vent n. m.
I. [Emploi absolu]
1. 〈Lorraine, Haute-Saône〉 "vent qui souffle de l’Ouest (ou du Sud) et amène la pluie".
1. Le souffle de leur bouche [aux fées] sentait meilleur que toutes les fleurs des jardins.
Tout Féyelle en était rempli que cela venait jusqu’à Landaville, quand c’était le
vent. (R. Wadier, Conteurs au pays de Jeanne d’Arc, 1985, 170.)
2. 〈Nièvre, Saône-et-Loire (surtout Bresse), Côte-d’Or, Yonne, Doubs, Jura, Ain, Rhône,
Loire, Isère, Drôme, Ardèche, Haute-Loire (Velay)〉 "vent qui souffle du Sud et amène la pluie". Anton. région. bise*. Voir s.v. bise, ex. 13.
— au vent loc. adv. et adj. "orienté au sud" (TavBourg 1991). Ils ont mis des double-vitrages aux fenêtres de leur façade qui est tournée au vent (DromardDoubs 1997).
3. 〈Provence, Cantal (Mauriac)〉 il fait vent loc. phrast. "le vent souffle" (OlivierMauriacois 1981). Stand. il fait du vent.
— 〈Ardèche (Privas)〉 il fait vent de + subst. déterminé précisant la provenance du vent. Il fait vent d’Ouest (Médélice Privas 1981) .
II. vent + adj. ou compl. déterm. vent de bise* ; vent de (la) traverse*.
1. 〈Lorraine (nord)〉 vent d’Allemagne/des Allemands "vent qui souffle de l’Est" ; 〈Haute-Saône〉 vieilli "vent qui souffle du Nord". Synon. région. bise*.
2. À Fougerolles [Haute-Saône], où la cerise est une spécialité séculaire, on a moins
peur du froid que [de] l’arrêt de sève […] : « […] Les anciens disaient que le “vent des Allemands”, autrement dit la bise* du nord faisait moins de ravages que la pluie du sud-ouest, qui provoque l’arrêt
de sève. » (L’Est républicain, 19 avril 1994, 408.)
3. À l’automne avec le vent d’Allemagne viendront les Gentianes dont le violet console, les Buplèvres et les Carlines, soleils
acaules. (P. Reumaux, Chasses fragiles, 1997, 70.)
2. 〈Lorraine〉 vent blanc "vent du Nord ou de l’Est qui, en hiver, amène la neige et/ou le froid" ; 〈Franche-Comté〉 "vent d’Ouest, chaud et sec" ; 〈Jura (Haut Jura), Haute-Savoie, Ain, Loire, Isère, Ardèche〉 "vent du Sud qui ne donne pas de pluie". Avec ce vent blanc, on ne veut* pas voir de pluie (DromardDoubs 1997).
4. […] ce vent blanc qui achevait de brûler la gorge. (B. Clavel, Celui qui voulait voir la mer, 1963, 351.)
5. La réverbération [sur le lac Léman] […] est indispensable pour compenser l’ensoleillement
relativement faible dont bénéficie la Savoie au cours de la saison végétative. La
maturation [des raisins] est néanmoins facilitée par les vents tièdes en provenance
du sud-est qui soufflent fréquemment à cette saison : le vent blanc, ou autan blanc. (Gilbert & Gaillard, Les Vins de Savoie, 1991, 25-27.)
3. 〈Jura, Rhône〉 vent des fous "vent du Sud, chaud et sec".
6. Le vent s’était levé. Il devait souffler du sud […]. Il se souvint de ce que disait
sa mère lorsque soufflait ce vent-là.
– C’est le vent des fous. (B. Clavel, La Maison des autres, 1991 [1962], 428.) □ En emploi métalinguistique.
7. Nous arrivâmes à Lyon à neuf heures, chacun dans ses pensées. Le temps avait changé.
Un grand vent chaud soufflait du sud, le vent des fous, selon l’appellation locale. (R. Belletto, Sur la terre comme au ciel, 1983 [1982], 226.)
4. Au fig. 〈Basse Bretagne〉 gueule (ou terme du même paradigme) de vent debout [dbut] loc. nom. f. fam. "figure antipathique".
8. Le sous-officier haussa les épaules furieusement :
– Quel [sic] gueule de vent d’ bout ! dit le vieux. (J. Failler, L’Ombre du vétéran, 1994 [1992], 88.) □ Avec un commentaire métalinguistique incident. Pour reprendre l’expression favorite des matelots, « le Vieux a sa figure de vent debout » (J. Recher, Le Grand Métier, 1977, 50).
— Var. libre.
9. En effet, le jour même où je faisais ma première visite, en compagnie du curé doyen,
je trouve le vent debout : c’était un proche parent des familles qui m’avaient boudé à Guitté. Six après,
il se souvenait et décidait de faire obstacle à ma venue à Plumaudan. (J. Doré, Recteur breton, 1979, 92.)
◆◆ commentaire.
I.1. et 2. sont des sens attestés principalement dans les domaines occ. et frpr. (Grenoble,
1560 ven ; aocc. vent "le sud", 2e moitié 14e s., FEW 14, 255b-256a, ventus ; Cf. Alleyne RLiR 25, 1961, 116-117), qui sont aujourd’hui surtout en usage dans le français
de Franche-Comté et de la région lyonnaise. 3. Attesté dep. l’aocc. (1318 fa ven) et le mfr. (1544 « fera vent, froit, neige » Rabelais, dans Frantext), ce tour a aussi été relevé à l’époque moderne dans divers patois (Deux-Sèvres,
Indre, Cher, Nièvre, Haute-Marne, v. FEW). Relevé encore dans BaronRiveGier 1939,
il ne semble actuellement en usage en français que dans quelques aires au sud-ouest
de Lyon (Cantal, Ardèche) ; FEW 14, 256b, ventus.
II.1. Documentée seulement dans le français de la Haute-Saône à date récente (av. 1994),
cette lexie est absente de la lexicographie générale et régionale et de FEW s.v. ventus et alamannus. 2. Caractéristique aujourd’hui d’une large aire comprenant la Franche-Comté et la grande
région lyonnaise (sauf Lyon), la lexie a été un temps prise en compte dans le français
de référence (Rich 1732-Lar 1933, v. FEW 15/1, 138b-139a, blank) ; v. Alleyne RLiR 25, 1961, 422-423. 3. Absent de la lexicographie générale et régionale ; aj. à FEW 14, 256a, ventus, où cette lexie manque. 4. Métaphore caractéristique du français de Basse Bretagne, bien documentée dans EsnaultMétaph
1925, 259 : figure de vent debout "physionomie ravagée par la mauvaise humeur" (Brest 1860-1886), figure à vent debout (Brest 1898), figure vent debout (Audierne 1901), figure à vent debout "homme qui porte malheur" (sur les longs-courriers, 1898-1905), face de vent debout "figure de malheur" (terme de marins, La Landelle 1848). Absente de la lexicographie générale contemporaine
(mais enregistrée dans Lar 1900 ; FEW 15/1, 216b, *botan), cette lexie est en usage dans le français de Basse Bretagne, d’où elle est passée
à Saint-Pierre-et-Miquelon.
◇◇ bibliographie. MonnierJura 1824 « vent-blanc, s.m. Vent du midi, quand le ciel est serein. Cette locution fait opposition à bise-noire, qui est le vent du nord, quand il souffle sous un ciel nuageux » ; BeauquierDoubs 1881 vent blanc "vent du midi. C’est par opposition à la bise qu’on qualifie de noire" ; PuitspeluLyon 1894 (« Vent du Midi. Le sens s’est particularisé par rapport à la bise » ; vent blanc) ; FertiaultVerdChal 1896 « Chez nous, le Vent est exclusivement le vent du Sud ; la bise, exclusivement le vent du Nord » ; GuilleLouhans 1894-1902 « vent, vent du sud ; la bise est le vent du nord : ce sont là deux acceptions absolues dans le pays ; la traverse est le vent de l’ouest » ; ConstDésSav 1902 vent et vent blanc ; Mâcon 1903-1926 vent blanc "vent du sud-est" ; CollinetPontarlier 1925 vent et vent blanc ; BoillotGrCombe 1929 "vent de l’ouest et du sud-ouest", du côté du vent "au sud-ouest" ; PrajouxRoanne 1934 "vent du midi […] ; celui du Sud est sans conséquence et s’appelle, pour cette raison,
vent blanc" ; BaronRiveGier 1939 "vent du midi" et il fait vent ; DuraffVaux 1941 (vent du midi) ; GarneretLantenne 1959 § 592 « vent, vent du sud ou du sud-ouest qui amène la pluie », « les vents blancs ou de la Saint-Laurent soufflent au mois d’août » ; MédélicePrivas 1981 "vent du sud" « terme du vocabulaire de tous les jours ; lorsque le vent souffle d’un autre point
cardinal, on le précise : Il fait vent d’ouest, ce matin, par exemple » ; RouffiangeMagny 1983 (vent du sud) ; TuaillonRézRégion 1983 (Privas) "vent du Sud" ; TuaillonVourey 1983 "vent du sud, très souvent sud-ouest" ; ArnouxUpie 1984 "vent du sud" ; GononPoncins 1984 vent "vent du sud" et vent blanc " vent du sud, violent et qui n’apporte pas de pluie" « très courant » ; DéribleSPM 1986 avoir une gueule de vent debout ; DuraffHJura 1986 vent blanc "vent chaud du sud-est" « usuel » ; MartinPellMeyrieu 1987 "vent du sud" ; MartinPilat 1989 "vent du sud" « usuel à partir de 20 ans » ; BrasChauvSPM 1990 figure de vent debout ; DucMure 1990 vent "vent du sud" et vent blanc ; DromardDoubs 1991 et 1997 vent blanc "vent d’ouest, chaud et sec" ; TavBourg 1991 "vent du sud" ; ColinParlComt 1992 vent blanc "vent du sud" ; MazaMariac 1992 vent "vent du sud" et vent blanc "vent d’est ou de sud-est qui ne donne généralement pas de pluie" ; VurpasMichelBeauj 1992 « usuel au-dessus de 40 ans, connu au-dessous » ; BlancVilleneuveM 1993 vent "vent du midi" et vent blanc "vent du midi qui, contrairement à l’habitude, n’amène pas la pluie" « usuel » ; FréchetMartVelay 1993 vent "vent du sud" et vent blanc "vent du sud mais n’annonçant pas la pluie" ; VurpasLyonnais 1993 "vent de sud" « bien connu » ; FréchetAnnonay 1995 vent "vent du sud" et vent blanc "vent du sud mais sans pluie" ; RobezMorez 1995 vent "vent du sud" et vent blanc "vent du sud qui ne donne pas de pluie" ; FréchetDrôme 1997 vent "vent du sud" et vent blanc "vent du sud mais sans pluie" « globalement usuel » ; GallenBÎle 1997, 11 une figure de vent debout(e) ; FréchetMartAin 1998 vent " vent du sud" « usuel » et vent blanc " vent du sud-est chaud et sec" « connu au-dessus de 60 ans » ; MichelRoanne 1998 vent "vent du sud" et vent blanc "vent du sud (sans pluie)" ; ChambonÉtudes 1999, 239 ; ALFC 4.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I.2) Ain, Haute-Loire (Velay), 100 % ; Ardèche, Drôme, 65 % ; Nièvre, 50 % ; Côte-d’Or,
Loire, Yonne, 30 % ; Isère, 20 % ; Saône-et-Loire, 10 % ; Rhône, 0 %.
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