bastide n. f.
〈Hautes-Alpes, Provence〉 spor., usuel "ferme isolée à la campagne ; maison de campagne, souvent de plan carré et avec toit
à quatre pans". Charmante bastide tapissée de vigne vierge (Le Guide rouge 2000, 2000, 221).
1. Au fond d’un vallon, à trois cents mètres de Massacan, il habitait l’antique bastide où il était né, cernée par la pinède, le silence de la solitude, l’odeur de la résine,
et le parfum des romarins. (M. Pagnol, Jean de Florette, 1995 [1963], 677.)
2. Il ne reste intacts, hélas[,] que quelques spécimens de ces bastides marseillaises, bastides qu’une vieille carte du terroir nous montrait par centaines, dans nos charmantes
banlieues. (A. Detaille, Les Noyaux de cerises, 1978, 140.)
3. J’avais six ans, ma sœur quatre. Ma mère, qui n’allait pas bien depuis quelque temps,
nous fut brusquement enlevée. […] Du jour au lendemain, nous devînmes orphelins. Un
peu perdu dans cette grande et vieille bastide […], mon père, aux portes du désespoir, ne pouvant seul nous élever, fit appel à
son frère aîné, l’oncle François, qui prit notre propriété en fermage. Il vint s’y
installer avec sa nombreuse famille […]. Il fut convenu qu’on vivrait tous ensemble,
la ferme étant spacieuse. (M. Scipion, Le Clos du roi, 1980 [1978], 72.)
4. Très haut dans le ciel, guidés par son chant, mes yeux cherchaient, mais en vain,
la calandre [= alouette] invisible, qui ne s’aventure jamais aux parages des bastides. (M. Scipion, L’Arbre du mensonge, 1980, 17.)
5. Ma grand-mère paternelle, Mémé Madeleine, naquit à Tanneron [Var], dans une humble
bastide de pierres rouges au cœur de l’Esterel. (M. Stèque, La Tour de Siagne, 1981, 18.)
6. Je me mis en tête d’acheter un mas, dans l’arrondissement d’Alès si possible. Le marchand
de biens m’a fait visiter une bastide majestueuse en face d’Anduze […]. (J.-P. Chabrol, Le Bonheur du manchot, 1995 [1993], 292.)
7. […] taquiner pendant des heures le ballon de football en se résignant le plus souvent
à prendre le mur de façade de la bastide pour partenaire […]. (G. Ginoux, Dernier labour au Mas des Pialons, 1994, 222-223.)
8. […] Léonard m’a accueillie dans sa bastide de la vallée. Même de loin on la trouve belle, cette bâtisse imposante, plus large
que haute, aux fenêtres guillerettes qui s’ouvrent sur une campagne très verte, truffée
de chants d’oiseaux. (M. Fillol, Petites Chroniques des cigales, 1998, 15.)
9. Élise Giono, la veuve de l’écrivain Jean Giono, est morte le mardi 21 juillet à Manosque
(Alpes-de-Haute-Provence), à l’âge de cent un ans. Elle est décédée dans la maison
du Paraïs, où elle avait vécu avec son mari, mort aussi dans la petite bastide. (Le Monde, 23 juillet 1998, 8.)
10. Cotignac bastide provençale. Vue imprenable 200 m2 Séj. Cuis. Chem 4 Chbs SbB WC Cuis. d’été. Gde terrasse. (Var-Matin, 9 juin 1998, 22.)
11. […] vers l’est [de Marseille] où s’étirent des rues interminables et encombrées, bordées
de petits immeubles de trois ou quatre étages sans grâce et poussiéreux. […] La métallurgie
et l’industrie alimentaire ont été remplacées par les grandes surfaces, les fermes
par des ZAC [= zones d’aménagement concerté], les bastides par des centres sociaux. Mais restent aussi des terrains de boules, des terrasses
de bars ombragées, des morceaux de jardin. (M. Samson, « Vivre Marseille », dans Le Monde, 15 octobre 1998, Supplément, I.)
12. le revest : jolie bastide au calme, vue mer, 4 chambres, terrain arboré […]. / dardennes : bastide restaurée, 200 m2, séjour salon 64 m2, 5 chambres, 900 m2 terrain plat […]. / hyères : bastide provençale, 3 chambres sur superbe terrain […]. (Var-Matin, 25 septembre 1998, Annonces Var-Ouest.)
V. encore ici ex. 13 ; s.v. galinette, ex. 7.
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
13. Le nouveau POS [= plan d’occupation des sols] de Marseille, qui sera applicable en
1992, prévoit enfin la protection accrue des bastides, ces résidences secondaires (version cossue du « cabanon »*) bâties à la périphérie par les bourgeois marseillais des siècles derniers, fuyant
la chaleur et les nuisances industrielles du centre-ville. Il y avait plus de 2000
bastides au début du siècle, il en reste à peine 200. (J. Contrucci, dans Le Monde, 28 janvier 1991, 13.)
■ encyclopédie. « Le terme, qui désigne assez généralement une bâtisse isolée dans la campagne, peut
correspondre aussi bien à une petite maison qu’à une riche demeure » (MartelProv 1988) ; dans ce dernier cas, il désigne notamment les grandes maisons
de campagne construites au 18e siècle par la bourgeoisie aux environs de Marseille : « Les “bastides” des pays d’Aix, d’Aigues, de Marseille, de la Ciotat… étaient les “résidences secondaires” traditionnelles des classes aisées des villes et des gros bourgs ; elles associent
détente et loisirs (élégante demeure, jardins ombragés […]) et rapport (bâtiments
d’exploitation et terres agricoles) » (Chr. Bromberger, dans Provence, 1989, 210).
◆◆ commentaire. Distinct des sens de fr. bastide dans le Sud-Ouest ou en référence à cette région (v. TLF), il s’agit ici d’un sens
relevé en français dep. 1570 "maison de campagne, surtout en Provence" (dans Gdf ; TLF), qui s’inscrit en continuité de celui documenté dep. le 14e s. "cabane, hutte" (Froissart). Emprunt à l’aocc. bastida (dep. 1276, v. TLF), le mot est traditionnellement relevé dans la littérature de
voyage : 1630 « En sortant d’Aix […] il trouva quantité de maisons de plaisance et de fermes, appelées
bastides » J.-J. Bouchard, Voyage de Paris à Rome, dans Le Voyage en France, Paris, Robert Laffont, 1995, t. 1, 322 ; 1810 « Les environs de Marseille sont remplis d’une quantité prodigieuse de petites maisons
de plaisir, qu’on appelle des bastides. On en comptait, il n’y a pas longtemps, jusqu’à
cinq mille » H.-A. Reichard, Guide des voyageurs en France, ibid., 567.
◇◇ bibliographie. RézSchnFéraud « Nom qu’on done en Provence aux maisons de plaisance. Acad. Ce nom leur est sur-tout doné à Marseille et aux environs. Il y a beaucoup de cantons
en Provence où il n’est pas en usage. À Arles on dit un mas » ; BrunMars 1931 « ne s’emploie guère » ; BouvierMars 1986 ; MartelProv 1988 ; BlanchetProv 1991 ; ArmKasMars 1998 ; RoubaudMars
1998, 65 ; FEW 15/1, 76b-77a, *bastjan.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Alpes-Maritimes, 90 % ; Bouches-du-Rhône, 80 % ; Alpes-de-Haute-Provence,
Var, 65 % ; Hautes-Alpes, Vaucluse, 50 %.
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