Hérault〉 touril ou tourril n. m. "id.". « Comme arrive en même temps [en juillet] sur le marché l’oignon rebondi […], préparons
donc un “touril”, soupe à base seulement d’oignons frits et de tomates rissolées mouillés d’eau juste
de quoi les baigner, et épaissie si l’on veut d’une poignée de vermicelles ou de croûtons » (M. Rouanet, Petit traité de cuisine romanesque, 1997 [1990], 178). V. encore ici ex. 12 et s.v. aillade, ex. 1.
◆◆ commentaire. Type lexical caractéristique et typique du Sud-Ouest, à rattacher à lat. torrere "(faire) sécher, brûler, griller", attesté dep. 1802 dans le français du Languedoc (« touril (un) ou tourin, Soupe à l’oignon » Villa, dans HöflerRézArtCulin) ; tourin blanchi dep. 1855 (L’Art culinaire, ibid.) ; tourin à l’ivrogne (cf. Lespy 1887 s.v. ouliat « Les ivrognes, le lendemain d’une “ribote”, se font servir un ouliat » et, déjà, OudinCuriositez 1640 : « Soupe à l’yvroigne, i. du pain trempé dans le vin. D’autres veulent que ce soit de
la soupe à l’oignon ») ; porter le tourrain dep. 1895 (PépinGasc), mais le rite est rapporté au début du 19e siècle par le Vte de Métivier, De l’agriculture et du défrichement des Landes (v. HöflerRézArtCulin) ; tourain d’archevêque dep. 1938 (« le tourain blanchi, le “tourain d’archevêque” dans lequel on plonge quelques instants un quartier d’oie », Georges Rocal et Paul Balard, Science de gueule en Périgord, Saint-Saud, 1938, 54). Absent de TLF, le mot figure dans GLLF (« Dans la cuisine bordelaise et périgourdine… »), Rob 1985 (« régional (Périgord, région bordelaise) »), NPR 1993-2000 (« spécialité du Périgord) » et Lar 2000 « (spécialité du Sud-Ouest) ».
◇◇ bibliographie. VillaGasc 1802 ; JBLGironde 1823 tourrin ; PépinGasc 1895 tourrain ; MussetAunSaint 1948 tourain, tourin, tourrin ; SéguyToulouse 1950 tourrin ; EspallBernisToulouse 1979 ; GonthiéBordeaux 1979 tourin ; DuclouxBordeaux 1980 tourrain ; TuaillonRézRégion 1983 (Bordeaux, Périgord) ; SallesLBéarn 1986 tourrin ; SuireBordeaux 1988 tourin ; BoisgontierAquit 1991 tourrin et tourin, tourrain ; BoisgontierMidiPyr 1992 tourrin ; ChaumardMontcaret 1992 tourin ; MoreuxRToulouse 2000 tourrin ou tourrain ; FEW 13/2, 107b, torrere.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ariège, Gers, Lot, Hautes-Pyrénées, Tarn-et-Garonne, 100 % ;
Gironde, 80 % ; Haute-Garonne, Tarn, 75 % ; Landes, 65 % ; Aveyron, Pyrénées-Atlantiques,
50 % ; Lot-et-Garonne, 40 %.
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